L’AFFA s’engage sur le manifeste contre l’impunité des crimes sexuels


Le Vendredi 24 Octobre 2017, le Dr Muriel Salmona, présidente de l’association Mémoire traumatique et Victimologie, spécialisé dans la psychotraumatologie a présenté le manifeste contre l’ impunité des crimes sexuels à Marlène Schiappa, Secrétaire d’état auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Huit mesures proposées par le manifeste

  • Lutter contre le déni, la culture et la loi du silence en informant sans relâche
  • Réformer la formation de tous les professionnels de l’éducation, du social, de la santé, des forces de l’ordre et de la justice
  • Libérer la parole des victimes grâce à un dépistage universel de ce type de violences
  • Protéger les victimes
  • Prendre en charge et soigner les victimes
  • Sécuriser le dépôt de plainte
  • Améliorer les lois et les procédures judiciaires
  • Sécuriser les procédures judiciaires

Cet outil sera un support au gouvernement afin de proposer une loi sur ce sujet au Senat début 2018, notamment l’allongement du délai de prescription, l’âge du consentement, protection des victimes, …
Une loi menée également par Nicole Belloubet, Ministre de la Justice. L’un des objectifs affichés de cette loi est bien « d’abaisser le seuil de tolérance de la société, » selon Marlène Schiappa.

 

Contribution de l’Association Francophone de Femmes Autistes

L’AFFA a contribué au contenu de ce manifeste en rappelant nos spécificités liées à l’autisme, qui nous conduit à une
vulnérabilité face aux violences sexuelles subies. Notre déficit de communication sociale engendre des difficultés de compréhension dans la relation à l’autre :

  • prendre au sens littéral
  • ne pas comprendre les sous – entendus
  • ne pas décoder l’implicite, les intentions d’autrui
  • peu de méfiance sociale
  • difficulté de repérer les situations à risque à temps
  • ne comprend pas les enjeux sociaux

Ajouté au rôle de la femme véhiculé dans la société, l’ensemble de ces facteurs en font des personnes naïves et innocente, favorisant ainsi le risque accru d’être une victime potentielle aux violences sexuelles.

« Les personnes avec autisme éprouvent des difficultés à « lire » et comprendre les intentions et les émotions fines et complexes des autres, ainsi qu’à communiquer efficacement leurs pensées et sentiments intimes » (Tony Atwood spécialiste australien du syndrome d’Asperger)

 

« Si le message transmis lors d’une conversation n’est pas suffisamment clair au niveau verbal, certains ne se rendent même pas compte que la personne en face est en train de draguer ou de séduire. Par exemple, un sourire d’un homme va pouvoir être interprété par une femme autiste comme preuve du fait qu’il soit heureux, mais s’il y a du désir associé, il est fort probable que celle-ci ne décode pas la subtilité, ce qui peut amener à des situations de malentendus et d’incompréhension très dangereuses ! » (Isabelle Hénault, marraine de l’AFFA – Sexologue et psychologue, directrice de la Clinique Autisme et Asperger de Montréal.)

 

Témoignage d’une membre de l’association (2017)

