Femmes et autisme : à 29 ans, j’ai reçu un diagnostic d’autisme


Amber Sayer pour The art of autism19 avril 2017 – Traduction : Cécile Monnier pour l’AFFA

Article original : Women And Autism: At Age 29 I Received An Autism Diagnosis

La triste vérité, c’est que les femmes sur le spectre, particulièrement sous-diagnostiquées, présentent un risque pour diverses comorbidités comme le trouble dépressif majeur, les troubles de l’alimentation ou les agressions sexuelles, entre autres.

J’ai été diagnostiquée et étiquetée avec toutes sortes de choses au cours de ma vie, couvrant toute la gamme des problèmes médicaux et de santé mentale, et bien que la plupart des transitions que j’ai vécues semblaient provoquer une foule de nouveaux symptômes et de diagnostics, rien ne permettait vraiment d’appréhender la situation dans son ensemble. Rien ne m’expliquait vraiment pourquoi je me sentais si différente, si détachée, si proche et à la fois si loin de tout le monde et de tout ce que je voulais être. La seule chose cohérente dans ma vie semblait être le fait que je me débattais avec des choses qui paraissaient faciles pour les autres, et que je ne savais pas comment surmonter ces défis.

L’ironie c’est que, pour une personne exceptionnellement douée pour trouver des modèles récurrents, je ne trouvais aucun schéma dans la folie, aucune similitude dans les symptômes et les difficultés, et aucun moyen de prédire ou de comprendre que quelque chose allait être difficile pour moi.

Ce n’est qu’au début de l’été dernier, juste avant l’âge de 30 ans, que les pièces se sont finalement  assemblées : on m’a diagnostiquée autiste. Comme beaucoup d’autres, j’ai reçu ce qu’on considère comme un « diagnostic tardif ». Ce retard de diagnostic est particulièrement fréquent chez les femmes, à cause d’un manque de compréhension de la présentation de l’autisme chez les femmes, qui conduit beaucoup de praticiens à rater le diagnostic, et de notre capacité surnaturelle à nous camoufler parmi les neurotypiques en apprenant et en imitant leurs comportements (nous sommes douées pour mémoriser des modèles – même dans le comportement social, peut-être à notre détriment !).

Pour moi, l’autisme explique tellement de choses. C’est drôle, parce que je pense que l’un des symboles utilisés par la communauté de l’autisme est la pièce du puzzle et, bien que je ne sache pas grand-chose, je sais que, pour moi, recevoir ce diagnostic fut comme trouver cette ultime pièce du puzzle, celle qui avait glissé sous le tapis et qui remplissait enfin le trou béant au milieu de ce qui devenait enfin une image complète. Dans ma propre ignorance, je n’avais aucune idée de ce à quoi ressemblait réellement l’autisme, surtout chez les femmes, pour lesquelles il peut être tout à fait différent des représentations médiatiques (pensez à « Rain Man »… Je n’ai rien à voir avec ça !).

Pendant la plus grande partie de ma vie, j’ai l’impression d’avoir vécu deux vies simultanées, mais non parallèles. Elles se cognent l’une l’autre, elles tirent et poussent, elles me combattent pour prendre la place dominante parce qu’à chaque moment donné, une seule peut vraiment montrer son visage. Il y a la vie que j’essaie de vivre extérieurement : là, j’étudie le monde. J’observe constamment, stocke les données, catégorise et essaie de paraître comme ce que je vois dans ceux qui m’entourent. Je poursuis des conversations en apprenant quoi dire, je sors, je ris, j’essaie de me joindre à des activités, je travaille. Cette vie m’épuise parce que tout cela m’est étranger. C’est un jeu constant pour essayer de comprendre, de calculer, d’interpréter. C’est un peu comme jouer un personnage. C’est stressant parce qu’il y a toujours le risque de se tromper, ce qui pourrait entrouvrir la porte sur l’autre partie de moi et exposer mon étrangeté. Cela me lessive tellement que des périodes prolongées d’un tel comportement ont amené les médecins à se préoccuper de ma santé physique : fatigue chronique, lupus, autre problème auto-immune sous-jacent ?

