Les filles autistes ont plus du mal à être diagnostiquées car les tests de diagnostic sont trop centrés sur les garçons


Tiago Pinto pour The Independent, 21 Août 2017

Article original « Girls with autism are getting a rougher deal than boys because our assessments are so male-centred »

Traduction : Alex Maclachan

Des milliers des femmes ne reçoivent pas le soutien dont elles ont besoin parce qu’elles sont plus douées pour «mieux s’adapter ».

Un mythe persiste selon lequel l’autisme est un phénomène essentiellement masculin – c’est à dire que les garçons sont beaucoup plus prédisposés d’un point de vue génétique ou biologique à être autiste que les filles.

Cependant, il est de plus en plus clair que cette supposition est erronée.
Nous avons constaté que les femmes et les filles font face à un ensemble unique de difficultés au cours du processus du diagnostic, et ont du mal à se faire accepter en tant que telle par leur famille, amis ou collègues une fois qu’elles ont étés diagnostiqués.

Le rapport actuel homme/femme concernant le diagnostic de l’autisme est de 4 à 1 et les femmes avec autisme continuent à exprimer leur insatisfaction vis à vis des difficultés qu’elles rencontrent en comparaison aux hommes lors du diagnostic.

Le travail pionnier de Lorna Wing a aidé à faire progresser notre compréhension au sujet de la façon dont le genre interagit en matière d’autisme. En particulier, il est évident que la façon dont les professionnels de santé évaluent l’autisme a été spécifiquement adaptée à la présentation masculine beaucoup plus visible – en excluant des milliers de femmes qui n’ont pas reçu le soutien dont elles ont besoin.

La recherche montre que de nombreuses filles autistes sont devenues très habiles à utiliser le mimétisme la représentation afin de masquer ou camoufler leur autisme.

Les troubles du spectre autistique (TSA) se caractérisent par des déficits en communication sociale et en interaction, alliés à des comportements restreints et répétitifs et à des intérêts (également appelés « intérêts particuliers »). Ces deux déficits doivent être mis en considération lors du diagnostic du TSA.

Néanmoins, il est fréquent que les filles aient moins d’intérêts spécifiques que les garçons – ou du moins que leurs intérêts sont similaires à ceux des filles qui ne sont pas atteintes du TSA -, ce qui les rend plus difficile à repérer. En outre, les filles sont généralement plus sociables que leurs homologues masculins, du moins à un niveau superficiel, et ceci inclut les filles atteintes d’autisme également.

Cependant, nous pouvons aujourd’hui dire que beaucoup de filles, en raison de leurs « compétences sociales » et de les attentes sociales accrues, sont tout simplement douées pour mieux masquer leur handicap. Le mimétisme social devient alors leurs intérêt particulier, pour lequel de nombreuses filles sont devenues des expertes, induisant en erreur les professionnels de santé.

Ceci est profondément troublant car cela signifie que les femmes autistes doivent déployer une énergie extraordinaire lors des situations sociales, finissant souvent par être épuisées, stressées avec le sentiment de ne pas être véritablement comprises.

 

Ce que nous devons améliorer

Les critères de diagnostic actuels de l’OMS en matière d’autisme ne donne pas d’exemples sur les types de difficultés typiquement rencontrés par les femmes et les filles.
À court terme, il est donc important que les médecins considèrent le diagnostic comme quelque chose qui ne doit pas être réduit à un simple exercice de cases à cocher. Cela signifie qu’il faut tenir compte de l’histoire du développement et observer les femmes dans des situations différentes afin de pouvoir établir si les comportements se basent sur l’intellect ou sur l’intuition sociale.

Cependant, nous avons enfin besoin de meilleurs outils de diagnostic et d’une meilleure sensibilisation pour les professionnels de santé concernant l’effet du camouflage et l’impact du genre sur l’autisme. Ceci est un défi pour la profession, et nous devons lutter ensemble pour une meilleure prise en charge.

Chez Tracscare, par exemple, nous organisons régulièrement des conférences ouvertes qui mettent l’accent sur l’autisme, en particulier l’autisme féminin, et sur les dernières recherches en matière de diagnostic, tout comme sur le partage de l’expérience des personnes que nous soutenons, comme Pamela Hirsch, qui n’a eu de diagnostic qu’à ses quarante ans révolus.

L’année dernière sur Twitter le hashtag #SheCantBeAutistic (« elle ne peut pas être autiste ») a été utilisé par des milliers des femmes autour du monde et montre à quel point l’autisme peut être mal diagnostiqué ou rejeté complètement en raison des stéréotypes du genre qui dominent les critères de diagnostic.
Après un an, les femmes utilisent encore ce hashtag, et l’Organisation Mondiale de la Santé doit encore actualiser leurs critères de diagnostic sur l’autisme et des femmes pendant que des filles continuent à recevoir des diagnostics erronés.

La réalité toute simple est qu’il faut faire plus pour éviter que des milliers de femmes et de filles continuent de se battent inutilement pour accéder au diagnostic dont elles ont besoin, sans aide ni soutien.

Tiago Pinto est un psychologue clinicien responsable des services thérapeutiques chez Tracscare. Il a passée les 16 dernières années à travailler auprès des jeunes gens avec des problèmes mentaux et s’intéresse particulièrement à la réussite d’un diagnostic efficace du TSA. On lui a décerné le grand prix de la pratique médicale en matière d’autisme lors du prix National de l’Autisme et des troubles d’apprentissage le mois dernier.

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