La fatigue sociale au quotidien : intervention de Marie Rabatel, conférence à Bron – 16 juin 2018


 Marie Rabatel, présidente de l’association, a fait une intervention sur la fatigue sociale au quotidien, lors de la conférence « Le quotidien de la personne autiste », organisée par Rencontre Autisme Rhône Alpes Auvergne le 16 juin 2018 à Bron (Lyon).

Ci-dessous la vidéo de son intervention (28 minutes). 

Description de l’intervention par Phan Tom, membre de l’association

Définition : de quoi parle-t-on ?

La fatigue est un état physiologique consécutif à un effort prolongé, à un travail physique ou intellectuel intense et se traduisant par une difficulté à continuer cet effort ou ce travail.

Le social, c’est ce qui concerne les relations entre un individu et les autres membres de la société.

Le quotidien : ce qui relève de la vie de tous les jours et qui n’a rien d’exceptionnel.

(Illustration : vidéo montrant la perception sensorielle du point de vue des personnes autistes)

Les stimuli (sons odeur, visuel, mouvement etc) ne sont pas hiérarchisés, ils arrivent tous en même temps et même les sons faibles sont perçus. Dans un centre commercial par exemple, les sons, les odeurs assaillent les personnes autistes. Au moment de passer à la caisse, il faut interagir avec la caissière, sourire, être polie, choisir ses phrases, alors que l’on est envahi(e) par notre environnement. Faire ses courses est une situation banale, mais qui est compliquée pour les personnes autistes. D’autres situations qui sont encore plus ancrées dans le quotidien, comme les repas de famille, présentent des défis pour les personnes autistes. Les moindres bruits sont intégrés : les bruits de couverts dans les assiettes, les chaises qui raclent sur le sol… À cela s’ajoute l’obligation de parler ou d’interagir avec les personnes présentes au dîner.

La compréhension littérale des mots et des énoncés s’ajoute aussi à la fatigue sociale, car elle oblige les personnes autistes à matérialiser de manière concrète le sens des consignes et des énoncés qui leur sont donnés. C’est important de préciser le contexte pour donner sens à l’échange.

Le traitement des informations

(Illustration : vidéo du professeur Lemonnier, pédopsychiatre et spécialiste de l’autisme)

Les personnes autistes ont un traitement séquentiel de l’information et sans hiérarchisation. Il faut ainsi se concentrer énormément pour se focaliser sur l’information prioritaire et non être parasité(e) par des stimuli extérieurs/et/ou une information non précise.

Par exemple si une personne informe une personne autiste qu’elle lui téléphonera dans l’après-midi, celle-ci pourra avoir des difficultés à se repérer dans le temps. La notion spatio-temporelle ne peut être matérialisée car l’information « dans l’après midi » reste abstraite.  Ainsi, la personne autiste ne sera pas toujours en mesure de comprendre la consigne et passera beaucoup d’énergie à essayer d’y mettre un sens concret.

La pensée en détail, plutôt qu’en global peut aussi entraîner un traitement partiel de l’information et en perdre le sens initial.  Par contre, la partie traitée le sera de manière pointue.

Les personnes autistes ont également une compréhension littérale des mots. Le second degré peut être utilisé par exemple dans l’humour, et certaines personnes autistes n’en comprennent pas le sens, car ils interprètent l’énoncé au premier degré.

Les personnes autistes ont aussi parfois des difficultés à comprendre les concepts abstraits.

Le lien entre le traitement de l’information et la fatigue sociale, est augmenté par la réflexion et l’ intellectualisation sans cesse pour une compréhension de l’information globale. Celle-ci n’est pas immédiate car les détails doivent se relier entre eux pour en comprendre le sens général. Ceci demande un effort qui peut engendrer une fatigue supplémentaire.

Les facteurs qui aggravent la fatigue sociale

    • Les lieux inconnus, les changements et les imprévus qui créent un stress supplémentaire.
    • L’environnement sensoriel : le bruit ou l’intensité de la luminosité générée par une lampe par exemple peut être déstabilisant, les bruits soudains ou trop forts auxquels il faut s’adapter.
    • Les environnements non inclusifs, et notamment l’absence de connaissance sur le fonctionnement des personnes autistes qui amènent parfois les personnes non autistes à avoir des attentes trop élevées par rapport aux possibilités de la personne autiste.
    • La comédie sociale : le fait que les personnes changent d’opinion et/ou de posture selon les contextes. Mais aussi le fait de devoir soi-même se conformer à une attente du monde sociétal pour essayer d’être intégré à la société en cachant ou camouflant ses spécificités. Les attitudes sociales qui sont innées ou acquises plus naturellement pour les personnes non autistes nécessitent un apprentissage et une réflexion constante pour les personnes autistes. Le fait de devoir réfléchir à ce qu’on dit, à la manière dont on le dit et à l’ensemble des signes de communication verbaux ou non verbaux ajoute une fatigue supplémentaire. Le simple fait de demander une baguette de pain chez le boulanger doit être préparé mentalement.
    • La douleur : les personnes autistes peuvent exprimer la douleur d’une autre manière que les personnes non autistes. Il y a une réelle difficulté à déceler le seuil de douleur et souvent lorsqu’il est exprimé, les personnes sont proches du niveau 10 de l’échelle de douleur.

Le cercle vicieux de la fatigue sociale

Si ces situations se produisent trop souvent cela entraîne des micro traumatismes. Les traumatismes ne sont pas uniquement liés à des violences physiques. Le fait de vivre constamment dans un environnement inadapté est une violence psychologique.

Quelques ressources 

  • Le silence : se couper des stimulis extérieurs, s’isoler dans une pièce calme
  • Avoir un objet de réconfort (ayant pour fonction de faire baisser le stress, rassurer et sécuriser)
  • Mettre en place des repères temporels, notamment pour se représenter les jours de la semaine, leur enchaînement
  • La prédictibilité et l’organisation : avoir un programme de la journée qui définisse les actions, leur modalité de mise en œuvre, leurs lieux et horaire
  • Exprimer l’incompréhension : savoir dire lorsqu’on ne comprend pas une situation, un énoncé, une phrase…
  • Rendre l’implicite explicite : avec par exemple une représentation matérialisée sous forme de pictogramme, image, objet ou par l’intermédiaire de l’écriture
  • Se focaliser sur ses centres d’intérêt pour diminuer la perception des stimuli extérieurs
  • Avoir des thérapeutes et/ou un entourage sensibilisés à notre fonctionnement : cela permet de nous aider à réfléchir sur les éléments d’incompréhension plutôt que de les ressasser en boucle dans notre tête.

Le fonctionnement des personnes autistes a ses particularités. La fatigue sociale que ce fonctionnement entraîne dans un environnement inadapté peut masquer les compétences dont sont capables les personnes autistes.

(Illustration : vidéo présentant la perception sensorielle d’une personne autiste)

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