Le parcours professionnel de Letty Tia, femme autiste : de l’armée à la compta…


Letty Tia, membre de l’association, témoigne sur son parcours étudiant et professionnel, de l’école militaire à la comptabilité, illustrant bien le grand écart entre compétences de travail et compétences sociales. Nous espérons que Letty Tia pourra bénéficier d’une reconnaissance de son handicap et de petits aménagements qui lui seront bénéfiques.

J’ai toujours aimé l’école. Pourtant mes petits camarades ne me ménageaient pas, mais, j’ai toujours aimé apprendre. Et puis, j’avais toujours ma meilleure amie, ma prof de math, jamais très loin. J’ai vécu une scolarité solitaire, mais sans problèmes majeurs, plutôt dans la moyenne haute de la classe.

Besoin vital de cadre

Puis un jour, il a fallu choisir une orientation post bac. A cette époque, éclataient partout des affaires de bizutage et j’étais terrifiée à l’idée d’aller dans une grande école. Aller à la Fac était également inenvisageable. Livrée à moi-même sur un campus, je serais restée cloîtrée dans ma chambre. Il me fallait un cadre rigide, et c’est tout naturellement que j’ai monté des dossiers pour aller en BTS. Peu importait lequel.

Le hasard a voulu que ce soit un BTS Comptabilité-Gestion. J’ai adoré la comptabilité et me suis retrouvée très vite à la tête de la classe, malgré mon bac général.

 

Seconde famille à l’école militaire

Dans cette classe j’ai fait la rencontre d’une fille de mon âge, fille de militaire, qui arrivait d’un lycée militaire et qui voulait suivre la lignée de son père.

Je l’ai accompagnée au Centre de recrutement et je me suis retrouvée inscrite au concours de l’école des sous-officiers. Je n’en suis pas fière, mais il m’arrive de « copier » les autres. Je sais maintenant que c’est dû à l’autisme, c’est ma « stratégie d’adaptation », mais ce n’est pas quelque chose que j’aime.

Bref, j’ai réussi le concours, et pas elle. Je me suis retrouvée en école militaire, à plusieurs centaines de kilomètres de chez moi, seule. J’avais tout juste 18 ans. J’y ai trouvé une nouvelle famille, un groupe de nanas hétéroclites mais toutes là les unes pour les autres. Pour la première fois de ma vie, je n’étais plus laissée de côté. Quand on en bave, ça soude, la cohésion, ce n’est pas une légende. J’ai d’ailleurs conservé l’une de ces amitiés, elle est ma sœur d’adoption.

 

Après l’école, j’ai intégré un poste d’assistante de haute autorité dans un état-major où je me suis épanouie, avec des gens comme moi, psychorigides, qui ne s’embarrassent pas de fioritures, et qui sont foncièrement justes.
Mais la vie a fait que j’ai fini par être mutée, avec d’autres personnes bien moins intègres, et j’ai violemment réagi, avec une démission dans la douleur à la clé.

 

La passion des chiffres, clé de réussite professionnelle

Un peu désœuvrée, j’ai repris des études. J’ai obtenu un BTS assistante de direction par une Validation des Acquis de l’Expérience, et j’ai pu passer des diplômes me permettant de valider la deuxième année de mon BTS que je n’avais pas effectuée. Le retour à la comptabilité a été bénéfique. J’adore les chiffres, j’adore la comptabilité, je suis très pointilleuse, et je me régale à chercher la petite bête, le petit centime de différence, j’aime la routine et les cycles imposés dans la gestion comptable, et le fait de travailler quasi seule.

J’aime vraiment ce travail, et je pense que cela transparaît lors des entretiens d’embauche. Les recruteurs voient que je suis compétente, consciencieuse, intègre et pas tir au flanc, et je n’ai jamais eu à chercher un travail bien longtemps.

 

Un gouffre entre compétences de travail et compétences de socialisation

Là où le bât blesse, c’est au niveau des relations avec mes collègues. Dans mon dernier poste, je travaillais en open space. Le bruit me fatiguait beaucoup, les téléphones des autres, les conversations, les batailles de boules de papier. Je travaillais en musique, avec un casque, c’était avant de connaître l’existence des casques à réduction de bruit. Je rajoutais du bruit au bruit. Sans parler des conversations dans lesquelles j’intervenais sans être questionnée, des blagues que je ne comprenais pas, ou des pauses prises en décalés. Mes collègues ont fini par me fuir. Sans agressivité aucune, mais j’étais souvent mise à l’écart lors des discussions informelles où passent parfois des informations professionnelles importantes.

En grossissant un peu le trait, on pourrait dire que les patrons m’adorent pour ma capacité de travail, et mes collègues me détestent pour ma socialisation bancale.

 

 Petits aménagements souhaités

Actuellement, je suis sans emploi, suite à un déménagement. Pour mon prochain emploi, j’aimerais que mes particularités soient connues afin que personne ne se vexe si je fais des impairs sociaux, ainsi que quelques aménagements tout bêtes tels qu’être seule dans un bureau fermé et ou avoir des horaires fluctuants. Je l’ai expérimenté dans un poste précédent et c’est vraiment bien car il y a des jours où je suis capable de travailler 10 heures et d’autres où 6 heures vont être un calvaire.

Mon objectif à cours terme est donc maintenant d’obtenir une RQTH afin de faire reconnaître mes particularités et travailler dans le meilleur environnement possible.

 

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2 commentaires sur “Le parcours professionnel de Letty Tia, femme autiste : de l’armée à la compta…

  • Desbois

    Bonjour,

    Je retrouve des point communs. Dans les différents travails que j’ai exercé, ce n ‘est pas ma capacité de travail qui me pose des problèmes mais ma relation avec les autres. J’ai l’impression de ne pas comprendre les choses comme eux.

  • Pascale F

    Bonjour,

    Grâce à de nouveaux soutiens je suis passée d’Avocate « brillante » en 1999 à femme jetée à la rue par ses confrères.
    Plus de 20 ans à tourner en rond pour parvenir à la conclusion qu’en effet un emploi du temps adapté n’est pas compliqué à mettre en oeuvre.
    Le plus incroyable c’est que je dois à nouveau, à 57 ans, me mobiliser dans un job saisonnier de fin d’année pour remplir des coffrets cadeaux.
    Je suis leste d’esprit et de corps.
    Je profite à la Société.
    On devrait pouvoir travailler moins d’heures réglées au plus fort et non pas bosser en usine au smic pour payer ses factures de vie.
    Mon diagnostic a duré de 2018 à 2021 pour se solder par un constat de stabilité en septembre 2023 après bien des épreuves…

    Pascale F