[Témoignage] Avant, j’étais psychologue et sophrologue. Mais ça, c’était avant !


Voici le témoignage de Dionysia T.  secrétaire du pôle Suisse de l’association

Mon trouble du spectre autistique ayant été diagnostiqué bien trop tardivement, dans ma 50ème année, ma vie était toute tracée vers l’échec… et ce n’est pas prêt de s’arrêter puisque concrètement, avoir pu mettre des mots sur mes maux n’aura pas changé la prise en compte de mes difficultés d’un iota.

Votre vie fut pitoyable jusqu’ici ? Ben continuez, on s’en lave les mains !

J’avais tout sacrifié à la réussite de mes études qui furent bien difficiles sans aménagement, sans soutien familial pour utiliser une expression euphémisante à souhait. J’ai financé moi-même des études qui ont été très coûteuses en terme d’énergie. Après mon bac obtenu à 21 ans seulement (un bac classique, – j’ai un intérêt spécifique pour la Grèce antique et la mythologie qui m’a précipitée dans l’étude du latin et du grec ancien et qui a fait que j’ai changé officiellement mon prénom en 2007 en l’hellénisant –), j’ai raté des études d’orthophonie avant de réussir, enfin, mon master en psychologie à l’Université de Genève, à… 31 ans.

Comme j’étais très traqueuse, j’ai pratiqué de la sophrologie pour tenter de gérer ma peur panique des examens et découvert que les professionnels de la santé – ou ceux dont les études étaient bien amorcées – pouvaient s’y former. J’espérais, outre soigner mes maux, avoir plus de chance sur le marché de l’emploi au sortir de l’Université. Ma vie entière d’adolescente et de jeune adulte était dédiée à la réussite d’une carrière professionnel future. Mais c’était sans compter avec tous les obstacles qui se dressent sans fin sur ma route !

Master et, un an plus tard, diplôme de sophrologie en poche, j’ai été engagée en qualité de psychologue stagiaire dans le canton de Neuchâtel dans une institution dite, à l’époque, « pour enfants autistes et psychotiques » (sic !). Nous étions en 1996. La psychologue supposée me superviser m’a prise en grippe dès le début, ma naïveté et mes difficultés d’adaptation ont rendu cette expérience bien douloureuse. J’ai fini par être arrêtée pour un épisode dépressif majeur. Ce n’était pas le travail avec les enfants mon souci, d’ailleurs la médecin assistante avait remarqué ma bonne intuition en terme de diagnostic.

J’ai ouvert mon cabinet de psychosophrologue. Mais il fallait se faire connaître, écrire aux médecins alentours pour présenter mon activité, ce que j’étais incapable de faire. Mon cabinet ne prenait pas un réel essor. J’ai découvert en 1998, avec l’aide d’une amie rencontrée durant mes études d’orthophonie (qui elle, avait réussi) que j’ai un TDAH de forme principalement inattentive. Diagnostic officiellement posé en décembre 1999. Je n’étais pas au bout de mes surprises.

Une mère d’enfant hyperactif ayant ouvert une chaîne de soutien (elle pratiquait le régime sans phosphate) m’avait dit avoir besoin d’une psychologue comme moi à Genève. J’ai donc décidé de me réinstaller à Genève. Malheureusement ma naïveté a fait de moi une proie facile : je travaillais bénévolement le soir lors de réunion de parents, et peu à peu, cette mère qui a tendance à tout pomper a arrêté de m’envoyer des parents. Elle détestait que je me fasse payer, trop pour elle qui était une riche bénévole vivant dans une villa cossue du canton de Genève et dont le mari avait pu leur offrir une véranda rien qu’avec ses gratifications de fin d’année (!) alors que j’avais à peine de quoi vivre et devais rembourser mes prêts d’étude… Elle avait découvert ma plume qu’elle appréciait (j’avais un projet de BD pour les enfants ayant un TDAH – exactement comme Julie Dachez bien des années plus tard a su concrétiser ce même projet, mais dans le domaine de l’autisme. (Pour vous procurer la version papier ou numérique, il suffit de cliquer ICI).

