Steven Stagg pour Spectrumnews, 5 septembre 2017
Article original : Adolescents with autism need access to better sex education
Les relations intimes sont inhérentes à l’être humain. Des études démontrent les bienfaits de relations positives tant pour la sécurité émotionnelle que pour la santé mentale (1). Les personnes souhaitant nouer des relations mais n’y parvenant pas sont confrontées à un manque d’estime d’elles-mêmes, à de la dépression, de la solitude et de l’isolement (2).
Pour des adolescents, apprendre comment aborder le sexe et la sexualité peut être semé d’embûches. Comment, sans expérience, percevoir les nuances de la sexualité? Comment aborder un partenaire potentiel? Et si vous le faites, comment communiquer avec lui ou elle?
Cela est particulièrement difficile pour les adolescents avec autisme. Les personnes avec autisme font souvent état de davantage de violences sexuelles et d’exploitation sexuelle que leurs pairs neurotypiques (3). Et pourtant, il y existe un fossé entre les besoins de ces jeunes et ce que leur offre l’école. D’après une étude de 2012, les adolescents avec autisme ont moins de connaissances sur le sexe que leurs pairs et bénéficient d’un moindre accès à l’éducation sexuelle (4).
Mon équipe de chercheurs et moi-même relevons les témoignages d’adolescents avec autisme sur leurs expériences en matière de sexe, de sexualité et d’éducation sexuelle à l’école. Notre recherche donne à penser que les écoles devraient fournir une éducation sexuelle adaptée aux besoins des jeunes avec autisme.
Ces cours devraient inclure à la fois le programme standard – de la reproduction humaine aux rapports sexuels sans risques – et un enseignement supplémentaire sur des sujets tels que comment, pour des adolescents, aborder des partenaires potentiels ou comment décoder les allusions et les autres formes de langage utilisées pour décrire le sexe. Cette éducation est essentielle pour que ces adolescents puissent engager des relations avec assurance, sur une base sûre et saine.
Sommaire
Jeux de rôle :
L’une des fausses idées communément répandues concernant les personnes avec autisme est qu’elles préfèrent être seules. Mes recherches suggèrent que ce n’est tout simplement pas vrai.
Dans le cadre d’une étude en cours, des entretiens concernant le sexe et les relations amoureuses ont été réalisés par mon équipe avec 40 adultes avec autisme. Seuls trois d’entre eux ont exprimé de l’ambivalence quant aux relations amoureuses, principalement par crainte de ne pouvoir faire face aux attentes d’une tierce personne. Près de la moitié des personnes interrogées n’avaient encore eu aucune liaison mais ont exprimé le ferme désir d’en engager une.
Mais en dépit de ce désir, ce groupe ne manifestait qu’une connaissance limitée de la manière de rencontrer quelqu’un ou de manifester leur intérêt. Ils jugeaient effrayante l’idée d’aller dans un café ou un club et fréquenter un groupe de personnes suscitait chez eux une vive anxiété. Certains d’entre eux ont exprimé leur aversion pour l’échange de banalités tandis que d’autres ont reconnu ignorer la manière d’engager une conversation. Ils étaient par ailleurs peu enclins à utiliser des sites de rencontre, jugeant qu’il y a un danger inhérent à rencontrer des inconnus.
L’éducation sexuelle pourrait, grâce aux jeux de rôle, aider ces personnes à aborder autrui avec davantage de confiance. Elles pourraient par exemple recourir aux techniques créées par le défunt Augusto Boal, un metteur en scène brésilien auteur de pièces de théâtre auxquelles l’assistance pouvait participer.
Dans le contexte de l’éducation sexuelle, un comédien pourrait incarner une personne avec autisme confrontée à des expériences qu’elle peut rencontrer dans sa vie, comme par exemple tenter d’engager la conversation avec une personne inconnue dans un bar. La personne avec autisme pourrait alors donner au comédien de nouvelles directives. Par exemple: « Et si je proposais de lui offrir un verre ? ». Ce qui permettrait à la personne avec autisme de tenter de nombreuses approches et de voir, dans un environnement sûr, qu’elles en sont les conséquences potentielles.
