Passionnée par la petite enfance, Julie, membre de l'association, en a fait son travail. Elle nous raconte son parcours difficile, du harcèlement à l’humiliation, dues à son fonctionnement autistique, jusqu’à sa courageuse prise de conscience.
On a beau être passionné par son travail, quand on connait le harcèlement et la discrimination, on finit en dépression et écœuré. Ce milieu de la petite enfance, qui devrait être bienveillant par définition, s’est transformé en un enfer pour moi.
Sommaire
C’était ma passion, j'en avais fait mes études
Depuis petite, je m’intéresse à la petite enfance. En grandissant, cet intérêt est resté solide. J’ai eu un parcours scolaire chaotique à cause du harcèlement que j’ai connu toute mon enfance et mon adolescence. J’ai donc atteint la majorité sans diplôme et très peu instruite.
J’ai eu mon fils et une fois qu’il a eu 3 ans et moi 23 ans, j’ai repris une formation « d’auxiliaire de l’enfance » (équivalent d’auxiliaire de puériculture) en cours pour adulte sur un an. J’ai eu un professeur fabuleux qui m’a aidé à m’accrocher, qui avait su trouver les bons mots pour m’aider à gérer la panique lors des examens et des stages. Socialement, je n’étais pas très intégrée mais j’avais toute même trouvé une personne très marginale et aussi motivée que moi avec qui je m’entendais bien. Les stages ont été difficiles en termes de fatigue, d’intégration et mon stage en crèche s’est particulièrement mal passé car la crèche était à la limite de la maltraitance et que je n’avais pas été prise en sérieux par mes professeurs à l’époque. J’étais trop idéaliste, trop stressée… selon eux.
Malgré tout, j’ai fini mon année brillamment avec grande distinction. Je pensais être faite pour ce métier.
Premier travail - Une expérience profitable
J’ai trouvé directement un travail dans une toute petite structure avec juste ma directrice au commencement et donc je n’ai été confrontée à aucune difficulté sociale importante autre que certaines prises de tête avec ma directrice, c’est que je n’ai pas ma langue dans la poche ! Au bout d’un an, un collègue homme s’est invité à mi-temps et nous nous sommes bien entendus. Je suis d’ailleurs toujours en contact avec lui via les réseaux sociaux. Le travail était par contre très exigeant pour moi, à cause du bruit surtout, mais la petite taille et l’organisation faisait que je me retrouvais régulièrement isolée dans la journée. Dans ces conditions, j’ai pu pendant deux ans gérer cette surcharge sensorielle bien que j’ai été souvent épuisée. Je me faisais pas mal exploiter aussi. Certains parents ne m’appréciaient pas trop. J’adorais donner des conseils et des informations.
Aujourd’hui je sais que mon attitude n’était pas appropriée au contexte mais à l’époque je n’avais aucune idée de l’ampleur de mes difficultés de communication. La fatigue et la surcharge faisaient que j’avais perdu beaucoup de poids et que j’étais très nerveuse mais malgré tout, ce furent deux années d’une expérience profitable même si pour ma santé physique et mentale, je n’aurais pas pu prolonger et j’étais bien contente que le contrat s’achève.
Harcèlement et diagnostic
Quelques mois après la fin de ce premier contrat, j’ai commencé dans une très grande et nouvelle structure avec beaucoup de moyens. J’étais tellement contente d’avoir décroché ce CDI avec bon nombre d’avantages sociaux. Mon entrée à la crèche était timide, j’avais énormément de collègues et tout était grand, bruyant, difficile. Je ne parvenais pas à y trouver mes repères. Je ne comprenais pas mes collègues qui avaient des préoccupations que j’estimais être futiles, et qui préféraient causer de leurs vacances au lieu de s’occuper des enfants. Les journées étaient rythmées, non par les besoins des bambins, mais par les commérages et les conflits, et moi je ne parvenais pas à m’intégrer dans cette ambiance.
