L’anorexie atypique, un trouble passé sous silence…


 

 

De nombreuses femmes autistes ont ou on eu des troubles du comportement alimentaire, troubles dont on parle trop peu.. Voici un article écrit par DS Loupa, membre de l’association sur une forme méconnue de l’anorexie.

L’anorexie atypique, c’est sur ce nom surprenant que s’était arrêté un des médecins qui m’avait diagnostiquée dans un centre expert pour personnes handicapées, étonné de découvrir une forme peu connue d’anorexie où lui-même ne savait pas vraiment s’il pouvait appeler cela de l’anorexie tant elle était différente de l’anorexie commune. Ne trouvant aucune information à ce sujet, il m’a paru important d’en parler via cet article afin de poser un nom sur la souffrance d’un grand nombre de personnes qui ne comprennent tout simplement pas ce qui leur arrive.

Qu’est-ce que l’anorexie atypique ?

Contrairement à  l’anorexie mentale, le petit poids d’une personne ayant de l’anorexie atypique n’est pas provoqué de manière volontaire. Ce trouble peut se caractériser entre autres par une hyper/hyposensibilité sensorielle, aux odeurs, goûts et textures. C’est souvent une conséquence du fonctionnement  particulier des personnes autistes au niveau sensoriel. Il ne peut pas être soigné puisqu’il s’agit d’un handicap et non d’une maladie. Il est par contre possible de travailler de manière précoce et intensive sur la désensibilisation. Mais dans les faits, ce trouble est très peu, voire pas connue du tout et les médecins ne savent  pas comment réellement aider le patient qui en souffre : ils se retrouvent démunis en constatant une maigreur inquiétante et se contentent de proposer des solutions pour une prise de poids, solutions qui s’avèrent la plupart du temps inefficace.

Un trouble sous-diagnostiqué

Il faut aussi noter que la maigreur chez les femmes est plus socialement acceptable, encouragée, voire attendue, que pour un homme qui est moins soucieux de son image. Une femme amaigrie et fragile alertera moins et choquera moins que ses compères masculins, rendant le diagnostic de cette pathologie plus compliqué, nié voire invisible. Tandis que les conséquences sur sa santé à long terme seront terribles et ignorées.

La femme souffrant d’anorexie atypique est alors niée dans sa souffrance et se retrouve isolée, que cela soit au niveau médical ou relationnel, alors qu’aucune reconnaissance de handicap n’est posée, à moins d’avoir un autre trouble à côté.

Des propos culpabilisants et méprisants peuvent également en découler, car manger sans prendre du poids serait aux yeux de notre société une chance, et non un handicap alors qu’il n’y a rien à envier. La maigreur au même titre que l’obésité est un réel danger pour la santé de la personne qui en souffre, et beaucoup de monde l’ignore. Cela conduit à une dénutrition, malnutrition et peut causer des dégâts irréversibles, de l’hypokaliémie, des comas, un arrêt cardiaque, voire un décès. Quand l’entourage se rend compte du mal-être et de l’ampleur des dégâts, il est souvent déjà trop tard pour ces femmes.

Dès le plus jeune âge…

Cette forme d’anorexie va toucher la personne dès son plus jeune âge, homme ou femme, et cela avant même d’apprendre à marcher, ce qui provoquera des problèmes de santé irréversibles pour l’enfant qui s’amaigrira durant toute sa croissance : poids et taille inférieure à la moyenne, maigreur anormale, fatigue, dents fragiles, déshydratation, troubles digestifs… De même, cet état de maigreur constant affaiblira physiquement la personne touchée et impactera directement son quotidien à l’âge adulte : manque de force physique, mauvaise motricité, diminution de la qualité de la mémoire, difficultés à se concentrer, tremblements physiques inexpliqués, perte des muscles, perte d’autonomie, malaise, chute des cheveux, ossature fragilisée, risque de chutes, angoisses, insomnies, fatigues, sensations de froid, isolement social, dépression, etc. Parfois, ouvrir une simple bouteille d’eau peut s’avérer impossible quand la personne est trop affaiblie, alors que des tremblements dans le bras ou le corps peuvent empêcher toute activité.