L’autre partie de moi ressemble à première vue à tout le monde. Mais je suis différente.

Cette partie de moi ne supporte pas la sensation des chaussettes, des étiquettes, de certaines chaussures ou des coutures, au point de me faire vomir. Cela m’empêche de supporter le contact de certaines choses sur ma peau. Je ne peux pas laisser mes cheveux lâchés et les gens me traitent de garçon manqué. Certaines personnes qui me connaissent depuis 10 ou 20 ans ne m’ont jamais vu avec les cheveux lâchés. Cette partie de moi ne supporte pas le bruit, surtout quand il est répétitif. Je ne peux pas tolérer certaines textures alimentaires sans m’étrangler. Et bien que j’ai présenté un trouble alimentaire connu de tous à l’adolescence, c’est seulement après mon diagnostic que j’ai appris que c’est malheureusement fréquent chez les femmes autistes, pour une foule de raisons – l’une d’entre elles étant j’imagine basée sur le sensoriel. Ma liste de problèmes sensoriels est si vaste qu’il faudrait y consacrer un volume entier, mais je dirai simplement, pour moi au moins, que c’est la partie la plus difficile de mon autisme.

En plus d’affecter les cinq sens auxquels tout le monde pense, l’autisme affecte également la proprioception, la fonction vestibulaire et ce qu’on appelle l’interception (la capacité de ressentir des stimuli internes tels que la faim, la température corporelle, etc.). Les défis du traitement sensoriel autistique me gênent pour me sentir à l’aise dans ma peau, même dans le « confort » de ma propre maison où je peux contrôler l’environnement autant que possible. Alors le vrai monde ? C’est un champ de mines peuplé de bombes sensorielles ; c’est l’une des principales raisons qui fait que prétendre être normal est si épuisant.

Les défis sensoriels ne sont pas les seules difficultés auxquelles le « vrai moi » doit faire face, et je développerai les problématiques plus classiques liées aux TSA une autre fois, j’imagine. La triste vérité, c’est que les femmes sur le spectre, particulièrement sous-diagnostiquées, présentent un risque de diverses comorbidités comme le trouble dépressif majeur, les troubles de l’alimentation ou les agressions sexuelles, entre autres. Malheureusement, tout cela s’est vérifié pour moi et j’en subis encore les conséquences aujourd’hui.

Bien que je puisse développer chacune de mes comorbidités séparément – et peut-être le ferai-je un jour, je partage cela parce que c’est l’une des principales raisons pour lesquelles je choisis de parler de mon autisme. Oui, c’est vrai que les personnes sur le spectre (et celles qui ne le sont pas) ont beaucoup de dons merveilleux. Et oui, il est vrai que nous pouvons très bien nous fondre et « agir normalement », échapper au diagnostic et « avoir du succès » dans le travail, les relations et la vie. Mais il est également vrai que l’autisme n’est pas un défi mineur. C’est un vrai diagnostic qui montre une différence dans le cerveau. Nos cerveaux ne sont pas pires, ils ne sont pas meilleurs, mais ils sont différents. Le problème avec le diagnostic tardif, c’est qu’il engendre davantage le sentiment d’une « différence », d’une confusion, et peut exacerber les défis du « trouble ».

