Les filles autistes passent inaperçues mais de nouvelles recommandations diagnostiques pourraient aider les médecins


Barbara Miller et l’équipe Envoyé Spécial de Rebecca Armitage pour ABC News, 23 avril 2018

 Traduction : Louise Robaczynski et Amaëline Ward pour l’AFFA

Article original : Girls with autism flying under the radar but new guidelines could help doctors with diagnosis

Emma Taylor a été diagnostiquée autiste des mois après que sa fille Felicity ait reçu son propre diagnostic (ABC News : Barbara Miller)

Toute sa vie, Emma Taylor a cru que quelque chose n’allait pas chez elle

« J’ai toujours été qualifiée de bizarre ou d’un peu étrange. Une des personnes à mon travail m’appelle la fêlée. C’est quelque chose à laquelle j’étais habituée », raconte cette femme de 27 ans.

Mais quand Felicity, sa fille de 6 ans, a été diagnostiquée autiste, Emma a eu une prise de conscience surprenante.

« J’étais entrain de lire son test sur les symptômes de l’autisme, et j’ai pensé « Attends une minute, je coche aussi chacune des cases. » Je cochais 99 % des cases, et j’ai commencé à me demander si je l’étais peut-être aussi. », explique t-elle.

Peu après le diagnostic de Felicity, cette maman qui vit à Ipswich et travaille comme croupière a pris rendez-vous chez un psychologue clinicien.

« Le psychologue m’a dit « Vous êtes un cas manifeste du syndrome d’Asperger… et vous l’êtes depuis toujours. » Pour moi, c’était un soulagement », avoue Emma.

L’enfance d’Emma a été marquée par des comportements étranges qui ont préoccupé sa mère, mais qui ont été considérés par le médecin de famille comme des bizarreries.

Si elle avait un paquet de sucettes, elle se sentait obligée de les diviser par couleur avant de pouvoir les manger.

Elle ne pouvait pas s’empêcher d’imiter les accents et les manières des gens.

Elle avait beaucoup d’amis à l’école, mais elle trouvait la socialisation si épuisante que parfois elle rentrait chez elle, s’asseyait par terre et regardait dans le vide.

« Tout le monde pensait que je rêvassais, mais ma façon de me recharger était de me couper de tout. J’avais juste besoin de faire le vide. » explique Emma.


Points clés

  • Pour une fille diagnostiquée autiste, 4 garçons le sont
  • Le ratio réel pourrait être plus proche d’une fille autiste pour deux garçons
  • Les médecins ont élaboré de nouvelles recommandations afin de ne pas passer à côté du diagnostic des filles autistes

Emma avait des amis au lycée mais trouvait la sociabilisation épuisante. (Photo fournie par Emma Taylor)

Les filles autistes passent inaperçues

Comme beaucoup d’Australiens, Emma supposait à tort que l’autisme était une condition exclusivement masculine.

Le stéréotype du petit génie qui ne regarde pas dans les yeux est si répandu que les experts pensent que beaucoup de filles et de femmes autistes ne sont pas diagnostiquées.

« Pendant quelques décennies, nous avons cru que pour chaque fille présente sur le spectre, il y avait quatre garçons », a déclaré le Docteur Michelle Garnett, une psychologue clinicienne spécialisée dans le diagnostic de l’autisme à Brisbane.

« Nous pensons désormais que le ratio est d’une fille pour deux garçons. Cela représente beaucoup plus de filles que ce que l’on pensait initialement. »

Le principal problème des cliniciens est que les femmes autistes sont souvent d’excellents caméléons, capables d’observer la dynamique de n’importe quelle situation sociale, et qui se comportent de la manière dont elles pensent que l’on attend d’elles.

D’après le Dr Garnett, « Elles méritent un Oscar pour cette performance ».

« Derrière ce joli masque, lorsqu’elles rentrent chez elles, elles sont souvent tellement épuisées qu’elles craquent. Elles peuvent s’automutiler dès le plus jeune âge et commencent à s’isoler de plus en plus souvent. »

Le professeur Andrew Whitehouse, du groupe de recherche Autism CRC (Centre de Recherche Coopératif), a rédigé une nouvelle liste de recommandations diagnostiques pour aider les cliniciens à identifier les femmes susceptibles de passer inaperçues.

Ces recommandations pourraient alerter le monde médical sur les marqueurs autistiques à prédominance féminine.

