Le camouflage social pourrait contribuer au sous-diagnostic de l’autisme au féminin


[clickToTweet tweet=”Les femmes autistes, sous diagnostiquées en partie par leur stratégie de camouflage” quote=”Article sur le lien entre le camouflage social des femmes autistes et le sous-diagnostic. “]Patti Neighmond, Jane Greenhalgh pour National Public Radio, 31 juillet 2017

Traduction par Marie Blesbois (membre de l’AFFA) de l’article original ‘Social camouflage’ May Lead To Underdiagnosis Of Autism In Girls

Les femmes vont moins souvent être diagnostiquées avec autisme, mais c’est peut-être parce que les signes du trouble sont moins évidents que chez les hommes. En résulte un manque de soutien envers ces femmes en difficulté. Sara Wong pour NPR © Véronique Bourassé

 

Chaque année, bien plus de garçons que de filles sont diagnostiqués autistes. Si l’on s’en réfère aux Centres Américains pour le Contrôle et la Prévention de la Maladie, le trouble est 4,5 fois plus commun chez les garçons que chez les filles. Les garçons semblent être plus vulnérables face à ce trouble, mais il existe  désormais une preuve que le gouffre entre les genres n’est peut-être pas si vaste qu’il n’y paraît.

C’est d’abord parce que les symptômes de l’autisme sont souvent moins évidents à repérer chez les filles que chez les garçons. Les filles peuvent être meilleures pour se fondre dans la masse, rapporte le Dr Louis Kraus, psychiatre exerçant au Centre médical de l’Université de Rush à Chicago et spécialisé dans l’autisme.

« Les filles ont tendance à vouloir socialiser et faire partie d’un groupe », dit-il, même si cela peut sembler étonnant. Les garçons de leur côté, « tendent à s’isoler », selon Kraus.

On comprend mieux pourquoi les garçons sont repérés plus précocement que leurs pairs de sexe féminin. Les filles, quant à elles, peuvent ne jamais être diagnostiquées ou être diagnostiquées très tardivement du fait que leurs symptômes ressortent moins, précise Kraus. Ce qui signifie que les filles ne bénéficient pas du soutien dont elles nécessiteraient dès le plus jeune âge.

Ce qui fut le cas pour Haley Wittenberg, qui vit à Los Angeles. Cadette d’une fratrie de quatre, elle a été diagnostiquée avec autisme il y a seulement un an, à l’âge de 19 ans. Le diagnostic a été un soulagement pour elle puisqu’il a mis un mot sur un ressenti qu’elle avait depuis des années : qu’elle était différente de ses frères et sœurs ainsi que de ses camarades de classe.

« Je prenais toujours part aux jeux sportifs avec les garçons quand j’étais petite, parce que c’était plus facile pour moi et qu’ils ne parlaient pas beaucoup. », dit Haley.

Quand elle était enfant, elle ne se laissait jamais câliner, nous dit sa mère, Lonnie Wittenberg. Haley évitait aussi le contact oculaire. « Je lui disais souvent –Regarde-moi, regarde-moi ». Haley n’aimait pas les lieux très fréquentés et bruyants comme Disneyland, et il était difficile pour elle de prendre des initiatives. Dans l’ensemble cela paraissait simplement être de petites « bizarreries », qui n’étaient pas criantes d’ « Autisme », dit Lonnie.

Le trouble du spectre autistique (TSA) est un trouble du développement complexe, caractérisé par des comportements répétitifs et compulsifs, un manque d’intérêt pour les interactions sociales, et peu ou pas de contact visuel. Il n’existe pas de test médical avéré pour diagnostiquer l’autisme. Les médecins posent leur diagnostic par l’observation du comportement de l’enfant et de son évolution.

Il s’avère que le cas de Haley est tout à fait typique des femmes autistes à haut fonctionnement intellectuel, dont les symptômes peuvent être moins remarquables.

Les femmes ont acquis la maîtrise de ce que d’aucuns nomment le « camouflage social », témoigne Amanda Gulsrud, directrice clinicienne de la Clinique Neuro-développementale pour enfants et adultes située au sein de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA). Gulsrud développe les interventions au sein des écoles afin de venir en aide aux enfants avec autisme. Les interventions sont élaborées en partie sur la recherche récente effectuée par ses collègues de l’UCLA. Ces derniers ont mené une étude d’observation sur la façon dont les garçons et les filles avec autisme interagissent avec leurs pairs dans les cours d’école. Les garçons sont clairement ressortis comme étant différents, dit Gulsrud. Ils restaient isolés des autres petits garçons qui formaient un grand groupe de jeux de sports. Les garçons avec autisme étaient ceux qui « faisaient les cent pas sur le coin de pelouse ou s’ installaient hors de vue près d’un arbre au fond de la cour ».

