Des milliers de filles et de femmes autistes non-diagnostiquées à cause du biais de genre


 

Hannab Devlin pour The Gardian, 14 septembre 2018 – Traduction : Marine Perrot pour l’AFFA

Article original Thousands of autistic girls and women ‘going undiagnosed’ due to gender bias

Le nombre de filles et de femmes concernées par le TSA au Royaume-Uni serait largement sous-estimé, selon une neuroscientifique reconnue.

Professeur Francesca Happé. Photographie : Linda Nylind pour le Guardian

Des centaines de milliers de filles et de femmes autistes restent non-diagnostiquées car cela est perçu comme une « condition masculine », selon l’une des plus grandes neuroscientfiques du Royaume-Uni.

La professeure Francesca Happé, directrice du Centre de Psychiatrie Sociale, Génétique et Développementale à l’Université de King à Londres, alerte sur le fait que l’échec à identifier l’autisme chez les filles et les femmes peut avoir de lourdes conséquences sur leur santé mentale.

« On a oublié l’autisme chez les femmes et les filles et je pense qu’il y a là un vrai problème d’égalité de genre. ». Elle rajoute :« Je pense que nous faisons l’impasse sur beaucoup de cas, et laissons aussi passer beaucoup d’erreurs diagnostiques. »

Jusqu’à récemment, l’autisme sans déficience intellectuelle, parfois appelé syndrome d’Asperger, était considéré comme ne concernant principalement que les garçons et les hommes, avec un ratio de dix hommes pour une femme.

Cependant, il y a de plus en plus de preuves que le nombre de filles et de femmes concernées a pu être largement sous-estimé. De récentes recherches, reposant sur un réel diagnostic plutôt que sur les dossiers cliniques et scolaires, ont conclu à un ratio de trois pour un.  La Professeure Happé et d’autres pensent que cela pourrait descendre encore plus bas (potentiellement deux pour un) grâce aux évolutions des processus de diagnostic pour identifier l’autisme chez les filles et les femmes.

À cause de suppositions concernant la prédominance masculine de l’autisme, les études ont souvent été menées sur des groupes exclusivement masculins. Le nombre de participants masculins au sein des études d’imagerie du cerveau autiste est supérieur à celui des  femmes à raison de huit pour un, et le biais était encore plus prononcé dans les recherches passées.

« Cela signifie que ce que l’on pense connaître de l’autisme à partir de la recherche est en vérité juste ce que l’on sait de l’autisme masculin », dit Happé, qui s’est vue accorder une subvention de 500 000 £ pour étudier les différences de genre dans le TSA.

Les travaux les plus récents suggèrent qu’il pourrait y avoir de subtiles différences dans la manière dont l’autisme s’exprime chez les filles et les femmes. Les intérêts restreints peuvent sembler en apparence plus communs (chevaux ou boysbands, par exemple, au lieu des pylônes électriques) même si la nature de ces intérêts serait tout de même inhabituelle par rapport à sa persistance et sa spécificité.

Les filles et femmes autistes ont aussi tendance à être d’avantage capables de masquer leurs traits autistiques. «  Elles peuvent par exemple choisir une fille populaire dans leur classe ou sur leur lieu de travail et  l’étudier afin de l’imiter. », affirme Happé.

L’idée selon laquelle l’autisme pourrait résulter d’un « cerveau extrêmement masculin » dû à des différences hormonales a dominé les récits populaires concernant la biologie  de l’autisme, même si, ajoute Happé, la théorie reste scientifiquement contestée. Les représentations de l’autisme dans les médias, comme le film Rain Man, sont  également presque exclusivement masculines. Ainsi, les parents, les professeurs et les soignants ont tendance à moins envisager que pour les garçons et les hommes l’autisme comme une explication probable pour les filles et les femmes souffrant de difficultés sociales et de problèmes de communication.

L’échec du diagnostic de l’autisme est préoccupant parce que beaucoup de personnes concernées peuvent souffrir d’autres troubles associés comme l’anxiété, la dépression et l’auto-mutilation. Une petite étude l’an passé a mis en lumière que 23 % des femmes hospitalisées pour anorexie présentaient des signes correspondant aux critères diagnostics de l’autisme. Davantage de travaux sont nécessaires afin de confirmer ces résultats, basés sur  soixante femmes, afin d’évaluer si les difficultés sociales et les problèmes de communication précédaient leurs troubles alimentaires.

« Si les soignants n’ont pas l’autisme en tête quand ils sont face à un trouble du comportement alimentaire, ils s’arrêtent à ce constat. » nous explique Happé. De nombreuses personnes trouvent le diagnostic utile pour faire sens quant à  leur sensation d’être« différents »,  et pour trouver de l’acceptation et de la compréhension de la part de leur famille et amis.

Hannah Belcjer, une chercheuse en autisme à l’Université Anglia Ruskin qui a été diagnostiquée adulte, raconte qu’elle était anxieuse enfant et qu’elle a arrêté l’école à 14 ans parce qu’elle peinait à s’en sortir.

« Cela n’a été qu’à 23 ans que j’ai vu un art thérapeute qui a suggéré que je pouvais être autiste », dit-elle. « Je suis certaine que si j’avais eu le diagnostic plus tôt, j’aurais pu recevoir plus de soutien pour mon anxiété en tant qu’enfant et aurais moins souffert de problèmes psychologiques. J’ai aussi beaucoup dissimulé mes traits autistiques, et je pense que savoir et comprendre ce que ceux-ci étaient m’aurait permis d’être davantage moi-même. »

La NHS (National Health Society, Société Nationale pour la Santé) estime qu’il y a environ 700 000 personnes sur le spectre de l’autisme au Royaume-Uni, basé sur un ratio de genre approximatif de dix pour un. Si le vrai ratio devenait de 3 pour 1, cela indiquerait que près de 200 000 filles et femmes autistes ont été omises des chiffres nationaux.

Selon Carol Povey, directrice du centre de la NHS, il existe une reconnaissance croissante du problème, avec ces dernières années une progression constante de consultations de femmes et de filles dans les centres afin de conduire une évaluation diagnostique spécialisée.

« De récentes recherches suggèrent que le nombre de femmes et d’hommes sur le spectre autistique est bien plus égal que ce que les statistiques et ce que l’on a pu croire ont pu suggérer » affirme-t-elle. «  Le problème étant que souvent les professionnels ne comprennent pas les différentes manières dont l’autisme se manifeste chez les femmes et les filles, dont beaucoup passent leur vie sans diagnostic et sans la compréhension de leur sentiment de différence ».

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