Réseau social d’aide :
Si certains aspects de la communication peuvent être enseignés, il est très difficile d’apprendre à quelqu’un comment lire les intentions et les attentes d’autrui. La plupart des adolescents tentent de décrypter ces complexités sociales en observant leurs pairs.
Ils tirent de ces observations des indications sur la manière d’interagir, de rencontrer de nouvelles personnes et d’apprécier la pertinence d’une relation. Les adolescents avec autisme ont des difficultés à nouer des relations amoureuses, mais des cours d’éducation sexuelle pourraient faciliter cet apprentissage.
Notre recherche suggère qu’ils souhaitent une telle guidance. Par exemple, une des personnes interrogées dans le cadre de notre étude a déclaré que l’école devrait apporter aux élèves « les compétences pour trouver le bon type de partenaire ». Pour parvenir à cet objectif, l’école devrait notamment mettre en place des groupes de parole se tenant de manière fréquente, au cours desquels les jeunes avec autisme pourraient partager leurs expériences. Une mise en réseau social pourrait prolonger ce soutien.
Pour la plupart des adolescents, les pairs contribuent aussi à s’initier aux mots d’argot à caractère sexuel. Dans notre étude, une participante expliquait qu’entendre les « gros mots » des autres élèves la mettait mal à l’aise. Elle ne savait pas non plus comment décoder ce qu’elle entendait et estimait que son école devrait expliquer ce qu’il est approprié de dire dans un contexte sexuel et ce que signifient ces termes. De cette manière, elle pourrait décider si elle souhaite ou non s’impliquer dans la conversation.
Des discussions avec modérateur sur un réseau social regroupant des pairs pourraient aborder de telles questions et fournir un espace sûr pour les élèves se posant des questions sur des mots peu familiers.
Sexualités différentes :
Pour être efficace, l’éducation sexuelle prodiguée à l’école doit prendre en compte le fait que certaines personnes avec autisme ne se conforment pas aux rôles sexuels traditionnels. En interrogeant 40 jeunes adultes avec autisme dans le cadre d’une recherche en cours, nous avons relevé que 20 % d’entre eux se déclaraient homosexuels ou bisexuels, une proportion supérieure à celle constatée dans les sondages portant sur l’ensemble de la population. La fluidité de genre est peut-être aussi plus fréquente parmi les personnes avec autisme. Dans une étude que nous avons réalisée cette année (mais qui n’est pas encore publiée), nous avons relevé une incidence particulièrement élevée d’autisme et de traits autistiques parmi les personnes s’identifiant comme transsexuelles ou non-binaires (*).
En dépit de cette proportion élevée, certaines personnes avec autisme ont de la difficulté à accepter des sexualités différentes. Ainsi que l’expliquait un participant: « J’ai une manière rigide de voir le monde, et cela m’a empêché d’accepter ma sexualité. C’est comme si je me l’étais refusée parce que j’ai une pensée très manichéenne et que ma sexualité ne rentrait pas dans ce cadre blanc/noir ». Cette incapacité initiale à accepter sa sexualité et à s’identifier comme un homme gay a entraîné une dépression grave et une hospitalisation psychiatrique.
D’une certaine manière, des personnes avec autisme peuvent même ne pas se retrouver dans la gamme en perpétuelle expansion des identités sexuelles que nous connaissons aujourd’hui tels que gay, hétérosexuel, bisexuel, pansexuel ou asexuel. Par exemple, une de nos participantes expliquait que la relation merveilleuse qu’elle entretenait avec une autre jeune femme avec autisme consistait souvent à rester assises ensemble à lire, parfois pendant une dizaine d’heures, ou à passer des heures à discuter d’histoire grecque.