D’un autre côté, les filles avec autisme ne se démarquaient pas beaucoup. Elles restaient suffisamment proches des autres fillettes pour donner l’impression d’une connexion sociale, même si factuellement, elles n’interagissaient pas. « Elles n’avaient pas d’échanges ni de conversations significatifs et profonds », nous dit Gulsrud. Elles papillonnaient, alternativement connectées puis déconnectées de ces interactions.

Les petites filles avec autisme ont tendance à être calmes et à se « comporter de façon plus appropriée » selon Marisela Huerta, psychologue au Well Cornell Medical College. Elle a co-écrit une étude avec d’autres cliniciens spécialisés dans l’autisme. Il leur était demandé de comparer la sévérité des symptômes chez les femmes, par rapport à celle constatée chez les hommes. Soixante-dix pour cent d’entre eux ont reporté une différence marquée des symptômes de l’autisme selon le genre, ainsi les garçons auront plus tendance aux comportements répétitifs, aux intérêts restreints et avec une moindre volonté à s’engager dans les interactions sociales. Les filles auraient tendance à être plus verbales et actives socialement, tout du moins lorsqu’elles sont jeunes. Ceci expliquerait donc pourquoi les parents et les professeurs ont si souvent du mal à repérer les symptômes des petites filles et n’ont que peu de références en la matière pour en permettre une bonne évaluation.

Une autre caractéristique de l’autisme est la tendance à un comportement de type compulsif. Et ici encore, les filles et les garçons diffèrent quelque peu selon le Dr Kraus. Les garçons peuvent nourrir des obsessions envers des objets tels que les pierres par exemple, au point qu’ils pourraient se déplacer avec un sac-à-dos lourd et rempli de celles-ci, et en parler constamment.  « Cette fixation peut les tenir éloignés de la socialisation » dit Kraus, tandis que les obsessions des filles tendent moins à les ostraciser. Elles peuvent par exemple avoir une fixation sur les coquillages et commencer à les collectionner, mais ce comportement reste approprié et culturellement acceptable.

Les chercheurs sont à l’heure actuelle en train d’essayer d’en apprendre davantage au sujet de la différence des sexes dans l’autisme. Le psychologue pour enfants Kevin Pelphrey, directeur de l’Institut de l’autisme et des troubles neuro-développementaux de l’Université George Washington (Etats-Unis), est père de deux enfants avec autisme. Il dirige une étude financée par le National Institute of Health (NIH) sur les filles avec autisme, axée principalement sur la question génétique, le fonctionnement du cerveau ainsi que le comportement au cours de l’enfance et de l’adolescence.

Les premiers résultats suggèrent des différences entre les cerveaux des filles et des garçons touchés par le trouble. Les imageries cérébrales montrent que les filles avec autisme semblent avoir moins de perturbation dans la zone du cerveau qui traite l’information sociale. Les filles seraient donc plus à même de comprendre les enjeux sociaux, même si elles ne parviennent pas pleinement à les satisfaire. « Cela peut-être très stressant pour elles » rapporte Pelphrey.

Le dr Kraus pense qu’un diagnostic tardif d’autisme est un pas en arrière pour l’enfant, faisant référence à la recherche qui démontre que plus tôt arrivent le diagnostic et l’intervention, meilleure sera l’évolution. “On peut toujours tromper les institutions scolaires. Il n’est pas perçu comme très inquiétant d’être un peu à la traîne dans ses études” dit-il. « Ce qui est le plus difficile, c’est de simuler un développement social  ».

Aujourd’hui, un nombre croissant d’organismes scolaires et de programmes d’entraide associatifs sont dédiés à aider les adolescents et les jeunes adultes avec autisme à entretenir et développer leurs habiletés sociales. Haley Wittenberg prend part à un groupe nommé PEERS (pairs) à l’UCLA. Elle apprend la façon dont elle doit aborder un groupe de personnes dont elle aimerait faire la connaissance, comment débuter et entretenir une conversation et comment se faire des amis et les conserver.

« Ils m’ont donné des outils que je puisse utiliser dans des situations spécifiques et qui me permettent de moins me sentir épuisée après les interactions » rapporte Haley. « Maintenant je peux fréquenter les mêmes personnes de façon plus durable et régulière ». Elle parvient même à être un peu plus spontanée, nous dit-elle en rigolant, et capable de faire une sortie prévue au dernier moment. Les conversations sont plus fluides et sa vie sociale plus active. En plus de ces bienfaits, Haley trouve que sa vie s’est grandement améliorée.

 

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