Comme le souligne la Chouette dans son article « Autiste et sportive », il n’existe que peu d’archives relatant la relation des personnes autistes au sport.
Voici donc une synthèse d’un article proposé sur le blog « l’antre de la chouette » dans lequel la narratrice témoigne de son autisme et de sa passion pour le sport et plus précisément les arts martiaux.
« Je suis une Asperger, c’est-à-dire une autiste sans retard de développement intellectuel et verbal. Et j’adore les arts martiaux. Après six ans de taekwondo, je débute cette année le karaté, dans l’optique de perfectionner mes acquis tout en apprenant de nouvelles choses. « Autiste » et « sportive » sont deux facettes importantes de ma personnalité, or malheureusement, leur cohabitation n’est pas de tout repos. »
La Chouette : mon handicap, c’est quoi !
La chouette est autiste sans retard de développement intellectuel et langagier.
Elle témoigne ici de ses propres particularités puisque, malgré des caractéristiques communes à tous les autistes sous forme de dyade autistique, il existe des différences dans l’expression même de l’autisme qui sont propres à chaque individu, d’où le terme de spectre autistique.
« Par exemple, je suis submergée très rapidement par les stimuli sensoriels. Je sursaute pour un rien et je dois me boucher les oreilles quand une ambulance passe non loin ou qu’un chien aboie. J’ai des difficultés à traduire les expressions faciales subtiles et le langage non-verbal, ainsi qu’à capter les implicites sociaux : même si j’apprends au fil du temps, j’ai besoin qu’on soit explicite avec moi, autrement j’ai de fortes chance de ne pas saisir ce qu’on attend de moi. Mes émotions sont exacerbées et peuvent changer brutalement, pour des raisons en apparence infimes. Je canalise mon stress avec des TOCs, comme aligner des objets, agiter les mains ou faire des allers-retours dans un couloir. »
Les efforts d’adaptation au monde, la gestion des stimuli extérieurs, des ressentis, des émotions… sont propices à un état de surcharge interne énergivore pouvant amener la personne autiste jusqu’au shutdown, voire au meltdown. En lien, l’article du blog de Joy de Ménilmontant, membre de l’AFFA.
« Ce n’est pas tant une question de capacité mais d’énergie. Mes stratégies d’adaptation et ma volonté peuvent m’emmener loin, mais comme n’importe quel être humain, quand je suis trop crevée, ça ne marche plus! »
« « Un coup de barre » pour certains, ce sera pour moi un « effondrement autistique », c’est-à-dire une crise permettant à mon cerveau surchargé de se rebooster. Chez moi, elles se manifestent par un épisode d’hyperventilation assez spectaculaire. »
Focus sur la théorie des cuillères de Christine MISERANDINO :
Quelques stratégies d’adaptation utilisées par la Chouette au regard de ses propres difficultés :
« Afin d’éviter ce genre d’incident, je dois faire très attention à la gestion de mon énergie, en déployant diverses astuces : enfiler un casque anti-bruit dans les transports ou au bureau, m’isoler dans un lieu calme dès que possible, espacer mes sorties, réduire mon cercle social, etc. Après une journée chargée en interactions, je m’enferme souvent seule dans une pièce avec une couverture sur la tête pour me couper de toute stimulation. »
Être autiste et sportive
La Chouette résume parfaitement bien le rapport que beaucoup de personnes autistes ont avec le sport dès le plus jeune âge, conséquence de troubles psychomoteurs présents à divers degrés.
« Vous savez, dans toutes les classes, il y a cet élève absolument nul en sport. Celui qui tombe sur la piste de course, qui se retrouve avec le volant dans les cheveux et tourne sur lui-même en s’exclamant « Il est passé où ? », trébuche sur les plots, marque contre son camp, ne sait rien faire sur un tapis de gym à part un saut extension et une chandelle dégueulasse… Celui qui se prend tous les ballons possible en pleine tronche, comme si sa présence altérait les lois de la physique. Celui qui est toujours choisi en dernier parce que PERSONNE ne le veut dans son équipe, jamais. Bah… c’était moi. »
La personne autiste vit son corps différemment de la « norme » avec des particularités sensorielles très souvent présentes, entrainant un décalage avec les autres, un handicap.
« Quelqu’un montre les mouvements, les autres élèves du cours parviennent relativement à suivre, et moi, je suis plantée au milieu, perdue, confuse… La panique m’envahit. J’y réponds en général par la fuite. Je m’écarte de cette masse mouvante, odieusement rapide, qui traîne mon ego par terre à chaque déplacement. »
Principales difficultés au niveau :
- du schéma corporel (= représentation que chacun se fait de son corps et qui lui sert de repère dans l’espace) ;
- du tonus et de la posture ;
- de l’initiative motrice (difficulté pour un sujet d’accomplir une action de lui-même indépendamment de toute proposition ou de tout ordre venant d’autrui) ;
- de la communication non-verbale et du contact, de l’imitation ;
- de l’intégration sensorielle (gestion, intégration des stimulations sensorielles : auditives, tactiles…) ;
- de la structuration spatio-temporelle (= espace et temps) ;
- des praxies manuelles (motricité fine, coordination) , idéatoires, constructives ;
- du graphisme.
Le diagnostic peut permettre à la personne autiste l’accès à la compréhension de soi, c’est le cas pour la Chouette qui a pu trouver des réponses à son mode de fonctionnement.
« Grâce à mon diagnostic de syndrome d’Asperger, je commence à comprendre l’origine de ces bugs dans mon esprit. »
Le sport « avec » l’autisme et non « malgré » l’autisme
L’autisme est une part de soi, la chouette a su utiliser au mieux ses propres caractéristiques autistiques pour les mettre à profit dans son sport. Elle a fait de ses « faiblesses » une force :
« Chaque défaut est le revers d’une qualité : mon objectif est de trouver la force derrière chacune de mes faiblesses. Je suis un être de routine, qu’à cela ne tienne : j’ai utilisé ce trait pour anéantir un blocage persistant. »
Le sport en lui même n’a rien d’incompatible avec le fait d’être autiste, il est une source d’apprentissage, de mieux être… Chacun peut trouver le sport qui lui correspond le mieux et de manière adaptée à ses difficultés.
« les arts martiaux ont beaucoup de caractéristiques susceptibles de plaire à un autiste. Avant tout, ils sont très codifiés. Quand le cerveau est submergé d’informations en permanence, avoir un cadre précis auquel se raccrocher constitue une aide énorme. (Voilà pourquoi autant d’autistes persistent dans des routines, posent mille questions et réclament des procédures pour tout…) Dans mon club de karaté, la séance commence et termine toujours par un petit cérémonial, et l’échauffement reprend chaque fois les mêmes séries d’exercices. Quand je suis dans ma routine, le flot de ma pensée a trouvé sa digue. Je sais que rien ne va me surprendre, ni m’interrompre : je me calme. »
Merci à la Chouette pour le partage de ce témoignage!
http://antredelachouette.blogspot.com/2018/10/temoignage-autiste-et-sportive.html?view=magazine
Rédaction par Nathalie Saillard-Pichon, membre de l’AFFA – 12/01/19