Rubrique Médias/Témoignages, 11 octobre 2018
Francesca Happé, membre de l’Académie, est professeur en neurosciences cognitives au King’s College à Londres où elle étudie les troubles du spectre de l’autisme.
Pr Francesca Happé pour The Academy of Medical Sciences – Traduction Phan Tom pour l’AFFA.
Article original en anglais : Finding the female face of autism.
Quand vous imaginez une personne autiste, à quoi cette personne ressemble-t-elle ? Il est très probable que vous ayez imaginé un garçon. Je doute que vous ayez pensé à une adolescente ou une femme d’âge moyen.
Notre conscience et reconnaissance de l’autisme a énormément augmenté durant les 20 dernières années, mais nous ne voyons encore qu’une partie du tableau.
Par le passé, nous pensions qu’il y avait dix fois plus d’hommes que de femmes sur le spectre autistique. Plus récemment, ce chiffre a été révisé à seulement trois fois plus – cela signifie que nous manquons ou diagnostiquons mal des milliers de filles et de femmes autistes au Royaume-Uni.
Alors, pourquoi on les manque ?
La recherche sur l’autisme a été axée sur les hommes et a souvent exclu les femmes. Cela veut dire que ce que nous pensons savoir au sujet de l’autisme, est en fait ce que nous savons à propos de l’autisme masculin.
De plus, l’idée que l’autisme est un trouble masculin est largement répandue. Les médecins, les enseignants et même les parents ne pensent pas à l’autisme quand ils voient une fille ou une jeune femme se débattre socialement.
Enfin, l’autisme peut paraitre différent chez les femmes et les filles. Nous savons que certaines femmes cachent délibérément leur autisme en copiant consciemment la manière d’agir, de se vêtir ou de parler des autres femmes ou filles.
Donc les femmes autistes peuvent souffrir en silence, obtenant un diagnostic uniquement si elles ont des problèmes associés. Par exemple, une jeune femme autiste peut être référée à un médecin pour de l’anorexie. A moins que le médecin creuse plus profondément et identifie l’autisme sous-jacent, le traitement qu’elle reçoit peut ne pas être approprié.
A la clinique de l’Hôpital Maudsley, nous avons des femmes qui viennent pour leur premier diagnostic d’autisme dans leur soixante-dizaine. Certaines de ces femmes ont des histoires vraiment tragiques de mauvais diagnostics, d’incompréhensions et de mauvais traitements.
Actuellement, trop de gens passent à travers les mailles du filet. C’est pourquoi il est vital de sensibiliser et de concentrer la recherche sur ce groupe négligé et vulnérable.
En 2017, j’ai eu l’honneur d’être nominée pour une bourse de l’Académie des Sciences Médicales par le professeur Sir Mickael Rutter, membre fondateur de l’académie, et le premier et plus célèbre professeur de psychiatrie infantile en Angleterre.
Depuis cela, l’Académie m’a donné une formation pour expliquer mon travail au public via la télévision, la radio et les journaux, m’aidant à mieux faire connaître nos recherches. J’ai également rejoins un groupe de femmes chercheuses qui se se sont rendues à la BBC pour rencontrer des journalistes, dans l’espoir d’augmenter le nombre de femmes scientifiques qui apparaissent dans les médias.
Ma motivation est d’affiner la compréhension de l’autisme et d’améliorer la vie des enfants et adultes autistes. Et, en vieillissant, je me suis retrouvée à vouloir rendre mon travail plus directement pertinent – pour essayer de faire la différence plus vite. Communiquer au sujet de ma recherche en est une part importante et agréable.
Le professeur Francesca Happé est un membre de l’Académie des Sciences Médicales. Elle est un mentor de l’Académie et a participé à la présentation de la BBC pour les femmes expertes de l’Académie.