Ces symptômes visibles peuvent être les mêmes que l’anorexie commune et les conséquences peuvent être terribles et mènent parfois à des hospitalisations voire à une diminution de l’espérance de vie sur le long terme.

Comment reconnaître ce trouble ?

L’anorexie atypique se manifeste dès que l’enfant commence à manger des premiers aliments à côté du lait maternel : des troubles alimentaires ainsi qu’un poids anormalement faible peuvent se faire doucement remarquer. Celui-ci semblera avoir du mal à garder certains aliments qui provoqueront des vomissements occasionnels, et développera très vite une croissance staturo-pondérale insuffisante qui peut se remarquer dès la première année de vie.

Bien souvent cela semble anodin au début, mais cache un véritable mal-être en devenir, car dès que l’enfant se retrouvera confronté à son entrée à l’école, le passage à la cantine peut se transformer en un véritable supplice. Certains adultes n’hésitent pas à forcer les jeunes enfants qui mangent peu (ou pas du tout) pour qu’ils mangent : ils contribuent ainsi doucement à un traumatisme dès leur plus jeune âge et à un blocage alimentaire qui s’intensifiera lors des repas. D’autant plus lorsque le forçage alimentaire mène ensuite à des vomissements.

Des œufs avec des graines de quinoa, une texture répulsive pour certaines personnes ayant des troubles sensoriels

Ce qu’il faut noter, c’est qu’un enfant autiste n’a pas un fonctionnement cognitif et sensoriel typique, et son refus de manger ou son manque d’appétit peut vite être incompris. À cause de leur fonctionnement différent, ces enfants se retrouvent vite confrontés à des problèmes sensoriels aussi variés que surprenants : certains seront gênés par les lumières agressives, par les températures, par le bruit qui peut très vite les épuiser, d’autres seront affectés au niveau du goût, mais pas seulement.

Il est fréquent que les autistes ne boivent pas d’alcool par exemple, ou n’aiment pas le café. Chez ces enfants souffrants d’anorexie atypique, les repas peuvent se transformer en un véritable parcours du combattant : un plat un peu épicé peut vous paraître agréable à manger, une boisson gazeuse va provoquer à votre palais des chatouillis. De même, l’alcool peut être un véritable plaisir pour la plupart des personnes ordinaires. Mais pour celui qui souffre d’anorexie atypique, ces goûts ne sont pas les mêmes, et pour cause, le goût et les sensations y sont décuplés, ou au contraire absents. On va donc évoquer pour les premiers un syndrome de dysoralité sensorielle qui provoque une très forte sensibilité aux goûts, aux odeurs ainsi qu’aux textures pouvant conduire à une simple gêne lors de la prise des repas jusqu’à un dégoût profond et des rejets ou vomissements. Ce syndrome est encore très méconnu en France, et a été observé principalement aux États-Unis.

Vulnérabilité des personnes autistes

Les petites filles sont particulièrement vulnérables face à ce handicap, étant plus discrètes et formatées à ne pas se faire remarquer et à rester sage, elles masqueront leur inconfort devant un plat trop amer ou trop salé contrairement à un petit garçon, et se forceront ou renonceront à manger au risque de ne pas être rassasiées.

L’autisme affectant également les fonctions sociales et les capacités à lire les expressions du visage, ce malaise s’accentuera lorsque l’enfant ne comprendra pas pourquoi il est grondé, ni pourquoi l’adulte attend de lui qu’il mange, et plongera un peu plus ces enfants dans l’anorexie alors qu’ils entrent à peine sur les bancs de l’école. Les adultes ne comprenant pas pourquoi ceux-ci n’aiment pas un aliment, et réciproquement, ces enfants ne comprendront pas pourquoi ils sont seuls à ne pas arriver à manger un plat qu’ils jugeront trop agressif pour le palais, ou qu’ils n’arrivent tout simplement pas à mâcher.

Qu’est-ce que cela implique ?