 

Deux décennies nous séparent –). Cette dame patronnesse voulait que je renonce à y apposer mon nom, au profit de son association. Des amis m’ont aidée à voir que je me faisais exploiter à nouveau (il y a eu des précédents). Cette collaboration s’est arrêtée et peu à peu j’ai laissé mon projet BD tomber à l’eau.

Puis, j’ai entendu parler d’une approche en psycho-généalogie et j’ai fait confiance à un médecin français dont le but secret, je l’ai découvert trop tard, était de s’implanter en Suisse « parce qu’il y a du fric à se faire » a-t-il dit un jour. Projet qui a fini par aboutir : il s’est installé à Bienne, dans ma ville natale, en épousant une patiente coiffeuse qui n’était pas désargentée et qui magiquement est devenue thérapeute grâce à son mari). Avant ça, il était à la fois mon thérapeute (il disait que je pouvais guérir ma vue qui ne cessait de baisser), mon formateur, et plus tard superviseur, m’ayant convaincue que je pourrais organiser des groupes de thérapie d’enfants ayant un TDAH. Peu à peu, il a exercé une véritable emprise sur moi. Il m’a repris toute ma clientèle (sauf une mère qui a compris qu’il n’était pas fiable et risquait de la mettre en danger en répétant ses confidences à son mari qui la battait. Il prétendait que c’était « elle qui avait la haine ». Bref, c’est chez moi qu’elle a continué de venir). J’ai fini par être dans une situation financière dramatique, dû vivre quelques mois de l’aide sociale et me suis retrouvée dans un état d’anéantissement difficile à décrire une fois que j’ai compris tout ce qui s’est passé. C’est à ce moment là que mon médecin qui a vu que j’étais en danger, – il avait écrit « tentanem » dans ses notes alors que je n’étais pas allée jusqu’à la TS mais j’étais bien à deux doigts –, m’a accordé sa confiance et adressé une patiente qui avait un cancer du sein. Je me suis investie à fond et.. je l’ai accompagnée durant sa chimiothérapie et après, pour faire face aux visites de contrôle, toujours très stressantes, chez l’oncologue. Très contente, elle m’a fait une très belle pub. J’ai commencé à avoir plus de patients.

J’ai essayé d’obtenir justice contre ce médecin qui avait été pourtant arrêté pour exercice illégal de la médecine dans le canton de Vaud. Il vendait de la « myéline homéopathique » à des patients qui ont une sclérose en plaques et disait, pour expliquer leur absence de guérison, qu’ils n’étaient pas dans l’amour. Une patiente concernée a porté plainte contre lui dans le canton de Neuchâtel mais cela n’a servi à rien. Les services cantonaux vaudois et bernois des médecins à qui j’ai annoncé la chose n’ont pas tiqué non plus. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, certains s’en sortent toujours quoi qu’ils fassent. Ce médecin qui est sorti de lui-même de l’ordre de l’ordre des médecins français quant à lui est dans l’amour. De l’argent, on l’aura compris ! Il continue de dispenser sa science : l’ostéogenèse imparfaite parfois appelée la maladie des os de verre ont un conflit : « ils ont vécu un calvaire. Car le cal (osseux) est verre/vert ». En dire qu’il était tout content de sa grande découverte ! En plus de son cabinet biennois (je croyais que la profession de psy était protégée…) il veut y faire de la politique. Dans cette histoire, je l’ai appris à mes dépens : la justice ça n’existe pas. J’ai été déboutée. En un mot c’était de ma faute si j’avais été arnaquée car j’étais majeure et donc consentante.

J’ai continué à travailler mais la peur au ventre, stressée et dans une immense solitude (certes j’ai besoin de solitude pour me ressourcer, pouvoir dormir pour récupérer mon énergie mais j’ai tout de même besoin d’un minimum de contacts sociaux positifs). La plupart des jours où je ne travaillais pas (je condensais mes rendez-vous et mes courses pour pouvoir me reposer un maximum), je ne mettais pas le nez dehors, ne parlais à personne…

J’ai fini par tomber en burn out, ne pensant qu’à une chose : l’heureux moment où mon dernier patient du jour repartirait pour aller au lit. Cela commençait à se voir, deux patients m’avaient fait une remarque sur ma petite mine.