Mes sentiments d’étrangeté et de solitude et le manque d’appartenance et d’auto-compréhension m’ont causée des problèmes majeurs d’estime de soi et de dépression, à tel point que par moment, dans ma vie, j’ai été fortement médicamentée et suicidaire. Mon incapacité à détecter le danger et à lire les intentions des gens a probablement contribué à mon agression. Ce seul jour a provoqué en moi ce que je dois bien reconnaître comme étant un SPT invalidant (SPT pour Stress Post Traumatique – note de la traductrice). Bien que j’aille beaucoup mieux depuis ce traumatisme de plusieurs façons, très franchement, je n’ai aucune confiance dans le fait que cela ne se reproduira plus, à moins d’éviter les gens – ce que je ne veux pas faire. Si j’avais su que j’étais autiste plus jeune, j’aurais peut-être fait plus attention et réclamé une formation plus spécifique pour comprendre les prédateurs ou au moins apprendre à me défendre. Dans tous les cas, cela aurait pu soulager un peu ma responsabilité et alléger le sentiment de culpabilité que je porte depuis si longtemps.

Je tiens à préciser que je ne suis pas amère ou contrariée du fait de ne pas avoir été diagnostiquée plus tôt. Je n’accuse pas mon autisme de toutes mes faiblesses, de toutes mes difficultés et de mes mauvais choix. Recevoir le bon diagnostic, même « tardif », fournit simplement un meilleur éclairage pour me comprendre et apprendre à mieux faire face, à m’aimer davantage, à être une meilleure partenaire et une meilleure amie, à me sentir en meilleure santé, à reconnaître les signaux d’alerte ou les difficultés avant qu’elles ne me fassent dérailler, et à me sentir moins seule et confuse.

Le jour où vous arrêtez d’apprendre et de grandir, c’est le jour où vous arrêtez de vivre.

Mon but est de commencer à embrasser qui je suis, de mieux me connaître, de laisser les autres entrer un peu plus dans mon monde, et de faire ma part en m’ouvrant un peu pour que plus de gens découvrent la tribu des femmes autistes. J’ai l’espoir qu’une sensibilisation accrue permettra d’avancer l’âge du diagnostic pour les jeunes filles sur le spectre et leur évitera peut-être certaines des combats que j’ai dû affronter. Un diagnostic d’autisme n’implique pas forcément toutes les difficultés que j’ai, cela ne justifie pas mes erreurs ou mes défauts, mais c’est un peu comme recevoir enfin des lunettes après des années à avoir mal aux yeux, à trébucher et à tout voir flou. Je suppose que cette analogie est particulièrement à propos pour moi : j’ai des lunettes !

Donc, à chaque personne qui lit ceci, que je vous connaisse ou non, je vous remercie pour votre temps, votre intérêt pour ce sujet et pour m’avoir aidée à entamer cette discussion. S’il vous plaît, connectez-vous et interrogez-moi de quelque manière que ce soit qui vous semble juste. Nous sommes tous à des endroits différents de nos voyages et sur des chemins différents, mais finalement, nous espérons tous que nous faisons de notre mieux.

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Ce texte fut originellement publié sur le blog d’Amber Processing Problems: Sensing I am a Work in Progress.

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One thought on “Femmes et autisme : à 29 ans, j’ai reçu un diagnostic d’autisme

  • landrein brigitte

    bonjour je m apelle brigitte j ai fait un diagnostic oiur le syndrome d asperger a l age de 56 ans il y a 4 ans on m a trouve des traits d autisme dansmon enfance mais qu au bout du compte que je n etait pas autiste alors que je leur avait dit tout les desagrements dont j ai du faire face toute ma vie et de plus mon fils est asperger comme moi mais reconnu je suppose que cela a un lien avec des quotats pour avoir droit a l ah c est mon analyse car aller faire un diagnostic est douloureux physiquement et moralement dans ma famille nous sommes 4 filles et je suis sure que nous le sommes toutes les quatre ainsi que notre pere decede qui ne l a jamais su et qui a ete toute sa vie ou presque de maison de repos en maison de repos il etait a haut potentiel intellectuel et ne faisait pas de distingo entre un citoyen lambda et un ministre ou un president car cela lui etait arrive d en cotoyer lui fils de tailleur de pierre au trevoux en finistere 29 bretagne francevoila une toute petite frange de mavie d asperger au revoir