Le Comité ONU Femmes France décline la campagne « Orange Day » , qui consiste en 16 jours d’action contre les violences faites aux femmes (du 25 novembre au 10 décembre 2017). Dans le cadre de cette campagne nous diffusons des témoignages de violences faites aux femmes autistes.
« Longtemps, je n’ai pas eu conscience d’être maltraitée. Je pensais que c’était normal. Que je méritais ce qu’on m’infligeait. Je croyais mes parents lorsqu’ils me disaient que j’étais méchante, une peste, que le bon Dieu me punissait. Je croyais mes “copines” quand elles me disaient que j’étais laide et grosse ou ennuyante et que c’était pour cela que je restais seule à la pause. Je croyais tous ceux qui me traitaient d’anormale, de folle, d’handicapée mentale. Au fond de moi je ne comprenais pas mais j’acceptais. Je me disais qu’il devait y avoir une force noire qui émanait de moi que je ne voyais pas mais que les autres percevaient. J’ai toujours eu une confiance aveugle dans les autres qui compense l’absence totale de confiance en moi. Je ne sais pas si c’est inné ou acquis mais c’est comme ça. J’ai toujours admiré et idéalisé les autres, j’ai toujours eu honte de moi. Je me prenais pour le vilain petit canard et je rêvais de cygnes, de m’envoler, de trouver des semblables.
Alors quand les hommes ont commencé à m’approcher, à me flatter, je suis tombée dans la gueule du loup. Et là encore, j’ai tout accepté. Je pensais que tout était normal, mérité. Que je devais faire tout comme dans les pornos. Pour qu’on m’aime. Pour ne pas être encore une fois rejetée. Évidemment ils en profitaient. Évidemment ils me trompaient, ils m’humiliaient, ils me mettaient en danger. Ils me frappaient ou m’attachaient. Ils me droguaient. Je crois que des mauvais traitements que j’ai reçus, ce sont les violences verbales qui m’ont le plus affectée. Mon corps, je peux m’en détacher. Je ne l’aime pas, je considère qu’il n’est pas moi. Mais quand je fais confiance, que je tombe éperdument amoureuse (ce qui m’arrive souvent car j’ai un manque affectif immense à combler) et qu’on foule ma confiance au pied, là j’ai vraiment envie de me faire du mal et de me tuer. Je me suis torturée moi-même de nombreuses années. À cause d’eux. À cause des hommes que j’ai aimés et qui m’ont maltraitée. Des femmes aussi. Je croyais que la douleur psychique était la pire jusqu’à ce qu’un jour je me fasse étrangler à ne plus respirer, jusqu’à ce qu’un autre jour on me projette dans la rue contre un trottoir à moitié nue et que je perde connaissance. Mais aujourd’hui, malgré la peur d’eux que j’ai toujours eue et qui ne m’a jamais quittée, je ne sais toujours pas dire non et je ne sais toujours pas dire stop. J’ai accepté, j’ai dit pardon. Et j’ai toujours au fond de moi cette impression que tout est de ma faute. Et que ça ne cessera jamais.
Emma »