« Le but final serait de fournir à chacun de quoi débuter de manière optimale son voyage à travers l’autisme, indépendamment de son milieu, de son bagage, de son origine géographique, et, bien sûr, de son sexe, » a indiqué le Professeur Whitehouse.

Les recommandations ont été soumises à l’approbation du Conseil pour la Santé Nationale et de Recherche Médicale.

Bénéficier d’un diagnostic sauverait la vie des femmes et des filles porteuses d’autisme, d’après le Docteur Garnett : « Elles n’ont souvent pas idée qu’elles sont derrière un masque. »

« Cela entraîne d’énormes difficultés comme de la dépression, mais aussi de l’anxiété sociale, un trouble anxieux généralisé, et des troubles obsessionnels compulsifs. L’anorexie mentale est de loin surreprésentée chez nos filles porteuses d’autisme ou de syndrome d’Asperger. »

Caractéristiques des manifestations de l’autisme chez les filles*

  • Un désir d’interagir avec les autres
  • Une tendance à imiter les autres au cours des situations sociales
  • Une passivité, souvent perçue comme « juste une timidité »
  • Un(e) ami(e) ou un faible nombre d’ami(e)s proches
  • Une tendance à « camoufler » ses difficultés
  • Des compétences langagières correctement développées
  • Une imagination débordante
  • Des comportements répétitifs moins marqués et moins fréquents

*Par rapport aux critères diagnostiques calqués sur des descriptions majoritairement masculines, ajout du traducteur

Telle mère, telle fille

« J’ai toujours retrouvé des échos de moi en elle », explique Sarah en parlant de sa fille, Izzy (ABC News : Barbara Miller)

Pour Sarah Stokes et sa fille de 14 ans Izzy, leurs « diagnostics-jumeaux » ont été libérateurs.

« Je me suis toujours demandée pourquoi je me comportais et je ne réagissais pas comme les autres. Je pensais juste être une « sale gosse » … Et par la suite, le docteur nous a dit que c’était de l’autisme»,  raconte Izzy.

« J’ai finalement compris ce qui se passait. Je pouvais enfin être aidée. »

Izzy a été diagnostiquée il y a quatre ans, ce qui a conduit sa maman à finalement envisager la possibilité qu’elle puisse aussi être sur le spectre. Sarah « voulait des réponses à quantité de choses qui lui étaient arrivées au cours de sa vie. »

« On fait beaucoup de dégâts en laissant les enseignants et les familles traiter quelqu’un comme s’il était méchant et bizarre. Personne ne devrait ressentir cela. »

Armée de son diagnostic, Sarah a pu se pardonner à elle-même de ne pas être parvenue au bout de ses années d’études à l’université, lorsqu’elle était plus jeune.

« Mon entourage a toujours su instinctivement que j’étais différente, » explique Sarah. (ABC News : Barbara Miller)

« J’ai passé la majeure partie de ma vie à penser que j’étais une ratée totale… mais maintenant, je sais pourquoi cela est arrivé. Lorsqu’un professeur de fac me donnait une bibliographie, je me devais de lire chacun des livres y figurant, » cite-t-elle en exemple.

« Je prenais de plus en plus de retard dans mes travaux à rendre parce que je m’enlisais dans chaque détail. »

Aujourd’hui, elle mène des études à distance, ce qui lui permet de suivre son propre rythme.

Elle a aussi aidé Izzy à aboutir à des stratégies d’adaptation, elle peut donc avancer dans ce monde sans y perdre pied ni s’y sentir accablée.

« Je ne suis toujours pas comme les autres enfants, mais maintenant je comprends pourquoi je suis ainsi, » nous dit Izzy.

« Par exemple, si je veux aller faire les magasins avec un ami, je me souffle à moi-même de petites phrases pour me donner du courage, comme Allez Izzy, tu peux y arriver. Il y a d’autres personnes comme toi. »

« J’essaie simplement de ne pas toucher les gens, et je me lance et reste tout près de mes amis. »

Izzy a quelque chose que beaucoup d’adolescentes ont : une mère qui la comprend totalement. Leur diagnostic partagé les a rapprochées.

« Elle dit que je suis sa meilleure amie et que je la comprends plus que quiconque, » dit Sarah. « Je pense qu’elle sait que nous nous sommes retrouvées. »

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