Pourquoi les TSA sont-ils plus fréquents chez les garçons ?


Genetic Engineering & Biotechnology News, 17 octobre 2017

Traduction : Nicole Dupont pour l’AFFA

Article original « Autism Bias toward Males Explained through Signaling Pathway »

Les chercheurs s’interrogent depuis plusieurs années sur les raisons pour lesquelles la proportion de personnes ayant des troubles du spectre autistique (TSA) est plus élevée chez les hommes que chez les femmes. Cette disproportion est aussi observée pour d’autres troubles neurodéveloppementaux tels que le trouble déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) ainsi que des troubles spécifiques du langage. Une nouvelle étude a été menée récemment par des chercheurs de la faculté de Médecine Carver de l’Université de l’Iowa et de l’Université de Pennsylvanie afin de tenter de comprendre pourquoi les TSA sont plus fréquents chez les garçons. Elle a relevé des différences dans une voie de signalisation cérébrale impliquée dans l’apprentissage de la récompense et la motivation, différences qui rendent les souris mâles plus vulnérables à une anomalie génétique susceptible de causer l’autisme.

Dans près de un cas sur 200, l’autisme est causé par la délétion d’une section d’ADN sur le chromosome 16, un défaut moléculaire aussi connu sous le nom de variation du nombre de copies (VNC). Cette étude ainsi que d’autres études sur les TSA ont utilisé des souris auxquelles la même section d’ADN fait défaut. Les chercheurs ont étudié chez ces souris les anomalies de comportement dans l’apprentissage de la récompense, à savoir la capacité d’associer des actes à la récompense que l’on peut en attendre. Ce type d’apprentissage se fait grâce à une partie du cerveau appelée le striatum et il est perturbé chez les personnes avec autisme ou ayant d’autres troubles neurodéveloppementaux.

Les conclusions de la nouvelle étude publiée dans un article de Molecular Psychiatry intitulé « Male-Specific Deficits in Natural Reward Learning in a Mouse Model of Neurodevelopmental Disorders » montrent que seules les souris mâles avec une délétion génétique associée à l’autisme présentent un comportement anormal dans l’apprentissage de la récompense.

« Un aspect intrigant de l’autisme est qu’il touche davantage les personnes de sexe masculin, on compte quatre garçons pour une fille », explique le Dr Ted Abel, directeur de recherche et directeur de l’Institut des Neurosciences de l’Iowa à la Faculté de Médecine Carver de l’Université de l’Iowa. « Nous ne comprenons pas ce qui prédispose plus de garçons que de filles à développer un autisme ».

Il est à noter que les souris femelles avec la même délétion génétique ne sont pas affectées. De plus, ces différences de comportement spécifiques au sexe vont de pair avec des différences selon le sexe dans les voies de signalisation moléculaire au niveau de la région cérébrale du striatum.

« Des problèmes dans l’apprentissage de la récompense pourraient expliquer pourquoi des personnes autistes n’interagissent pas socialement – parce qu’elles ne trouvent pas cela aussi gratifiant », explique le Dr Abel. « Cela pourrait expliquer pourquoi les personnes autistes ont des intérêts limités – parce qu’elles ne trouvent gratifiantes que certaines choses bien précises – et cela pourrait expliquer les différences dans l’acquisition du langage – parce que les circuits neuronaux impliqués dans l’apprentissage de la récompense sont les mêmes que ceux intervenant dans l’apprentissage et la production du langage. »

L’un des gènes contenus dans la section manquante d’ADN est une importante protéine de signalisation appelée ERK1 ou kinase 1 régulée par un signal extracellulaire. L’activité de cette protéine affecte le fonctionnement du striatum, partie du cerveau impliquée dans l’apprentissage de la récompense et la motivation. Dans cette étude, les chercheurs ont trouvé que les souris mâles porteuses de cette délétion génétique présentaient une activation accrue de l’ERK1 dans le striatum associée à une réduction de la quantité d’une autre protéine réduisant l’activité de l’ERK1. Par contre, les souris femelles porteuses de la même délétion génétique ne présentent pas d’hyperactivation de l’ERK1 et leur niveau d’ERK1 est plus élevé que celui des mâles. Du fait de toutes ces différences moléculaires, la signalisation ERK1 est particulièrement sensible aux perturbations chez la souris mâle.

« Il s’agit de l’une des premières preuves documentées chez un modèle murin d’autisme d’un ‘effet féminin protecteur’ tant au niveau comportemental qu’au niveau moléculaire », note le Dr Nicola Grissom, maître de recherche, professeure adjointe de psychologie à l’Université du Minnesota. « Ces conclusions apportent un nouvel éclairage sur la science des troubles neurodéveloppementaux, dont bon nombre sont plus courants chez les garçons. Cependant, elles abordent aussi la manière dont le sexe et le genre agissent sur la neurobiologie et sur la façon dont nous apprenons et dont nous nous comportons, ce qui peut aussi influer sur les niveaux de risques, différents entre hommes et femmes, de développer de nombreuses autres affections neuropsychiatriques. »

Les chercheurs ont également trouvé que les souris mâles porteuses de l’altération génétique liée à l’autisme avaient accru l’expression d’un récepteur de la dopamine, le récepteur D2. Le niveau d’expression de D2 n’a en revanche pas augmenté chez les souris femelles porteuses de la même altération. Les auteurs ont noté que le risperidone, l’un des rares médicaments approuvés par la FDA (Food and Drug Administration, administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments) pour traiter les symptômes des TSA, cible les récepteurs dopaminergiques D2.

Tous ces résultats font partie d’une étude plus large dans le cadre de laquelle le Dr Abel et ses collègues observent différents modèles murins d’autisme dont différents gènes liés à l’autisme ont été modifiés. Les chercheurs s’efforcent de trouver des points communs entre les différents modèles. L’un des thèmes émergents, soutenu par cette nouvelle étude, est qu’un déficit dans l’apprentissage de la récompense pourrait être un trait commun des TSA et que les garçons sont particulièrement déficients en la matière.

« Nous pensons que nous sommes sur la bonne voie », affirme le Dr Abel. « Nous avons commencé à identifier ce qui pourrait être une des raisons pour lesquelles les troubles neurodéveloppementaux tpuchant davantage les garçons, et cela porte sur le fonctionnement du striatum et l’apprentissage de la récompense. Cela a des implications sur la manière dont nous considérons les différences comportementales en autisme et sur la manière dont nous élaborons des thérapies comportementales ou pharmacologiques afin d’améliorer la vie des personnes autistes.

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Commentaire sur “Pourquoi les TSA sont-ils plus fréquents chez les garçons ?

  • Mouriesse

    Les filles sont aussi sous-diagnostiquées, cela ne veut pas dire qu’elles n’ont pas des difficultés. Que les traits soient plus marqués, plus visibles ne signifie pas que les filles ne souffrent pas de leur différence et que leur autisme n’existe pas.
    Au lieu de chercher pourquoi l’autisme est plus fréquent chez les garçons (postulat biaisé) il serait plus judicieux de se poser la question de l’autisme au féminin qui souffre surtout d’indifférence. A force de prétendre que l’autisme touche les garçons, on ne voit qu’eux. Une étude plus fine sur des humains mettrait en évidence les difficultés des filles. On n’est pas des souris.