L’autisme représente une manière profondément différente de percevoir le monde et d’y exister et les personnes avec autisme déploient souvent d’immenses efforts mentaux et physiques pour
simplement tenter de paraître « normales ». L’éducation sexuelle à l’école doit se garder de suggérer que les personnes avec autisme devraient se conformer à une norme et elle devrait plutôt explorer les alternatives aux types traditionnels de relations amoureuses.
Prise de conscience :
Nos travaux suggèrent aussi que les personnes avec autisme ne sont pas toujours conscientes d’être des êtres sexués. Cela se manifeste tant par les signaux qu’elles peuvent émettre que par la manière dont ils sont perçus par autrui.
Par exemple, deux participants à notre étude ont fait état d’un comportement qui peut être perçu comme du harcèlement, comme par exemple de suivre constamment des inconnus, mais ils ne semblaient pas avoir compris que cela peut paraître menaçant. L’un d’entre eux en parlait en ces termes: « Je l’ai simplement vu dans la rue. Et ensuite je me suis juste mis à le suivre ».
Ne pas avoir conscience de sa propre sexualité peut avoir d’autres conséquences néfastes. Ainsi, les personnes avec autisme risquent trois fois plus que leurs pairs d’être victimes d’exploitation sexuelle (5). Des participants à notre étude ont évoqué des épisodes au cours desquels ils avaient été extrêmement vulnérables et exposés à des violences. Une femme a raconté que d’autres l’avaient enivrée et l’avaient poussée à avoir des relations sexuelles avec des filles alors qu’elle ne se considérait pas comme lesbienne. Lors de l’entretien, elle ne paraissait pas avoir conscience que l’on pourrait considérer qu’elle avait été exploitée par d’autres.
Les personnes chargées d’éducation sexuelle doivent être conscientes de ces failles afin de renforcer la confiance en eux des jeunes avec autisme et d’empêcher qu’ils soient agressés ou qu’ils blessent involontairement des tiers. Par exemple, les jeunes avec autisme doivent connaître les lois sur le harcèlement, un comportement qu’eux-mêmes ne considèrent pas nécessairement comme un problème. Leur éducation doit comporter des leçons sur la manière de parler de sexe et leur attention doit être attirée sur la distinction entre comportement taquin et harcèlement. Elle doit aussi traiter des questions de violences sexuelles et des signes indiquant qu’une relation ou une rencontre est violente.
Des recherches telles que la nôtre devraient permettre d’approfondir ces questions et de fournir des outils d’éducation sexuelle plus efficaces pour les personnes avec autisme. Avec un soutien adéquat, les adolescents avec autisme peuvent se sentir plus à l’aise dans la construction de leurs relation et l’exploration de leur sexualité. Ce soutien les aidera à développer des relations saines et à en expérimenter les bienfaits, qu’il s’agisse du bien-être, de l’estime de soi ou du bonheur.
Steven Stagg est maître de conférences à la Faculté de Science et de Technologie de l’Université Anglia Ruskin au Royaume-Uni.
(*) Note de la traduction : personnes ne s’identifiant ni au genre masculin, ni au genre féminin.
Références
(1) Davila J. et al. Pers. Relationships 24, 162-184 (2017) : texte complet
(2) Hatton, S. and A. Tector, Br. J. Spec. Educ. 37, 69-76 (2010) : abstract
(3) Brown-Lavoie, S.M. et al. J. Autism Dev. Disord. 44, 2185-2196 (2014) : PubMed
(4) Gilmour, L. et al. Res. Autism Spectr. Disord. 6, 313-318 (2012) : Abstract
(5) Brown-Lavoie, S. et al. J. Autism Dev. Disord. 44, 2185-2196 (2014) : PubMed
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Pour ma part, les abus se sont produits à l’âge de 7 et 10 ans puis 12 ans. À chaque fois, j’ai été incité et ma naïveté à fait le reste. À chaque fois, j’avais peur et je me sentais très mal à l’aise. Pourtant je n’ai pas su dire non. J’ai amèrement regretté après car à chaque fois, je l’ai vécu après coup comme un viol.