On m’a changé de section, et là j’ai commencé à connaître l’enfer que j’avais vécu les années de ma jeunesse : le harcèlement par une collègue qui ne voulait pas de moi dans « sa » section et ses alliés à la crèche par extension. Sa volonté était clairement de me faire partir, tout ce qu’elle disait de moi revenait à mes oreilles, elle avait entrepris un véritable plan pour me faire tomber jusqu’à essayer de me mettre en faute aux yeux de la hiérarchie ainsi que colporter des rumeurs. Quand elle était avec moi, elle avait ce double langage que je n’ai jamais pu comprendre, parfois elle était très gentille, d’autre fois méchante.
Au bout de 3 mois, j’ai fini en dépression sévère et j’ai dû être arrêtée 6 mois. Pendant ce laps de temps, j’ai commencé la démarche diagnostique pour l’autisme et un suivi psychothérapeutique avec une psychologue TCC spécialisée en autisme.
La terrible reprise
J’ai repris au bout de ces 6 mois, mon harceleuse avait été mise dans une autre crèche pour faute grave et ses deux alliés semblaient avoir entériné les conflits. Mes collègues, je dois dire, m’avaient réservé un bon accueil, bien que je fusse encore confrontée à ce double langage, au double jeu des gens : ils pouvaient se montrer très sympa avec moi et la seconde d’après être très durs. Je ne savais jamais si leurs mots étaient des taquineries ou des véritables insultes et je le vivais très mal. Mes collègues avaient bien compris mes difficultés probablement,
Elles s’amusaient à me raconter des bobards, des choses graves qui me mettaient hors de moi, comme par exemple qu’il n’y avait plus de produit lessive pour le linge et donc qu’on le lavait avec les produits pour le sol ! J’étais tellement scandalisée que je me suis retrouvée comme une idiote dans le bureau de ma direction pour avouer ce fait que j’estimais intolérable.
Profiter des faiblesses et rabaisser
La surcharge sensorielle était quant à elle insupportable, cette crèche était très bruyante, il y avait un surnombre d’enfants par rapport à la taille des pièces, les moments de calme étaient rares. Mes collègues avaient aussi compris ma difficulté au bruit, elles s’étaient procurées un klaxon et elles s’amusaient à le faire klaxonner juste à côté de mes oreilles. Quant à moi, je n’arrivais pas du tout à gérer les groupes d’enfants qui étaient très turbulents et bruyants : à chaque fois mes collègues devaient prendre la relève et je me sentais constamment rabaissée et surveillée. Les enfants avaient compris mes difficultés à me faire respecter et c’était très dur de doser mon autorité avec eux. Par contre, étant donné le peu d’attrait pour la conversation sociale, j’étais bien plus disponible pour répondre à leurs besoins que les autres adultes.
Discrimination
Pour calmer pour anxiété quand j’étais au travail, je passais mes temps plus calmes à ranger frénétiquement la crèche, à tout aligner, remettre ensemble, je ne pouvais pas m’en empêcher. Dès la reprise de mon travail, j’avais décidé de mettre au courant ma direction de ma démarche diagnostique, espérant obtenir une meilleure compréhension et des aménagements. Au lieu de cela, ma directrice m’a dit qu’elle allait devoir avertir ses supérieurs car pour elle, je n’étais pas en mesure de répondre aux besoins des enfants si mon diagnostic d’autisme se confirmait. Elle était persuadée que je ne pourrais pas reconnaître les émotions des enfants et donc répondre adéquatement à leurs besoins.
Pourtant, comme dit plus haut, j’étais la plus attentive étant donné que je suis une personne perfectionniste dans mon travail et très attachée aux valeurs de bienveillance éducative.
Elle m’avait fait signer une lettre qui stipulait que je lui avais confié cela et qu’elle était obligée d’avertir ses supérieurs. Elle m’a intimidée, en me disant que j’étais obligée de l’avertir si oui ou non le diagnostic se confirmait, ce qui, après m’être renseignée, étaient complètement faux.
