Apolline, autiste, 41 ans : violence psychologique et annihilation de soi


Quand l’incompréhension de soi et des autres n’apporte que violence et humiliations, la conséquence est de taire sa propre personne : ne plus exister par soi-même. C’est toute l’importance du cheminement vers le diagnostic, une réponse, une explication, une renaissance.

 

« Il est difficile pour moi d’écrire, de laisser une trace de mes sentiments. Je dirais peut-être par manque de confiance ou bien par peur de reconnaître la réalité.

Je m’essaie donc à l’exercice non sans angoisse.

Imiter pour se conformer

Ma relation aux hommes a toujours été compliquée du fait de ma personnalité introvertie, ou que je croyais introvertie, à force d’entendre « elle est timide ». Du fait de mon autisme, mon problème a toujours été de rentrer en communication avec les autres…Difficile d’entrer en relation lorsque la parole nous fuit, lorsque les quelques mots énoncés ne correspondent pas aux mots pensés, lorsque votre réponse ne correspond pas à la question posée car vous ne comprenez pas l’implicite, entraînant quiproquo et l’impression d’être bête, s’ensuit une perte de l’estime de soi. Alors moi, j’ai choisi de me taire, d’écouter, d’apprendre comment être et comment dire et ce jusqu’à il y a une dizaine d’année (mes problèmes sont toujours présents, bien cachés, au prix de nombreuses périodes de dépression, diagnostic posé avant celui d’autisme).

 

Ne pas avoir conscience de ce qui est acceptable ou non

Ma première relation avec un garçon s’est faite par l’intermédiaire de mon amie de l’époque. J’étais plutôt en décalage dans mes relations sociales, amicales et amoureuses (en fait inexistantes) mutique en groupe, préférant rester dans ma chambre à lire ou pratiquer la danse de manière intensive.

Je fais donc la connaissance du demi-frère de cette amie, lui majeur, moi quinze ans, lors d’une invitation dans leur famille que je caractériserais d’atypique puisque essentiellement composée d’enfants placés ici en famille d’accueil. J’y suis acceptée telle que je suis.

Ce garçon me fera des avances que j’accepterai, me réjouissant d’être enfin comme tout le monde. Mais, dès que l’occasion se présente, ses demandes deviennent de nature sexuelle. La première fois, ma première fois, je le repousse, exprime un petit non, sans doute pas bien compris, comme si c’était normal ou une politesse de dire non, histoire de ne pas passer pour une fille facile (ceci est une interprétation que je fais aujourd’hui de ce qu’aurait pu penser ce garçon à ce moment précis). Il continue sans prendre en considération ma parole et je me rappelle ne pas savoir quoi faire, prostrée, me laissant faire, me disant que c’est peut-être ça la normalité, la marche à suivre dans une relation.

Alors je maintiens cette relation qui devient de plus en plus sexuelle, sans amour, répugnante. J’ai à l’époque un sentiment de dégoût mais je ne sais pas quoi faire, j’ai l’impression que c’est moi qui ne suis pas adaptée à la relation.

Le malaise s’amplifiant, je mets fin à cette relation par la fuite et l’intervention de ma mère qui me voit mal.

Je ne prendrai conscience de l’anormalité de cette situation que quinze ans plus tard, convoquée au commissariat pour témoigner des conditions de ma relation avec lui dans le cadre de la plainte pour viol d’une autre femme.

 

Difficulté à décoder les intentions des autres

Quelques années se passent avec quelques aventures pseudo-amoureuses (je ne dois pas avoir tout compris aux hommes !) jusqu’au jour où je rencontre le père de mon premier enfant, un homme charmeur et charismatique, très cultivé, avec le verbe si facile ! Me voilà en admiration devant quelqu’un de différent que j’aime écouter parler.

Comme beaucoup de personnes autistes, je crois tout ce qu’on me dit car je ne pense pas que les gens puissent mentir. Quand on dit quelque chose, c’est forcément la vérité, non ? Le mensonge est toujours une notion que j’ai des difficultés à comprendre. Je découvre à ce jour que, du fait de mon autisme, j’ai des difficultés à décoder les intentions des autres. Je fais confiance aux gens, aux paroles, aux mots (les mots, pour moi, ont une importance particulière même si je ne sais pas bien les manier). Je suis naïve, je ne repère pas les menteurs, je fais confiance.

Pourtant on m’avait prévenu de faire attention mais attention à quoi ? Car j’étais loin de penser qu’il était une mauvaise personne. Et pourquoi d’ailleurs serait-il mauvais ?

 

Manipulation, humiliations sexuelles, violences physiques et verbales

La violence psychologique s’insinue progressivement dans notre couple mais je ne la vois pas, je pense que c’est moi qui ne suis pas à la hauteur : pas à la hauteur d’être mère, il me le fait si souvent remarquer que je le crois, pas à la hauteur de tenir la maison, pas à la hauteur d’être sa femme, pas à sa hauteur peut-être.

Il me dit textuellement que c’est grâce à lui que j’apprends, que je me cultive, que je communique mieux…

Et en même temps :

  • que je m’exprime mal en public (oui, c’est vrai le stress m’empêche d’exprimer mes idées comme je le voudrais car les mots ne s’enchaînent pas comme je le voudrais),
  • que je suis une fainéante car toujours fatiguée, à faire une sieste tous les jours,
  • que je suis une enfant capricieuse, trop couvée par ses parents, qui fait des crises de colère pour des broutilles,
  • que je suis une mauvaise amante qui devrait répondre à ses besoins constamment (je ne développerai pas ce point trop douloureux mais les violences physiques et humiliations de nature sexuelle étaient omniprésentes),
  • que je suis une égoïste qui préfère passer des heures à lire ou à étudier plutôt que jouer avec son enfant (j’aime m’amuser avec mes enfants mais peut-être pas comme il est convenu dans une société typique, je préfère leurs apprendre des choses) ou s’occuper de son mari…

Alors, je m’énerve beaucoup aussi, j’ai des difficultés à gérer mes émotions quand je suis en surcharge, j’éclate parce que je ne peux plus faire face et je finis en pleurs. C’est souvent à ce moment qu’il me traite de folle, ce que j’ai cru aussi fort longtemps, et qu’il devient d’une extrême violence verbale, quand je suis au plus bas.

 

« C’est de ma faute »….

Dans ce genre de relation, l’entourage pose souvent cette question : « Pourquoi n’es-tu pas partie ? »

Et bien peut-être par peur sans doute mais surtout parce que j’étais persuadée d’être fautive, nulle, bête et ignorante.

Donc oui, j’aurais dû partir avant mais je n’ai pas su le faire car je n’ai pas reconnu l’anormalité de la situation même si je me sentais mal ; j’ai attendu qu’il me dise de partir, j’ai attendu son autorisation.

Tout cela je le dis maintenant mais le cheminement de prise de conscience que c’était peut-être l’autre le problème a été long, et je doute parfois encore (l’évitement de la personne est la seule manière d’y parvenir mais ce n’est pas toujours possible avec un enfant).

La liberté retrouvée m’a conduite à une dépression (encore une !), comme si je lâchais tout ce que j’avais contenu jusque là, mais il me tient toujours par le fait de notre enfant commun, d’une maison dont les papiers sont à mon nom, d’un non paiement de pension… Je ne me bats pas, je suis fatiguée !

 

Note positive

Aujourd’hui, j’ai un époux attentionné et bienveillant qui ne me comprend pas

toujours, et inversement, mais nous nous adaptons.

Apolline (nom d’emprunt) »

 

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