Muriel* membre de l’association, témoigne de l’intervention des pompiers chez elle, et des conséquences pouvant résulter d’une incompréhension de l’autisme
Je ressens brusquement une décharge électrique dans une jambe : cette douleur méconnue et insupportable me plonge alors dans un état de panique et d’angoisse et je n’arrive plus à alimenter mes poumons. Mon fils appelle les pompiers, qui lui posent de nombreuses questions auxquelles il répond de manière claire et précise en expliquant mes spécificités de l’autisme et mon ESPT (état de stress post traumatique). J’attends alors les pompiers, essayant de survivre à cette douleur dépassant la barre des 10/10. Je peine à respirer et j’ai l’impression que je vais succomber de suffocation.
Arrivée des pompiers et augmentation du stress
Les pompiers arrivent au bout de 30 minutes, entrant de manière explosive dans la maison et ne se présentant uniquement qu’après avoir passé le seuil de ma chambre. Leurs voix fortes vrillent mes tympans et mettent ma sensibilité sensorielle à mal, leurs déplacements sont trop proches de moi, leur contact physique….Tout ceci augmente mon stress lié aux personnes et situations inconnues.
Mon angoisse devient alors ingérable et mon mutisme rend les échanges impossible. Ils décident de me mettre dans le camion pour être plus proche de leur matériel. Mon fils a juste eut le temps de me poser mon téléphone sur mon ventre (pour me permettre de communiquer par écrit) et mon plaid (qui me sert d’objet rassurant).
Dans le camion, on m’injecte de la morphine, sans effet sur la douleur…
Un des pompiers me demande de suivre sa respiration, ce que je fais et qui me permet de reprendre une respiration moins étouffante. Pendant ce temps, mon beau-père est arrivé pour rassurer et rester avec mon fils. Un des pompiers retourne voir mon fils, dans la maison, pour lui demander si j’étais bien autiste, ce qu’il confirme à chaque fois qu’un des pompiers revient lui poser la question.
Autiste = folle , donc hôpital psychiatrique ?
Lors de l’examen avec la médecin de garde de la caserne, celle-ci me reformule les informations dont elle dispose et je lui réponds via mon téléphone pour valider ou invalider (nom, date de naissance, échelle de douleur, etc…) jusqu’à ce qu’elle pose la question « vous êtes autiste ? » Là, un pompier lui fait discrètement le signe « non » avec la main, suivi du signe “toc toc” en tapotant l’index sur le côté de sa tempe et en faisant attention à ce que je ne vois pas sa main. Il venait de lui faire le signe que j’étais folle. À ce moment, j’écris sur mon téléphone : « Vous aller m’emmener où ? » L’un me répond de manière ironique : « On ne sait pas encore ma petite dame ! ».
Je comprends à ce moment précis que je ne suis pas considérée pour ce que je suis (personne autiste) mais prise pour une personne psychotique en crise de folie.
Par chance, un des pompiers a une fille autiste et connait donc ses manifestations qui, dans ce genre de contexte, peuvent accentuer les troubles de comportement. Il me propose de téléphoner à une personne rassurante pour moi.
Le SOS a fonctionné, elle avait son téléphone avec elle et a pu décrocher. Elle a pu expliquer mon fonctionnement lié à l’autisme. Elle m’a également rassurée par la présence de sa voix. Lorsque ma psychologue a raccroché, le médecin a rétorqué aux pompiers : « Vous l’emmenez aux urgences en précisant ce que vous a expliqué la psychologue » .J’ai pu être dirigée dans le bon service et être accompagné pendant tout mon séjour avec une attention particulière à mon fonctionnement autistique. L’angoisse a diminué assez rapidement malgré la présence de la douleur.
Comment prévenir une telle situation ?
Cet épisode, qui aurait pu me valoir une hospitalisation sans consentement en psychiatrie si ma psychologue n’était pas intervenue, m’a laissé une crainte que cela se reproduise et que le SOS ne fonctionne pas.
J’en ai parlé à une des membres de l’association, qui m’a suggérée de réaliser une sorte de carte d’identité de mon fonctionnement.
Ce petit document recto/verso, plastifié, a un format très simple, et se glisse dans mon portefeuille. Je l’ai toujours avec moi. Ce qui est écrit est personnel à mon propre fonctionnement. Il répond à ma problématique dans ce genre de situation :
« Je suis autiste et je peux être mutique. Il faut me parler doucement ! Je ne suis pas sourde. Je comprends tout mais je peux avoir du mal à m’exprimer : posez moi des questions simples et fermées, par écrit ou oral (je pourrai répondre “oui” ou “non”).
J’ai du mal à savoir où j’ai mal exactement. J’ai des difficultés dans le contact physique, cela génère beaucoup d’angoisses. J’ai également un ESPT ( État de Stress Post-Traumatique ) qui peut accentuer mes comportements autistiques et mon angoisse.
Si vous me voyez ainsi, vous pouvez contacter :
- 1. Mme ☆☆☆☆☆ , psychologue au 00.00.00.00.00
- 2. Dr ☆☆☆☆☆ , Psychiatre au 00.00.00.00.00
- S’ils sont injoignables, ☆☆☆☆ au 00.00.00.00.00 »
Ce document me protégera de toute mauvaise compréhension ou interprétation de ce que je peux manifester….et m’évitera un mauvais « diagnostic » d’un soignant de premier secours, qui pourrait avoir des conséquences graves sur ma santé tel que l’administration de médicaments non adaptés (d’autant plus que je ne réagis pas de manière habituelle aux psychotropes), camisole chimique,…. me laisser un traumatisme supplémentaire et aggravant encore mes comportements et troubles autistiques.
Suite à cette expérience qui n’est malheureusement pas unique, il serait nécessaire de sensibiliser les personnes de premiers secours au fonctionnement autistique.
* Le prénom a été modifié afin de préserver l’anonymat