Elle m’avait également dit qu’elle serait obligée de me surveiller plus que les autres et elle débarquait régulièrement quand j’étais seule en section, parfois je ne la voyais pas tout de suite et puis je la surprenais subitement occupée à m’observer. Aussi, elle a fait en sorte de me faire convoquer plusieurs fois par la médecine du travail en quelques semaines pour qu’ils s’assurent que j’étais apte au travail. Tout cela n’a fait qu’augmenter mon stress déjà très élevé bien entendu et je n’ai obtenu aucun aménagement à l’amiable.
Game over
Au bout de 3 mois de reprise, je me suis retrouvée à nouveau en dépression et en arrêt maladie. Au bout de quelques mois d’arrêt, j’ai été convoquée devant le médecin conseil qui s’est montré très compréhensif par rapport à mes difficultés et ne semblait pas ignorer la problématique de l’autisme. Mon diagnostic étant confirmé, elle m’a aussi clairement dit que je ne devais pas espérer obtenir des aménagements car ce n’était pas le genre de la ville de Bruxelles (mes employeurs), elle était compatissante tout en m’expliquant que j’allais recevoir mon C4 pour raisons médicales. C’est ainsi que j’ai été renvoyée.
Cette expérience désastreuse m’a au moins permis de comprendre que ce travail n’est pas fait pour moi. Il est trop exigeant au niveau sensoriel et c’est intolérable sur le long terme. Je ne peux pas travailler en équipe, surtout si cette équipe profite de mes faiblesses.
Et puis je suis déçue de la réalité du terrain, pendant nos études, on nous parle de bienveillance, des besoins de l’enfant… mais dans la réalité ce n’est pas ce qui semble prioritaire aux hiérarchies et au personnel sur place et ça, je l’ai vécu dans les deux crèches dans lesquelles j’ai été ainsi que pendant mes stages.
Aujourd’hui, j’ai repris mes études niveau secondaire pour avoir accès aux études supérieures, à 28 ans, je me dis que je peux encore tenter d’étudier et de trouver un milieu de travail qui me convienne et, même si les études sont très difficiles pour moi, je m’accroche.
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Le harcèlement est du a de l’ignorance qui est encore difficile de combattre, tant les aspies qui travaillent dans le milieu du soin (ou assimilé) ont peur de sortir du placard. Il y a du changement, petit a petit, un exemple: http://www.artsenmetautisme.nl/en/
Bon courage! (de la part d’un kiné aspie qui lui aussi, est passé par la case harcèlement/ dépression, voire plus si affinité 😉 -> je peux en rire, 3 ans + tard, c’est bon signe, non?
Bonjour
Merci pour votre commentaire revigorant !
Magali
Bonjour,
Je me vois tellement dans ce témoignage.
J’ai 45 ans, je suis autiste asperger diagnostiquée l’année dernière après des années de souffrance. Je vous contacte car aujourd’hui je suis au bout de mes forces.
J’ai besoin d’un conseil.
Je me suis fait harcelée au travail plusieurs fois, tout au long de mon parcours professionnel.
Aujourd’hui ma santé mentale et physique se dégrade car je suis dans un poste inadapté avec deux supérieurs assez pervers.
Actuellement mon médecin traitant avec mon médecin de travail, ils m’ont mis en mi temps thérapeutique, mais ce n’est pas éternel. Je cherche donc à partir ailleurs… Mais OU??
Je suis assistante de direction et traductrice. Je suis diplômée en linguistique anglaise et espagnole. Je parle quatre langue et beaucoup d’expérience. Je suis persévérante et soucieuse de mon travail.
Je ne sais plus quoi faire. Je n’arrête pas d’envoyer des cvs mais j’ai du mal à trouver un emploi avec des gens « normaux », dans un environnement bienveillante. Que faire? J’en peux plus, je suis vraiment au bout des forces et je n’ai pas de famille ici.
J’ai un statut handicapé (rqth) mais pour l’instant je n’arrive pas à m’en sortir. Quelqu’un aurait une idée un conseil à me donner? Je vous remercie d’avance.
Bien à vous,
Alexandra Fernandez