Au niveau du goût

Une boisson gazeuse va piquer la langue comme des pointes de couteaux, l’alcool ou les plats épicés peuvent vous brûler comme si vous avaliez du feu, le café peut-être trop amer et impossible à boire, le sel trop prononcé, une quantité infime d’ail ou de poivre peut-être détecté dans l’assiette. Même le goût de l’eau peut en rebuter certains, et l’achat de bouteilles d’eau de source sera minutieusement choisi afin d’obtenir un liquide avec le moins de goût possible.

Des fourmis dans de la confiture : voilà ce qu’une personne anorexique atypique peut ressentir quand elle mange certains aliments, comme si des fourmis lui attaquaient la langue

Au niveau des couleurs, odeurs, texture

Les couleurs, l’odeur, les matières des aliments peuvent aussi être rédhibitoires, et des dents fragilisées par l’anorexie peuvent compliquer la prise de certains aliments tels que les viandes rouges, ou des produits caoutchouteux ou trop durs, et la mastication peut devenir compliquée. D’autant plus quand le dentifrice lui-même provoque des douleurs, des saignements ou un goût insupportable en sachant que la plupart de ces produits ont un goût fort de menthol.

Tri alimentaire

Souvent, manger demande une telle dépense d’énergie qu’il est fréquent que l’enfant n’arrive pas à finir son assiette, et parfois à terminer de mâcher certains aliments, qu’il se retrouve contraint de recracher. D’autres troubles peuvent alors s’ajouter, comme un tri alimentaire, où l’enfant préférera dépenser son énergie à séparer les aliments dans son assiette afin de ne sélectionner que ce qu’il lui plaît ; cela entraînera une alimentation très restreinte ainsi que la peur de découvrir de nouveaux aliments, et la consommation d’ un même plat durant des jours.

Absence de sensation de faim

Pour les plus malchanceux il s’ajoute une autre particularité : le manque ou l’absence de la sensation de faim, de soif, ou d’autres besoins primaires comme celui d’aller à la selle. Ce dernier peut mettre la vie de la personne en danger avec des risques d’occlusions intestinales qui mèneront à des hospitalisations. Tandis qu’une absence de sensation de chaleur/ de froid/ de douleur peut conduire à des blessures lors de la prise des repas.

L’absence, ou le manque de sensation de faim est particulièrement gênante pour ceux qui en souffrent, car celle-ci se manifeste par des oublis de s’alimenter, d’autant plus quand la personne atteinte d’anorexie atypique est concentrée dans ses activités répétitives (un des symptômes de l‘autisme) et ne pensera tout simplement pas à s’alimenter durant la journée. Seules des douleurs ou des crampes à l’estomac finiront par l’avertir, mais cela ne l’empêchera pas de sauter des repas ou de rester une journée entière sans manger, à moins d’avoir un proche à disposition ou une alarme qui permettrait de se forcer à s’alimenter trois fois par jour. Ces personnes se retrouvent donc rapidement dépendantes et vulnérables, et un isolement social s’avérera compliqué, voir dangereux pour leur santé.

Manque d’appétit

Malheureusement, penser à manger est une chose, mais arriver à terminer son assiette en est une autre et des alarmes n’aideront pas forcément à une prise de poids. Les troubles sensoriels cités plus haut couplés à un manque d’appétit quotidien rendent l’alimentation compliquée, et il est parfois difficile de terminer son assiette quand les aliments nous rebutent. En ne ressentant pratiquement pas la faim, l’anorexique atypique ne ressent pas le besoin d’être rassasié. L’heure du repas ne devient alors intéressante que lorsque la personne mange par gourmandise et cela conduit inexorablement à un amaigrissement : dans ces conditions,  prendre du poids est compliqué, voire impossible.

Témoignage d’une jeune femme autiste souffrant d’anorexie atypique –  40 kilos

« Je suis une jeune femme souffrant de troubles alimentaires depuis que j’ai deux ans. Ces troubles impactent fortement mon quotidien, mon confort et mon sentiment d’appartenance à la catégorie dite des « gens normaux ».