« Je monte dans le TGV et me dirige avec mon gros bagage dans le wagon correspondant au numéro inscrit sur mon billet de train.
Un homme est venu vers moi tout souriant. Il porte ma valise sans dire un mot. En la posant dans l’espace prévu, il me glisse dans le creux de mon oreille droite : « Vos mains doivent servir à autre chose, pas à porter une valise ! »
J’étais ravie de voir son sourire sur ses lèvres, lui, qui avait quelques secondes plus tôt, les sourcils et le frond plissé ; et de le savoir soucieux de mes mains. Son regard se posa sur mon visage. Les plis de ses yeux étant sans cesse en mouvement, l’obligation de modifier ma périphérie visuelle se fit sentir afin que toute mon attention soit complète à cet échange verbal.
M’ayant aidé à porter mon bagage, je n’ai pas pris garde à une éventuelle possibilité qu’il puisse être un « méchant ». Je lui réponds : « Merci de vous soucier de mes mains ».
Le train démarre, et pas de passager à mes côtés, ce qui était confortable car la proximité m’est difficile.
Arrivée à destination, l’homme bagagiste refait surface. Je dois dire que je ne suis pas mécontente qu’une personne puisse m’aider à déplacer la lourdeur de ce bagage. Il laisse passer tous les autres passagers devant nous, le wagon se retrouve ainsi vide, hormis nos deux corps dans cet espace. Puis, il me demande de lui donner mes mains. Je pensais qu’il lui fallait aussi les miennes pour lever la valise tellement elle était lourde, alors je le laisse faire. En les dirigeant vers les lanières, elles frôlent sa chemise puis son pantalon tout en continuant le chemin vers le bagage.
Tous les deux, nous la soulevons pour la poser à terre immédiatement. Puis, il me demande si cela m’a plu. Je lui réponds sans hésiter OUI et le remercie. C’est tout de même plaisant qu’une personne vous aide à soulever un objet lourd. Il me rétorque : « Vous en voulez encore ? ». Je me presse de renouveler le « oui » car il fallait encore soulever la valise entre le passage de la porte du wagon et le quai. Il reprend mes mains et les laisse glisser cette fois-ci sur son sexe gonflé et s’excuse en souriant de sa maladresse. Il me sourit toujours et m’informe de sa maladresse. Ce n’est pas un méchant, me disais-je dans ma tête car il s’excuse de son geste non adapté. Je lui explique qu’une dyspraxie peut rendre maladroit ses gestes.
À ce moment, il se jette sur moi avec le sourire et laisse glisser sa langue sur mon cou : « Tu vas voir ma langue si elle est dyspraxique », s’exclame-t-il. Mon corps est coincé contre la paroi et il déplace sa langue humide et dégueulasse pour l’enfourner dans ma bouche. Je ne comprends pas ce changement soudain de comportement, lui qui était soucieux de mes mains et souriant.
Un contrôleur arrive à ce moment-là et l’homme bagagiste s’évapore en un éclair. Le contrôleur me demande si je veux porter plainte pour agression. J’ai compris à ce moment précis qu’il n’était pas un bagagiste embauché par la SNCF mais un agresseur qui s’est permis de profiter de ma naïveté dû à ma difficulté de compréhension du sous-entendu et de l’implicite où mes codes sociaux différents m’ont mis en situation de danger face à cet agresseur sexuel. »

 

Former, avec la MIPROF, les professionnels aux spécificités de l’autisme

Une femme autiste avec un haut niveau de fonctionnement ne laisse pas paraitre de l’extérieur sa faible compréhension des enjeux sociaux, ce qui augmente considérablement sa vulnérabilité aux agressions sexuelles, aux violences sexuelles, au viol.

À notre faible compréhension des sous-entendus et de l’implicite s’ajoutent des difficultés de communication sociale, qui nous amènent à être incomprises lorsque nous nous retrouvons face à un professionnel en charge de victimes de violences sexuelles.

Nous avons engagé un travail avec la MIPROF (Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite humaine) afin de former tous ces professionnels (de l’éducateur au magistrat) à la spécificité de l’autisme tout en poursuivant leur travail sur la sensibilisation et la formation sur les conséquences d’une femme victime de violence (trauma).

Il est inutile de rappeler l’importance majeure d’un accompagnement adapté permettant d’apprendre à éviter ce genre de mise en danger si l’on veut que la femme autiste ne soit plus une proie idéale pour ces agresseurs et que les agressions sexuelles cessent d’être monnaie courante.

 

Pétition « STOP à l’impunité des crimes sexuels »

Cette pétition réclame un plan national avec un ensemble de 8 mesures urgentes à mettre en œuvre pour lutter contre l’impunité et pour mieux protéger et respecter les droits des victimes de crimes sexuels.

Si comme nous, vous voulez que la loi soit en faveur des victimes et non des agresseurs, si comme nous, vous souhaitez protéger les personnes vulnérables autistes ou pas, nous vous invitons à signer à nos côtés.

 

Chiffres

Les principales victimes sont de sexe féminin (83 % des viols), surtout les personnes les plus vulnérables et les plus discriminées (enfants, personnes handicapées motrices ou mentales, personnes ayant des troubles du spectre de l’autisme, personnes racisées, marginalisées et en grande précarité, personnes prostituées). Les criminels sont essentiellement des hommes (95 %), connus des victimes dans plus de 90 % des cas, membre de leur famille ou partenaire dans 50% des cas.

Article écrit par Marie Rabatel pour l’association Francophone de Femmes Autistes – Octobre 2017

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