Dans le DSM-5 les conseils sur les filles autistes sont courts mais avisés


Wiliam Mandymaître de conférence à la clinique de psychologie de l’université de Londres, pour Spectrum News, 9 mai 2018

  Traduction : Phan Tom pour l’AFFA

Article original : In DSM-5, guidance on girls with autism is short but savvy

La version actuelle du « Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux », le DSM-5, reconnait la manière dont le genre façonne l’autisme, plus que dans n’importe laquelle des versions précédentes du manuel.

« Les difficultés de diagnostic liés au genre » possèdent une section à part entière dans le manuel-mais celle-ci ne contient que deux phrases.

Le manuel indique que pour une fille diagnostiquée autiste, 4 garçons le sont, et que cela peut refléter un sous diagnostic des filles et des femmes, en particulier celles qui n’ont pas de déficience intellectuelle. Il suggère que cela se produit « peut-être à cause d’une manifestation subtile des difficultés sociales et de communication » des filles sur le spectre.

Ces déclarations circonspectes représentent un important pas en avant, corrigeant une tendance historique de notre pratique à négliger les femmes autistes.

Dans les 5 années qui ont suivi la publication du DSM-5, la recherche sur l’autisme et le genre a explosé. Compte-tenu de ce nouveau corpus de littérature, est-il temps de mettre à jour les critères de diagnostic ?

Une nouvelle recherche suggère que le ratio homme-femme de 4 pour 1 pour le diagnostic de l’autisme ne reflète pas de manière précise la proportion de filles et de femmes autistes. Le DSM-5 pourrait indiquer le ratio réel (qui est plus proche de 3 pour 1), mettant l’accent sur le fait que les filles et les femmes sont sous diagnostiquées. Il y a aussi des données qui soutiennent l’idée que les caractéristiques de l’autisme ont changé plus spectaculairement au fil du temps chez les femmes que chez les hommes. Mais les preuves ne sont pas assez étayées encore pour l’inscrire dans le DSM.

Plutôt que faire une mise à jour du descriptif des différences homme/femme dans le dsm5, on peut relire attentivement le texte existant pour voir les implications de ces différences y étant déjà sous-entendues.
 

Analyse des preuves

L’année dernière, mon groupe a fait une méta-analyse des études de prévalence. Nous confirmons que le ratio homme-femme pour les personnes avec un diagnostic d’autisme est effectivement de 4 pour 1, mais que le vrai ratio réel [homme-femme autiste, ndlt] est proche de 3 pour 1. Le ratio le plus bas émerge lorsque les chercheurs conçoivent des études incluant les personnes non diagnostiquées.

Une partie des études confirme ce biais diagnostic envers les filles et les femmes. Par exemple, il y a des preuves que les filles autistes doivent avoir d’avantage de traits autistiques et de difficultés associées pour alerter l’attention des cliniciens que les garçons sur le spectre. Elles ont aussi tendance à être diagnostiquées plus tard que les garçons.

Il est temps d’alerter sur le fait que les femmes sur le spectre risquent de ne pas être diagnostiquées.

Qu’est-ce qui entraîne cela ? Ici également, le DSM-5, fournit une réponse appropriée. Le critère C du diagnostic de l’autisme déclare que, bien que «  les symptômes doivent être présents dès la période de développement précoce » ils peuvent être « masqués par des stratégies d’apprentissage dans la vie plus tard ». Ceci est en accord avec le principe plus large du DSM-5 selon lequel les traits autistiques auparavant présents chez une personne mais actuellement absents chez elle peuvent compter pour un diagnostic.

Dans les cinq dernières années, les chercheurs ont produits des d’études montrant que beaucoup de personnes sur le spectre apprennent à camoufler leurs traits. Ils peuvent stopper consciemment les comportements de stimulation en public, ou délibérément apprendre comment utiliser certains gestes dans les interactions sociales. Une personne a décrit cela comme « enfiler son meilleur habit de normalité ».

