Les outils de dépistage de l’autisme pourraient ne pas reconnaitre cette condition chez certaines femmes


Rachel Moseley et  Julie Kirkby pour The Conversation, 22 mai 2018 

Traduction : Kinou Kiki et Amaëline Ward pour l’AFFA

Article original : Autism screening tool may not detect the condition in some women

© unsplash

Le diagnostic de l’autisme est coûteux et prend beaucoup de temps, c’est pourquoi des outils de dépistage sont utilisés afin d’écarter les personnes les moins susceptibles d’être diagnostiquées autistes. C’est une bonne chose en soi, cependant notre dernière recherche suggère que l’outil de dépistage le plus répandu serait biaisé en diagnostiquant plus d’hommes que de femmes.

De précédentes études ont mis en doute la capacité de l’un des principaux outils de dépistage, appelé Quotient du Spectre Autistique (AQ), à repérer de manière rigoureuse les personnes autistes. Notre étude s’est penchée sur un autre outil de dépistage qui n’avait pas encore été examiné : l’échelle diagnostique de l’autisme et de l’Asperger de Ritvo (RAADS-R), un questionnaire souvent utilisé pour évaluer l’autisme chez les adultes ayant une intelligence moyenne ou supérieure.

Nous avons rassemblé les résultats au RAADS-R de plus de 200 personnes ayant été formellement diagnostiquées autistes. Nous avons comparé les résultats entre hommes et femmes autistes sur quatre domaines différents : difficultés avec les relations sociales, difficultés de langage, expériences sensorielles inhabituelles ou problèmes moteurs, et « intérêts restreints » (une tendance à avoir des intérêts très forts et fixes).

Comme il existe des différences connues dans ces domaines selon le sexe – par exemples, les femmes sont plus aptes à cacher leurs difficultés sociales et de communication, alors que les hommes sont plus susceptibles d’avoir des intérêts restreints flagrants, et donc plus faciles à repérer – nous avons voulu savoir si le RAADS-R était capable de percevoir ces différences.

Notre analyse a montré que non : nous n’avons trouvé aucune différence entre hommes et femmes pour les résultats au RAADS-R concernant les interactions sociales, le langage et les intérêts restreints.

Une explication possible de ce résultat est que, puisque le RAADS-R repose sur la capacité des personnes à évaluer et reporter avec précision leurs propres symptômes, les différences entre hommes et femmes peuvent n’apparaître que lorsque le comportement est identifié par un clinicien expérimenté. De précédentes études ont montré que les personnes autistes manquent souvent de recul concernant leur propre comportement et trouvent difficile de communiquer sur leurs propres symptômes.

Une autre raison qui pourrait expliquer pourquoi on ne trouve aucune différence de traits autistiques entre hommes et femmes est que cette étude, comme la plupart des autres études, inclue uniquement les personnes autistes ayant reçu un diagnostic formel grâce à ces mêmes outils et tests que nous avons analysés. Les outils de repérage et de diagnostic (y compris le RAADS-R) ayant été élaborés à partir de cas masculins, ils sont plus susceptibles d’identifier les femmes autistes présentant un profil plus masculin.

Cela pourrait expliquer pourquoi moins de femmes ont tendance à être diagnostiquées : il se pourrait que les tests de dépistage filtrent les femmes autistes avec des traits autistiques plus féminins, tandis que les femmes autistes présentant plus de traits masculins sont diagnostiquées. Ou il se peut que l’échantillon concerné par l’étude soit biaisé car les outils de diagnostic sélectionnent des personnes ayant plus de traits masculins, et l’outil de dépistage ne fait que refléter ce biais sous-jacent.

Nos résultats pourraient donc montrer que notre échantillon ne représentait pas un large panel de femmes autistes. Et c’est un problème qui affecte toutes les recherches sur les différentes manifestations de l’autisme selon le sexe.

Puisque davantage d’hommes que de femmes ont été diagnostiqués autistes, plusieurs théories se sont basées sur ces cas et, par conséquent, ne peuvent s’appliquer qu’aux hommes. De même, comme nous basons nos outils de dépistage et nos tests sur les hommes qui ont été diagnostiqués, nous ne pouvons prendre en compte que des femmes qui présentent des symptômes similaires à ceux des hommes.

Nous pourrions passer à côté des femmes qui ont des profils différents, plus féminins de l’autisme, mais qui ont tout de même les caractéristiques fondamentales qui sont au cœur du diagnostic. Ces caractéristiques incluent des difficultés dans l’interaction sociale, la communication, les comportements et intérêts restreints.

Les femmes ont tendance à être oubliées car les tests de dépistage et de diagnostic se concentrent sur les manifestations masculines les plus communes de ces symptômes essentiels. Les intérêts restreints chez les hommes, par exemple, sont plus susceptibles de concerner des sujets inhabituels, alors que les filles et les femmes peuvent centrer leurs intérêts sur des sujets tels que les célébrités ou la mode ; seule l’intensité de l’intérêt les différencie des femmes non autistes.

Une différence claire

Une seule différence majeure entre les sexes est ressortie de notre étude : les femmes autistes ont davantage de troubles sensoriels et de problèmes de motricité que les hommes autistes. Les troubles dans la motricité et la sensorialité sont fréquents dans l’autisme. Les personnes autistes peuvent être hyper ou hypo sensibles à la lumière, au son, au toucher, à l’odorat et au goût, et sont souvent maladroits avec une faible coordination motrice.

Certaines personnes autistes coupent les étiquettes de leur vêtement à cause d’une hypersensorialité tactile 

Ces constats de recherche, selon lesquels les femmes ont des troubles sensoriels et moteurs plus importants que les hommes, doivent être étudiés plus en profondeur. Cependant, cela semble cohérent avec les résultats de quelques autres études qui ont découverts ces mêmes constats.
Si ces types de troubles sont plus présents chez les femmes autistes, il serait important de bien les prendre en compte lors des évaluations diagnostiques d’autisme. Bien que l’échelle d’aide au diagnostic du syndrome d’Asperger (RAADS-R), évalue les troubles sensoriels et moteurs, ceux-ci jouent un rôle mineur dans la norme de tests diagnostiques, tels que dans l’ADOS (Autism Diagnostic Observation Schedule).

L’importance d’un diagnostic

Les efforts de dépistages sont en train d’être mis en place pour une meilleure identification de l’autisme chez les femmes.

Le diagnostic est important pour les autistes pour plusieurs raisons. Par exemple, c’est le seul moyen pour pouvoir accéder à des aides spécifiques, comme des personnes ressources dédiées pour les aider à faire des activités chez eux ou dans la vie de tous les jours. Ils peuvent aussi recevoir des aides financières s’ils en ont besoin. (Le chômage touche la plupart de la population autiste et peut être en partie dû aux niveaux importants de maladies mentales chez ces personnes).

D’autres personnes ont parlé du fait que l’obtention d’un diagnostic les a aidées à comprendre les luttes auxquelles ils ont dû faire face toute leur vie – que tout ça n’était pas de leur faute. Et ça les a aidées à rencontrer des personnes qui les ont acceptées pour ce qu’elles sont.

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