Les filles autistes ont un risque élevé de subir des violences sexuelles, selon une vaste étude


Nicholette Zeliadt pour Spectrum News, 14 mai 2018

Article original : Girls with autism at high risk of sexual abuse, large study says

Beaucoup de femmes avec des traits autistiques ou un déficit de l’attention avec hyperactivité déclarent avoir subies des violences sexuelles dans l’enfance, selon une étude sur 4500 personnes.

Les filles qui ont un score positif pour l’autisme ont presque trois fois plus de risque d’avoir vécu l’expérience de violences sexuelles par rapport à celles qui n’ont pas de score positif (Photo : My_Imaginations)

Les raisons qui expliquent pourquoi les filles remplissant ces conditions ont un risque accru de violences sexuelles ne sont pas claires. Cela peut être dû au fait que les filles sur le spectre ont des difficultés à comprendre les normes sociales ou à reconnaître les situations dangereuses.  D’un autre côté, elles peuvent engager des comportements à risque comme l’usage de drogues, qui les rendent vulnérables aux prédateurs.

Les recherches suggèrent que le risque n’est pas spécifique à l’autisme ou au TDAH, mais plutôt à une tendance générale à quiconque partagerait certaines caractéristiques.

« Les symptômes spécifiques de l’autisme, ou de l’impulsivité, ne semblent pas vraiment prédire si quelqu’un dit oui ou non au fait d’avoir été victime de violences sexuelles » explique le chercheur en chef, Erik Pettersson, professeur assistant en épidémiologie et en biostatistique au Karolinska Institute à Stockholm en Suède.

Dans tous les cas, les résultats confirment l’existence d’un lien entre autisme et violences sexuelles dans l’enfance, que deux précédentes études laissent entendre (cf : en référence 2 et 3 de cette page).

« Cela est cohérent avec la plupart des études sur le sujet, qui admettons le, ne sont pas si nombreuses », précise Andréa Roberts, chercheuse au département de santé environnementale à l’université d’Harvard, qui est impliquée dans cette étude.

Traits jumeaux

Pettersson et ses collègues ont analysé les traits de l’autisme et du TDAH chez 4500 jumeaux, 1902 participants étaient des garçons. Les participants faisaient partie d’une étude sur les jumeaux enfants et adolescents en Suède, étude suivant l’ensemble des jumeaux nés en Suède depuis 1992.

Quand les enfants ont eu 9 ou 12 ans, leurs parents ont complété une enquête de 96 items qui passent en revue les conditions neurodévelopementales. Le questionnaire inclut  17 items au sujet des traits autistiques et 19 au sujet du TDAH. Des seuils spécifiques pour chaque catégorie de question prédisent un diagnostic d’autisme ou de TDAH.

Quand les participants atteignent 18 ans, ils remplissent un questionnaire au sujet de leur expérience avec des événements traumatiques et des mauvais traitements, incluant les violences sexuelles. À cet âge, 256 femmes et 18 hommes ont déclaré avoir été victimes de violences sexuelles durant l’enfance.

Les chercheurs ont trouvé que les femmes qui ont un score positif pour l’autisme ont presque trois fois plus de risque d’avoir vécu des violences sexuelles par rapport à ceux qui n’ont pas de score positif ; et  ceux qui ont des scores positifs pour le TDAH ont des risques doublés de violences sexuelles.

Les résultats pour les hommes autistes ou avec un TDAH ne sont pas significatifs statistiquement, peut être parce que l’étude est trop restreinte.

« Un très petit pourcentage d’hommes a déclaré avoir été victime de violences sexuelles », dit Pettersson. « On ne sait pas si c’est parce que les hommes ne sont pas victime de violences avec la même ampleur que les femmes, ou s’ils ne rapportent pas ces faits ».

Cette étude est parue le 23 mars dans la revue Journal of Child Psychology and Psychiatry.

Repéré(e)s

Les enfants avec une déficience intellectuelle sont connus pour être une population à risque concernant les violences sexuelles, explique Melina Sevlever, instructrice à la clinique psychologique de l’université de Colombia, qui n’est pas impliquée dans cette étude. La nouvelle étude ne faisait pas de distinction concernant les capacités intellectuelles.

Les résultats suggèrent un rôle génétique : le lien entre les violences sexuelles et les troubles neurodéveloppementaux est fort chez les jumeaux monozygotes (note : « vrais jumeaux »), qui partagent les mêmes gènes, par rapport aux jumeaux hétérozygotes (note : « faux jumeaux ») qui ne partagent que la moitié de leurs gènes. En ce qui concerne les jumeaux monozygotes, les filles avec moins de problèmes sont tout aussi susceptibles de signaler une violence sexuelle que leur jumelle avec plus de problèmes. Ces recherches suggèrent qu’il existe des facteurs génétiques qui contribuent à leur risque de violences sexuelles, selon Pettersson.

« Peut-être que les individus qui ont des scores élevés à ce questionnaire  sont perçus comme légèrement différents par les auteurs de violences sexuelles au niveau de la personnalité ou autre chose  » dit Pettersson. « Les auteurs de violences sexuelles pourraient avoir tendance à repérer ces individus ».

Mais les jumeaux monozygotes ont aussi tendance à partager l’environnement familial, il est donc difficile d’exclure une contribution d’autres facteurs, tels que la maladie mentale chez un parent, dit Roberts.

Quoi qu’il en soit, les cliniciens doivent être particulièrement attentifs aux enfants autistes ou ayant un autre trouble, concernant les violences sexuelles, disent les experts. Les recherches ont aussi montré le besoin de sensibiliser les parents et les enfants au risque auquel ils font face.

Sources :

  •     Ohlsson Gotby V. et al. J. Child Psychol. Psychiatry Epub ahead of print (2018) PubMed
  •     Roberts A.L. et al. Child Abuse Negl. 45, 135-142 (2015) PubMed
  •     Brown-Lavoie S.M. et al. J. Autism Dev. Disord. 44, 2185-2196 (2014) PubMed

Ndlr : la terme « abus sexuel » a été remplacé en date du 23 mai 2021 tout au long de l’article pour celui de violences sexuelles sur mineurs. En effet, l’expression « abus sexuel » n’est pas dans la loi française donc difficile de le qualifier, aussi il s’agit souvent de la traduction du mot « abuse » en anglais est un faux-ami qui sous-entend la possibilité « d’abuser d’un.e enfant », donc de dépasser un certain seuil acceptable (comme l’abus d’alcool, ou de chocolat, par exemple, (un peu serait « ok, mais trop serait « pas ok » ?), or, il n’y a, dans le cas de violences sexuelles (agressions sur mineur, viols sur mineurs…), aucun seuil acceptable.

Un exemple de quelques mots à repenser pour parler des violences, car les mots ont leur importance du Collectif #NousToutes : https://www.noustoutes.org/manuel-action/mots-qui-banalisent/

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