Le camouflage peut empêcher la personne d’avoir un diagnostic d’autisme rapidement. Plusieurs études convergent sur le fait que les femmes camouflent plus que les hommes. La recherche dans le champ du camouflage est jeune et nécessite d’être répliquée[1], il est trop tôt pour recommander la modification du DSM-5. Pourtant, cette ligne de recherche confirme la reconnaissance du masquage dans le DSM-5 et l’importance des caractéristiques historiques.
 

Un paradoxe peut-être

Une seconde idée clé exprimée dans le DSM-5 est que les caractéristiques de l’autisme peuvent ne pas être évidentes dès le plus jeune âge, mais deviennent manifestes lorsque les demandes sociales augmentent. Les preuves émergentes suggèrent que c’est un modèle particulièrement pertinent pour les femmes. Les femmes autistes ont déclaré dans des études qualitatives que leurs difficultés sont gérables jusqu’à l’adolescence, quand les attentes sociales augmentent de manière importante.

Dans une nouvelle étude longitudinale dans la population générale, nous avons identifié des personnes dont les traits autistiques deviennent plus importants seulement à l’adolescence(1). Les filles ont plus tendance que les garçons à avoir ce profil de développement. Si les futures recherches soutiennent cette idée, le DSM-5 pourrait être corrigé pour inclure des caractéristiques qui apparaissent à l’adolescence et sont particulièrement caractéristiques du phénotype autistique féminin.

Ainsi, le DSM-5 met bien en évidence un paradoxe apparent qui émerge des études longitudinales sur les différences de genre dans l’autisme. D’un côté le phénotype féminin est caractérisé par des traits autistiques présentes dans l’enfance mais devenant moins visibles au fil du temps du fait du camouflage. D’un autre côté, beaucoup de filles semblent montrer des difficultés accrues quand elles se heurtent aux complexités sociales de l’adolescence.

Il est largement accepté que l’autisme varie grandement parmi les personnes, mais il est moins connu qu’il varie chez les individus au fil du temps. L’autisme change à travers la vie d’une manière qui est en partie liée au sexe et au genre. Le DSM-5 encourage les personnes qui posent un diagnostic à être sensibles à ce constat.
 

Casser les barrières

Etre une femme ne devrait pas être un obstacle à la reconnaissance et à un soutien adapté. La priorité n’est pas de changer les critères de diagnostic mais d’apprendre à les appliquer en prenant en considération le phénotype autistique féminin.

Par exemple, le critère B3 du DSM-5 décrit une personne qui a « des intérêts fortement restreints et fixes ». Trop souvent, les professionnels faisant les évaluations diagnostiques s’attendent à ce que ces intérêts soient typiquement masculins, comme les trains ou les feux de circulation. Nous aimerions que ces professionnels pensent de manière plus large. Par exemple, beaucoup de filles autistes sont fixées sur des activités sociales comme étudier la psychologie et l’anthropologie ou sur des sujets classiques comme les animaux ou la mode.

À chaque fois que je lis le DSM-5, je suis frappé de voir à quel point les indications relatives au genre sont éclairées, elles ont bien soutenu la recherche. Quelques changements peuvent être justifiés pour ajouter un poids irréfutable aux idées qui sont actuellement posées avec circonspection. Mais même dans sa forme actuelle, le DSM-5 est compatible avec l’objectif de corriger les biais de diagnostic concernant es femmes et les filles.

Les efforts en cours des chercheurs et membres de la communauté autistique aideront à construire une image du phénotype autistique féminin fondée sur des preuves. Nous devons faire un effort concerté pour partager cette image avec les cliniciens et les éducateurs.

Wilial Mandy est maître de conférence à la clinique de psychologie de l’université de Londres. @WillClinPsy

Références 

  1. Mandy W. et al. J. Child Psychol. Psychiatry Epub ahead of print (2018) PubMed

[1] NDLT : La réplication est le fait de reproduire une recherche pour voir si on abouti à un résultat similaire.

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