Je suis passée pour une enfant difficile, qui n’aime rien, qui fait des caprices et qui n’est « pas tout à fait finie ». Je n’ai jamais pu manger à la cantine, jamais pu aller manger chez des copains d’écoles. En tant qu’adulte, je suis toujours dans l’incapacité de manger chez quelqu’un que je ne connais pas ou qui n’aurait pas connaissance de mes troubles. Manger au restaurant est une activité que je limite à ceux que je connais uniquement, je n’y prends toujours que les mêmes plats et je peux paniquer si jamais la carte a été changée.

Pourquoi ? Parce que mon palais ne supporte presque rien. Je peux presque compter les aliments qui trouvent grâce à mes yeux sur les doigts de la main. Proscrites les boissons gazeuses ou l’alcool, synonymes de souffrances pour ma langue. Bannis les yaourts aux fruits en morceaux, qui me donnent la nausée. Interdiction de manger des fruits tout court à cause des fibres qui me dégoûtent. Impossible de manger une sauce tomate qui ne serait pas lisse, avec des grains ou des morceaux de peaux.

Ces troubles ont gâché mon enfance, car mes parents ne comprenaient pas. Mais pourquoi avaient-ils une enfant comme ça, qui n’aime rien ? Certains aliments sont encore source de très mauvais souvenirs pour moi, vingt-deux ans après, notamment les petits-pois. Pourtant, quand un de vos parents, lors d’une crise de nerfs, certainement démunis face à la situation, vous force à rester à table, en vous hurlant dessus pour que vous lui fassiez PLAISIR, pour que vous avaliez ces 3 MALHEUREUX petits-pois. Des petits-pois qui vous provoquent des sensations que vous êtes tout bonnement incapables d’expliquer à cinq ans. Ni larmes, ni les cris n’y changeront quelque chose. »

En conclusion

Beaucoup de médecins sont démunis devant cet état de santé, certains s’en lavent même les mains quand on passe dans leur cabinet, constatent un poids faible et vous laisse repartir chez vous sans proposer la moindre solution.

Il est pourtant important d’avoir un suivi médical, et un médecin de confiance quand on est affaibli et démuni, et ne pas hésiter à demander des bilans sanguins afin de s’assurer de ne pas avoir de carences au risque de faire un début d’hypokaliémie qui pourrait déclencher un malaise cardiaque, ou des carences en vitamines. De même, vous pouvez réclamer des boissons hyper-protéinés que l’on donne habituellement aux personnes en convalescence et aux personnes âgées, ainsi qu’un suivi psychologique pour ne pas sombrer dans l’isolement et les troubles dépressifs.

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2 commentaires sur “L’anorexie atypique, un trouble passé sous silence…

  • Annick

    j’en ai souffert durant 11 ans sauf que ça avait commencé dans mon cas par de grosses difficultés financières qui ont fini par devenir une habitude (1 repas tous les 3 à 5 jours) qui m’on valu d’être sur le point de mourir en 2015 mais au lieu de maigrir, j’ai pris 30KG, raison pour laquelle aucun médecin n’avait cherché à comprendre et il a fallu qu’une dame mettre le mot aménorrhées et que je découvre par moi-même le mot stéatorrhées pour me rendre compte de l’ampleur du désastre et en parler avec mon médecin traitant. n’ayant plus aucune vitamine ni protéine dans le corps, j’ai fait 3 ans sans savoir marcher et maintenant, dès que je sens que ce trouble me reprend ou que j’estime ne pas manger en suffisance, je prends un apport de vitamines (celles qui m’ont remise sur pieds) elles ne se vendent plus malheureusement mais j’ai su avoir la dernière boite via une autre pharmacie mais je vous en conjure, n’en n’arrivez pas comme moi à ce que cette dénutrition vous mette sur les rotules car je ne sais pas si un jour, mon corps récupérera de cette errance alimentaire :'(
    n’oublions pas que les problèmes de déglutition sont aussi parfois associés au SED (syndrome d’Ehlers Danlos), ce qui fait aussi que l’idée d’avoir à avaler de la nourriture nous donne aussi la nausée et pourrait très vite nous faire basculer
    je ne souffre pas d’autisme mais du SED …