80% des femmes en situation de handicap sont victimes de violences (FDFA). Dans le cadre de la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, nous avons réalisé cette tribune publiée sur Médiapart, en collaboration avec notre partenaire l’association En Avant Toute(s) qui fait un focus sur les femmes autistes.
À l’occasion de la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, l’Association Francophone de Femmes Autistes et En Avant Toute(s) s’allient pour appeler à une nécessaire prise de conscience.
Pour les femmes autistes, les violences sexistes et sexuelles représentent une triple peine : elles sont plus susceptibles d’en être victimes, elles peuvent moins s’en protéger, et les dispositifs d’accompagnement ne sont pas inclusifs. Il est grand temps d’en prendre conscience pour mieux les accompagner.
Les personnes autistes sont plus exposées aux violences que la population générale : cela doit cesser.
Déjà surexposées aux violences en tant que femmes, l‘autisme ajoute pour ces personnes un facteur de risque supplémentaire. Près de 90 % des femmes autistes seraient victimes de violences sexuelles. Et les plus jeunes ne sont pas épargnées : 47 % des filles autistes de moins de 14 ans auraient subi une agression sexuelle, dont 31 % avant l’âge de 9 ans1.
La surexposition des femmes autistes aux violences sexuelles s’explique par plusieurs facteurs. D’une part, leur plus grande vulnérabilité semble repérée par les prédateurs qui en tirent profit. D’autre part, elles ne parviennent pas toujours à décoder le danger. Ces femmes peuvent avoir des difficultés à identifier les comportements menaçants et à décrypter les sous-entendus et intentions malveillantes, ce qui les expose à un risque démultiplié dont les agresseurs profitent.
De plus, leur fragilité est exacerbée par une menace permanente : les femmes autistes sont particulièrement entourées du fait de leur handicap. Or, les violences sont fréquemment commises à leur domicile, par des proches ou du personnel intervenant dans les institutions.
À cela, s’ajoute un phénomène sociétal. Elles seraient éduquées à une forme de soumission. C’est d’abord le cas en tant que femmes, face aux attentes de genre. C’est aussi le cas en tant que personnes handicapées, comme objet de soins.
Plusieurs analyses2 estiment ainsi que les filles touchées par l’autisme s’efforcent de se conformer au rôle que la société exigerait d’elles. Pour conséquence, lorsqu’elles subissent des violences, elles ne réalisent pas toujours en être victimes et n’expriment pas de plaintes.
Les femmes autistes sont invisibilisées au détriment d’un accompagnement adapté : il faut agir.
Dans son rapport Violences, femmes et handicap : dénoncer l’invisible et agir3, le Sénat déplore le manque de statistiques et soulève que celui-ci constitue un obstacle à la construction d’une véritable politique publique de prévention. Nous ne pouvons qu’être d’accord avec ce triste constat : les femmes autistes sont invisibilisées au détriment de leur protection.
Le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) insistait déjà sur ce point en 2016 : « Difficilement surmontables pour les femmes valides, les obstacles propres aux parcours des victimes de violences peuvent être infranchissables pour les femmes handicapées »4. Ces obstacles se retrouvent à tous les niveaux et les femmes autistes sont de fait exclues des dispositifs. Par exemple, l’accessibilité n’est pas conçue pour elles : le bruit des locaux, la puissance de la lumière, les couleurs utilisées… Nombreux sont les stimulis susceptibles de les heurter dans les structures qui sont pourtant dédiées aux victimes. L’invisibilisation conduit à un manque de moyens, avec, pour conséquence, la raréfaction des interlocuteurs et la complexification de l’accompagnement.
L’existence d’outils à l’écrit, tels que le tchat Commentonsaime.fr, permet de pallier les difficultés à oraliser, notamment par téléphone (qui n’offre aucun indice visuel). Mais d’autres dispositifs doivent voir le jour.
Surexposition aux violences et sous-exposition aux dispositifs : il est grand temps de prendre conscience de la situation et de rendre la lutte contre les violences sexuelles inclusive.
Louise Delavier, porte-parole d’En avant toute(s)
Marie Rabatel, Présidente de l’Association Francophone des Femmes Autistes
1. Étude réalisée dans le cadre du Congrès de l’encéphale, par l’Association francophone de femmes autistes avec la Fondation Pierre Deniker – Recherche et Prévention sur la vulnérabilité des femmes autistes, auprès de 228 femmes autistes.
2. Par exemple, Lawson, Goldman, et Bargiela.
3. Rapport d’information n° 14 (2019-2020) de M. Roland COURTEAU, Mmes Chantal DESEYNE, Françoise LABORDE et Dominique VÉRIEN, fait au nom de la délégation aux droits des femmes, déposé le 3 octobre 2019.
4. Haut conseil à l’égalité : Rapport final d’évaluation du 4e plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, 22 novembre 2016.
À propos d’En avant toute(s)
En avant toute(s) est une association fondée en 2013, qui lutte pour l’égalité des genres et la fin des violences faites aux femmes. Elle agit principalement sur deux volets : l’accompagnement des femmes et personnes LGBTQIA+ victimes de violences, notamment au sein du couple et de la famille, à travers le premier tchat de France disponible sur le site www.commentonsaime.fr ; la prévention des violences sexistes à travers des ateliers de sensibilisation, de prévention et de formation, à destination des publics jeunesse et des professionnels.
Bonjour et merci pour les personnes fragiles voire différentes qui ont été d’autant plus des proies pour les prédateurs sexuels.