« De l’art de paraître »


Texte poétique d’Alice sur la stratégie de compensation la plus utilisée par les femmes autistes : le caméléon
 
 
Je suis une comédienne – professionnelle. Je joue des rôles.
Celui de la femme au foyer.
Celui de la bonne épouse.
Celui de l’amante ou de la pote cool.
Celui de la prof sympa.
Celui de la bonne copine.
Parfois celui de la folle ou celui de la méchante marâtre.
J’ai joué celui de la lesbienne aussi et puis celui de la junkie.
Mon tout premier, ce devait être celui de l’élève douée.
J’ai été la soeur maltraitante et la fille maltraitée.
J’ai jouée la névrosée devant des psychanalystes atterrés,
l’étudiante géniale,
l’écrivaine ratée.
Mon préféré, c’est celui de la lectrice invétérée.
Je sais très bien jouer aussi celui de la fille normale qui va bien et qui est détachée
ou au contraire celui de l’amoureuse passionnée,
la difficile,
la fille facile,
la gourmande,
l’anorexique,
etc., etc., etc.
 
Diderot disait que l’acteur jouait d’autant mieux son rôle qu’il ne ressentait pas l’émotion qu’il devait représenter, qu’il ne s’identifiait pas à son personnage ni à un vécu personnel antérieur qui l’aurait inspiré pour l’imitation de l’émotion en question. Un bon acteur doit jouer non pas « de cœur » mais « d’intelligence » : « Moins on sent, plus on fait sentir. »
Il faut beaucoup avoir connu les hommes, beaucoup les avoir observés, pour devenir cet acteur-là, distancié. Crédible et distanciée. Le meilleur de tous, car il a perpétuellement conscience des moindres particularités de son jeu et de ce qui peut s’en dégager. Mais c’est aussi celui qui pratique la technique la plus exigeante, épuisante, je dirais.
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Commentaire sur “« De l’art de paraître »

  • Personne

    Tres juste! J’ai ete aussi loin que je le pouvais dans la strategie du cameleon, etudiante dans les auditoires d’univ, employee dans des bureaux. Pleine de bonne volonte et d’un certain talent pour me fondre dans le paysage, donner satisfaction a mes employeurs et a mes professeurs. Subir en toute discretion une impression de solitude, de ne pas faire partie de la societe de mes pairs. Mais un vilain symptome est venu tout gacher: la misophonie.
    Misophonie contre les bouffeurs de chewing gum et les suceurs de bics dans les auditoires…
    Misophonie contre celui qui partageait mon bureau, puis contre un peu tout le monde dans l’open space.
    Croyez-vous qu’il me suffirait d’un bureau a moi pour aller mieux? Misophonie contre la musique d’ambiance dans le couloir de l’immeuble ou je l’occupais, ce bureau a moi toute seule!!! Mais c’est quoi cette princesse au petit pois, cette fille super high maintenance? Inemployable.
    La misophonie, elle me dit: « Cameleon a 100% c’est hors de ta portee! »
    Oui mais, « misophone qui refuse de se soigner » cela ne fait pas avancer les choses.
    Essayons Aspie…..