Article écrit par Chloëe Bichet, membre de l’association (16 juillet 2018)
Lorsque l’on m’explique péremptoirement, avec une assertion aussi désarçonnante qu’horripilante que non, je ne suis pas angoissée parce que tout simplement « j’ai peur de vivre », j’ai envie de bondir. Peur de vivre ? Vaste programme et théories fumeuse qui ne signifient pas grand-chose…
Et si mon mal être permanent venait de l’angoisse généralisée ? J’ai souvent pour habitude de dire que je suis une angoisse vivante. L’angoisse chez moi n’est pas fugace, elle est intrinsèque. Elle survient sans crier gare, sans pourquoi ni comment, elle est là présente, tapie en moi, prête à surgir comme un prédateur redoutable. C’est aussi une partie de mon « moi ». est-ce une fatalité ? Je l’ignore, j’aimerais me convaincre que non… Que croire, qu’espérer quand depuis enfant, je vis ou plutôt je survis avec ? Parfois j’ai sincèrement l’impression qu’à force de me miner lentement pas sûrement, l’angoisse finira par me tuer. Ce mal être profond et « naturel » aura-il ma perte ? L’angoisse me condamne-t-elle à un inexorablement dépérissement de l’âme et à fortiori du corps ?
La réponse des médecins
La réponse des médecins s’avère claire, radicale et pragmatique : médicaments, traitements plus ou moins lourds que nous autistes, peinons bien trop souvent à tolérer. Dès lors, nous reste le choix entre la médecine allopathique et les risques d’effets secondaires parfois redoutables et la survie à l’aide de nos propres ressources artisanales dénichées au fur et à mesure de nos expériences houleuses. Quand l’angoisse me met en danger, que j’ai l’impression d’être folle à lier, que je serais capable de me frapper contre les murs ou d’hurler tant l’angoisse atteint son paroxysme, suis-je encore libre de choisir ? Combien de fois suis-je tentée de prendre tel ou tel médoc, d’augmenter la dose, de me shooter aux tranquilisants, antidépresseurs ou autres neuroleptiques pour cesser la torture ?
Inné ou acquis ?
L’angoisse n’a ni heure, ni lieu, elle est bien trop généreuse. Point égoïste, elle me garde toujours une place dans son gouffre de peur panique et de désespoir qui me pousse hélas à des gestes compulsifs ou à des tentatives de suicide. L’angoisse, selon des personnes neurotyiques lambda, ce n’est pas grand-chose, une bagatelle, un petit égarement ou un caprice aisément corrigeable. Oh les bienheureux de penser cela !
L’angoisse, la vraie, chez moi, Chloëe autiste, c’est une agonie, un monstre qui me ronge nuit et jour, 24H/24H, qui m’empêche de respirer, me fait défaillir et biaise ma perception de mon environnement. À moins au contraire, que ce ne soit mon hypersensibilité et mon hyperéactivité au monde qui m’entoure qui me plonge dans cet état d’angoisse permanent ? Que penser ? Suis-je née une éternelle angoissée ou est-ce mon manque de filtre et de barrière face au brouhaha du monde qui me rende angoissée ?
