Mères autistes: non aux signalements abusifs
Je tenais à vous faire part de mon interrogation à la fois en qualité de mère d’enfants porteurs de TSA “troubles du spectre autistiques” et de femme porteuse du “Syndrome d’Asperger” .
J’ai subi, il y a quelques années de cela, une information préoccupante émanant d’une structure s’occupant de l’un de mes enfants dans laquelle j’ai été accusée d’être atteinte, sans autre forme de procès, d’un syndrome de Münchhausen par procuration* ! Ils étayaient leur argumentaire par les observations suivantes : je possède de grandes connaissances médicales, je ne regarde pas mes interlocuteurs dans les yeux, il est difficile de capter mon attention ou mon écoute, je ne comprends pas ce que l’on me dit et que je ne m’exprime pas correctement, selon leur code social. Par un heureux concours de circonstances, si je puis m’exprimer ainsi en passant comme chat sur braise sur toute la souffrance qu’ils ont provoquée en moi devant ces accusations gratuites… accusations qui m’ont été adressées par écrit, cela m’a permis de rebondir en entrevoyant l’envers du décor par une énorme prise de conscience, suivi d’un diagnostic : moi aussi j’ai un trouble du spectre autistique ! Voilà ce qui m’avait échappé jusqu’ici et qui éclaire toutes les difficultés auxquelles j’ai été confrontées durant toute ma vie, sans en comprendre la raison !
Suite à cette histoire et après être passée devant le juge pour enfants, je me suis mise à m’intéresser de façon compulsive aux signalements abusifs dans le secteur de l’autisme entre autre.
Il est rapidement devenu apparent qu’à chaque fois que j’ai eu un dossier entre les mains, la mère signalée à tort était porteuse de troubles non diagnostiqués, allant du TDAH (Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité), à la précocité, en passant par le syndrome d’Asperger.
Sur une dizaine de dossiers pour lesquels il m’a été donné de participer, qu’il s’agisse de soutien administratif ou de soutien moral, j’ai remarqué que leur dénominateur commun était la différence de la mère à qui il a été systématiquement reproché de ne pas être adéquate. La façon différente de ces mères, de se comporter, de se présenter, de s’exprimer, de se défendre, de comprendre et d’analyser la situation était toujours mal perçue.
Aussi, dans la plupart de ces situations, le premier conseil que je donnais à ces mères consistait à entreprendre une démarche en vu d’obtenir un diagnostic pour leur propre spécificité, démarche qui était aussi urgente pour elle-même que pour leur enfant.
Je m’interroge sur notre degré de vulnérabilité face à des professionnels du secteur médico-social qui n’ont pas été suffisamment sensibilisés sur les troubles neuro-développementaux et ceci aussi bien chez les enfants que chez les adultes.
Comment protéger ces mères qui n’ont strictement rien à se reprocher et qui s’occupent très bien de leur(s) enfant(s) ? Quand donc cette méconnaissance crasse des troubles susmentionnés par de trop nombreux professionnels cessera-t-elle ? Il est grand temps qu’ils arrêtent de prendre des mères très investies pour le bien-être leur enfant différent pour des mères pathologiques. Non, il n’y a rien de suspect à vouloir le meilleur pour son enfant, à vouloir l’aider à grandir en tenant compte de ses besoins spécifiques, à se battre pour qu’ils bénéficient d’une prise en charge adaptée. Ce n’est pas du surinvestissement pour combler des failles narcissiques ou autres théories fumeuses. C’est le contraire, qui devrait interpeller ! Comment se fait-il que des enfants réellement maltraités par négligences ou différentes formes d’abus restent dans les mains de leur parents ?
Combien sont-elles et seront-elles encore à subir des accusations si injustes, tout ça parce que les pays francophones sont si peu informés sur ces troubles ? Ne serait-il pas temps de se pencher sur ces mères à l’apparence différentes et qui ne répondent pas aux standards de la société ? Pourquoi la maîtrise des codes sociaux standards occulte-t-elle tout le reste dans le regard des professionnels de l’enfance : éducation nationale, structures médico-sociales, service de protection de l’enfance, juges ? Comment protéger ces mères, les former à tout ça, comment faire pour que tous ces professionnels, devant des enfants différents, puissent enfin se poser les bonnes questions et envisager que des parents hors normes sont susceptibles de présenter les mêmes troubles que leur(s) enfant(s), ceci d’autant plus que l’on sait aujourd’hui, grâce aux progrès de la science, que tous ces troubles sont éminemment génétiques ?
Aurore Gilant
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