J’ai été arrêtée par mon médecin et j’ai touché des indemnités journalières. Je pensais que cela ne durerait pas, j’adorais mon métier, parfois j’obtenais de très beaux résultats. Mais avec le temps, des difficultés familiales douloureuses, ont fait que ma dépression s’est chronicisée et le psychiatre expert pour mon assurance indemnité journalière a écrit dans sa deuxième expertise (lors de la première, je souriais mais je n’avais plus la force de donner le change lors de la deuxième quelques mois plus tard) que j’évoluais typiquement vers l’invalidité.

J’ai obtenu une rente invalidité à 100% en 2007.

Le psychiatre qui m’a suivie à ce moment a réalisé que j’ai un haut potentiel intellectuel. Les tests que j’ai subi en 2008 l’ont confirmé. Au début, c’était supposé expliquer ma différence, mon hypersensibilité, même si la psychologue qui m’avait bilantée avait noté qu’il restait quelque chose de non diagnostiqué chez moi, sans pouvoir mettre le doigt sur un diagnostic qui expliquait ce qu’elle percevait d’atypique dans ma communication et mon émotionnel. J’ai participé à une thérapie de groupe avec d’autres zèbres (ou HP ie à haut potentiel intellectuel). J’ai eu une première intuition du SA lors de l’aspie-quiz que j’avais trouvé en ligne mais je me suis dit que cela ne se pouvait pas car même si j’ai du mal avec le deuxième degré, que je comprends souvent en différé, j’y ai accès et les descriptions typiques disent que l’aspie ne le comprend pas. J’ai donc auto-exclu cette hypothèse.

Puis j’ai eu envie de re-travailler et j’ai été psychologue chargée du testing dans une association pour HP. Enfin théoriquement… C’était une petite activité de télétravail. Sauf que je n’ai pas vu que ceux qui me dirigeaient étaient élitistes alors que je voulais rendre cette association accessible à tout zèbre, même pour les personnes avec handicap. Et j’ai découvert après quelques mois en voulant trouver un test plus impartial que celui que j’avais repris des prédécesseurs avait été… falsifié. J’ai donc refusé de continuer un travail non déontologique et j’ai revécu un harcèlement moral… J’avais foncé dans le mur sans m’en rendre compte, là encore… évidemment cela s’est terminé à nouveau par une grosse dépression. Mon psychiatre, brillant au début, a eu marre de moi il trouvait que j’étais trop dans l’événementiel et pas assez dans l’émotionnel (je cite). Il souhaitait que j’arrête de le consulter car je le pompais et il espaçait mes séances à une toutes les 8 à 10 semaines…

C’est à 48 ans que j’ai atterri sur le blog de Julie Dachez alias Super Pépette et que je suis tombée à la renverse en lisant la présentation qu’elle avait faite dans un amphi d’étudiants en psycho. Elle y parle de clinique féminine et j’ai été très secouée, j’ai perdu le sommeil déjà pas très bon : chaque nuit des expériences de faux pas sociaux et malentendus me remontaient en mémoire. Tout s’éclairait ! Pour plus de précisions, j’en parle dans l’article inaugural de ce blog, dans lequel je parle forcément de celle grâce à qui j’ai eu mon insight : Sérendipité : ma découverte du Syndrome d’Asperger (SA) au féminin. Et si c’était ça, la pièce manquante à mon puzzle ?

J’ai entamé le processus diagnostic pour ma libération mais été au début mise mal à l’aise par le psychiatre qui avait décrété qu’il connaissait les résultats à l’avance : « Vous êtes HP avec des traits autistiques« . Aucune connaissance de l’autisme au féminin. Mais j’ai pu avoir accès aux tests de dépistage quand même car le psychiatre mentionné plus haut me suivait encore un petit peu. Je lui avais parlé de la clinique féminine, et il a immédiatement réalisé que cela expliquait ce sur quoi nous buttions dans ma psychothérapie. La psychologue qui m’a fait passé le bilan dans le service ad hoc doutait au début, mais elle a pris beaucoup de temps pour moi, me demandant de donner des exemples concrets dans ma vie pour chacune de mes réponses à des tests d’auto-évaluation. Par ailleurs j’étais allé entre temps à Paris, sur le conseil d’un ancien et brillant prof de ma fac, le Pr André Bullinger que j’avais contacté, pour lui demander qui, parmi ses élèves, pourrait me faire un bilan sensori-moteur selon sa méthode. Ce bilan révélait que mon profil était compatible avec celui d’une personne présentant un syndrome d’Asperger. La psychologue de ce centre dédié à l’autisme a donc validé le diagnostic.