Un monde trop intense
Chacune d’entre nous dispose de sa réponse personnelle mais en tous les cas, l’angoisse d’une autiste demeure bien réelle, là, profondément ancrée. Peur de vivre ? La belle affaire ! Peut-être avons-nous le vertige de vivre justement parce que nous sommes nées vulnérables dès l’origine. Pour ma part, il ne s’agit pas de mental, de volonté mais de sensations, de ressentis, de perception de ce qui m’entoure et de la manière dont je parviens –ou non à me positionner dans l’existence terrienne. Oui, le soleil m’angoisse, oui la pluie m’angoisse, oui la chaleur ou le froid m’angoissent, oui je l’assume, tout chez moi est sujet à l’angoisse. Est-ce une faute ? Puis-je y remédier ? Peur de vivre ? Non, peur de la vie autour de moi qui m’arrive de plein fouet, avec ses stimuli, ses signaux, ses messages que je ne parviens ni à décrypter, ni à appréhender ni à gérer… J’angoisse de tout parce que j’ignore comment me positionner dans l’existence. Alors oui, peut-être que j’en viens à craindre la vie à force de l’expérimenter trop fort, trop intensément. Je n’ai pas peur de vivre, je vis trop justement. Ceux qui me disent que je fuis la vie et que je ne la connais pas se fourvoient, c’est pour la ressentir trop fort, trop violemment et à fond que je redoute parfois de m’y confronter…
L’angoisse donc, indéchiffrable, non verbalisable mais si présente. Elle reste pour moi un grand mystère, nonobstant que je marche avec elle main dans la main… L’apprivoiser, l’accepter, lui parler, tenter de la regarder face à face sans la disputer, juste de manière neutre, la laisser coexister avec moi sans tenter de l’attaquer de front. Cela reste pour moi le seul moyen d’y survivre. Il ne s’agit pas d’un remède universel mais plier comme le roseau jusqu’à présent est resté pour moi la meilleure alternative. Acceptation et pardon, ne pas me contraindre à l’exposition à tout prix à des situations anxiogènes, c’est ainsi que je me suis tirée des situations critiques… L’angoisse ne me quitte pas, autant lui pardonner et me pardonner…
Bonjour Chloëe,
J’ai été bouleversée par votre texte qui « pue » le vécu (je choisis délibérément ce verbe).
Merci de l’avoir si bien écrit.
Je m’excuse, je n’ai pas plus de mots.
Vos mots ( maux) semblent être ecrits et vécu par ma fille qui n évoqué la même chose.je ne sais comment l aider ,
J espère que vous allez mieux que vous êtes plus apaisée.
Bien cordialement marinab
Votre témoignage me bouleverse…j ai un fils qui souffre du même mal que vous, de cette angoisse indicible qui le suit comme une ombre
Je sens en vous , une femme brillante et je vous souhaite de lutter et de vaincre un jour ce phénomène biologique terrible et très injuste
Avec toute ma sympathie
Agnès
Bonjour Chloé,
D’abord, bravo d’avoir cerné votre angoisse et de l’avoir mise par écrit. J’entrevois une petite parcelle de ce que vous vivez. Je n’ai pas la solution mais votre combat ne laisse pas indifférentes les lectrices que nous sommes. Je vous souhaite de partager ce que vous vivez avec des proches, amis, parents, compagnon, pour qu’ils vous entourent de mille petites attentions, et pour qu’ils ne vous laissent pas seule avec ce fléau.
Tenez-bon.
Bonsoir
Tres intéressant votre temoignage, je retrouve ma fille de 25 ans er autiste asperger
C’est hyper difficile a gérer. L’angoisse est tapie en elle et ressurgi sans lui laisser de répis dans ce cas, elle peut tout casser et avoir des gestes violents envers moi
Puis je m’allonge pres d’elle avec la chienne et elle se calme tout doucement en la caressant.
C’est épuisant puisqu elle a l’impression de ne pas dormir la nuit.
Merci de m’avoir lu
Bonne soirée
Je suis maman d’ un adulte TSA de 40 ans très déficient intellectuel . J’ ai remarqué que quand il crie c’est qu’ il est submergé par une peur à déchiffrer . Lui n’ à pas de mots pour exprimer ce qu il ressent . C’est pourquoi j’ ai fait cette recherche autisme et peurs , angoisses . Angoisses parce que je n’ arrive pas toujours à détecter une cause de peurs .
JE me demande si l’on sait si le cerveau autiste est diffférent , par son fonctionnement pour arriver à une submersion pareille par l’ émotion de la peur , comme si des mécanismes d’ équilibrage étaient défaillants .
Votre témoignage est bouleversant . Vous devez être épuisée , impuissante de ne pas comprendre . Vous avez pris une bonne direction avec la bienveillance envers vous , accepter l’ angoisse , dialoguer avec elle , ne pas vous juger . Pouvez vous en parler régulièrement ? Groupes de paroles , détente , plaisir ….je vous transmets tout mon amour .
Le remède est peut être de mettre en balance un regard anxiogène sur la vie et la brièveté de la vie ,qu’est ce qui pèse plus lourd? Un regard erroné ou l’attraction de la tombe ? Qu’est ce qui est plus facile à changer une perception ou la loi de l’apesanteur ,l’envahissement émotionnel vaut il le coup d’être ressenti quand on sait qu’il est aspirable en 2 _2 par la mort ?