Jo Lauder pour ABC.net, 3 mai 2018 – Traduction : Lamia A. Burkart pour l’AFFA
Article original : Women and girls slipping through the cracks with autism diagnosis
Il aura fallu à Shannen 23 ans pour s’entendre dire ces mots qu’elle attendait depuis des années.
Pendant 23 ans, elle s’est fait violence pour rester dans les salles de classe et les terrains de jeux, et elle a appris à feindre les manières innées dont les autres socialisent pendant les conversations.
Puis, l’année dernière, après des années de consultations avec divers médecins, psychologues et psychiatres, Shannen a reçu un diagnostic d’autisme.
« Tout ce à quoi je pouvais penser à ce moment-là c’était “pourquoi cela a-t-il pris autant de temps ?”»
C’est une question qui peut paraître simple, mais elle est au cœur d’un problème que la communauté médicale commence à peine à résoudre.
Un problème de garçons
Historiquement, l’autisme est un syndrome affectant de manière disproportionnée les hommes et les garçons et c’est toujours le cas. Cependant, l’écart se réduit.
Aujourd’hui, les garçons sont quatre fois plus susceptibles d’être diagnostiqués autistes que les filles ; auparavant, c’était le double.
Parce que les troubles du spectre autistique touchent moins de filles que de garçons, les outils de diagnostic et les signes avant-coureurs ont été élaborés pour détecter l’autisme chez les garçons. Mais, et si les filles avaient une expérience différente de l’autisme ?
L’un des problèmes les plus courants rencontrés par les autistes réside dans leur capacité à lire les expressions faciales et à décoder les nuances sociales.
Dr Vicki Gibbs est psychologue clinicienne et directrice de recherche chez Autism Spectrum Australia (Aspect).
Elle explique que les filles autistes font plus d’efforts pour masquer leur état, surtout dans les situations sociales.
« Elles ont tendance à faire plus d’effort sur le plan social et, en apparence, elles ont l’air interagir normalement avec leurs pairs », explique le Dr Gibbs.
« Mais peut-être que si vous y regardiez de plus près, vous vous apercevriez qu’elles ne réussissent pas à maintenir ces interactions sur la durée et qu’elles n’arrivent pas à se faire des amis. »
« Nos outils d’évaluation ont été construits au fil des ans et reposent en grande partie sur notre compréhension de l’autisme et de la façon dont il se présente chez les garçons. »
Shannen a fourni des efforts épuisants pour cacher sa maladresse sociale en imitant les gens autour d’elle, une technique commune chez les filles autistes.
« Parler aux gens peut parfois sembler assez artificiel parce que beaucoup de choses ne me viennent pas naturellement », explique Shannen à Hack.
« Un truc que j’ai toujours fait, c’est d’observer comment les autres personnes autour de moi communiquent entre elles et de le reprendre à mon compte. »
Shannen pense également qu’elle n’a pas été diagnostiquée comme autiste plus tôt à cause de « l’image qu’elle projette en apparence, une image conforme à la plupart des gens. »
Dr Jekyll, M. Hyde
Dr Michelle Garnett est psychologue clinicienne et fondatrice de Minds and Hearts, un centre pour enfants autistes.
Selon le Dr Garnett, beaucoup de jeunes filles autistes ont tendance à développer un autisme de haut niveau et à avoir de bons résultats à l’école, mais tout s’écroule lorsqu’elles rentrent chez elles.
« À la maison, elles ont une personnalité complètement différente en proie aux crises, nous l’appelons le syndrome de Dr Jekyll et Mr Hyde. C’est comme si elles avaient un alter ego qui prenait le dessus à la maison parce qu’elles sont trop épuisées d’avoir fait si bonne figure à la maternelle. »
Le Dr Garnett estime qu’il y a encore beaucoup de retard à rattraper quant aux diagnostics précoces.
« Ce sont des filles qui sont actuellement diagnostiquées partout dans le monde à un âge moyen de 12 à 13 ans, alors même que chez les garçons, nous décelons l’autisme beaucoup plus tôt, généralement entre 6 et 7 ans. Cela signifie que nos filles manquent l’opportunité de recevoir une aide précoce et ciblée précieuse pour prendre en charge l’autisme. »
Vers un meilleur diagnostic
La recherche permet dorénavant de se faire une meilleure idée de l’expérience que vivent les femmes et les filles autistes, et le Dr Garnett pense que cela permettra d’améliorer les outils de diagnostic.
« Nous devons revoir ce que nous recherchons parce qu’au final, nos outils d’évaluation ne seront jamais plus performants que notre connaissance de l’autisme peut l’être. »
Le Dr Garnett a développé un questionnaire, publié dans l’Australian Journal of Psychology, qui peut être utilisé pour diagnostiquer les filles autistes.
Credits
Auteur – Jo Lauder