Hélas, je vis en Suisse. Pour les aspies adultes diagnostiqués tardivement, il n’y a rien. Le vide sidéral et l’assurance invalidité n’entre même pas en matière pour reconnaître un diagnostic posé après coup. À croire que c’est de notre faute si un nombre impressionnant d’intervenants n’a pas su le poser plus tôt… Pas d’aide à la personne. Tout ça parce qu’une infirmière qui doit faire une enquête domestique pour nous octroyer une allocation dite d’impotence et en estimer le degré de besoin d’aide à la personne a le diagnostic infus en dépit de ce que plusieurs médecins, psy, anciennes camarades de classe ont pu témoigner à mon propos. Elle a même été jusqu’à écrire que j’ai une vie sociale riche pour ne donner qu’un exemple de sa stupidité abyssale. Je crois que je n’ai jamais rien entendu d’aussi peu intelligent à mon propos. Chaque fois que je butte avant une difficulté (à peu près chaque jour) un chapelet d’injures s’envole vers cette infirmière qui fait que lorsque j’ai enfin eu l’humilié de reconnaître que j’ai besoin d’aide et eu le courage d’entamer une démarche dans ce sens (j’avais refusé lorsque mon psychiatre m’avait dit que je devais solliciter de l’aide quelques années plus tôt, cela m’avait donné l’impression d’être un cas social), la route vers une reconnaissance de mes difficultés a été barrée, me privant également d’accéder à une auto-acceptation de qui je suis. Sans oublier une certaine qualité de vie qui m’avait été refusée jusqu’alors et que j’espérais enfin obtenir. Au lieu de cela, je n’ai eu droit qu’à des jugements de valeur de la part de professionnels supposés comprendre.

Tout ça parce qu’à 45 ans, (enfin !) j’ai commencé à avoir une vie de couple et qu’elle avait noté que j’ai de l’esprit. Hélas, l’esprit ne fait pas mon ménage à ma place, ne me prépare à pas à manger, (elle était venue me voir à 16h et apparemment elle trouvait normal que je n’aie pas encore mangé de la journée) ! J’ai essayé de me battre, remué ciel et terre au niveau de la justice mais encore une fois j’ai appris que nous sommes tous égaux, mais certains le sont plus que les autres…

Cet article également répond à la question de la personne omnisciente que j’ai rencontrée : Les autistes sont-ils de [gros] fainéants ?

J’ai baissé les bras, je ne serai pas aidée, je resterai donc inutile à cette société. Alors qu’il eût été bien plus intelligent de m’aider là où j’en ai besoin et de me permettre, de dégager du temps et de l’énergie pour que je puisse offrir mes compétences… mais l’intelligence et l’économie n’est manifestement pas ce qui motive les assurances sociales helvètes. Quand je pense que si j’avais été adéquatement aidée dans ma trajectoire, et d’ailleurs bien avant mes 45 ans, je coûterais certes quelque chose en aide humaine, mais je n’aurais sûrement jamais dû interrompre mon activité professionnelle pour laquelle j’avais tout sacrifié dans ma jeunesse et que je paierais des impôts ! L’état serait gagnant, et mon sentiment de dignité aurait été préservé.

Pour terminer sur une note positive, je suis toujours en couple (depuis 7 ans) et, j’ai depuis 18 mois, un chien-guide (en raison de ma malvoyance). Yuka, qui a une double casquette : ma merveilleuse labrador ne se contente pas de guider mes pas, elle est une excellente médiatrice pour mes contacts sociaux. Sans oublier son éternelle bonne humeur et joie de vivre qui me donne envie d’aller de l’avant. Là où elle va, je vais, là où je vais, elle va !

Dionysia T.
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