Nathalie, personne avec autisme, assistante administrative dans une collectivité territoriale


 

 

Nathalie, membre de l’association, témoigne de son parcours scolaire et professionnel, perturbé par une incessante recherche  sur la cause de ses difficultés… Nathalie finit par trouver un emploi lui convenant, grâce à un environnement compréhensif et quelques aménagements

Parcours scolaire : incompréhension, déception et échec

Je suis sortie du système scolaire au milieu des années 80 avec un CAP de secrétaire. Je ressentais une profonde différence entre mes capacités réelles et ce diplôme.

À mon entrée en école primaire, je savais lire et compter, alors je passais mon temps à lire les livres disponibles dans la classe. À l’époque, on s’assoyait et on ne parlait pas. Aux récréations, j’avais une copine et cela me suffisait.

Ensuite, au collège, j’ai eu l’impression de courir tous les jours à changer de classe, de professeurs, de matière à chaque heure. Ce que disaient les professeurs finissait par se brouiller dans ma tête avec les bruits des élèves (tapotements des mains, des pieds, bruits des stylos…). La lumière des néons me faisait mal aux yeux.

J’ai redoublé puis mes parents ont déménagé. Nouveau collège, avec des difficultés en plus, il fallait que je prenne le bus et que je  mange à la cantine. Le bus était bruyant et il fallait attendre dans le brouhaha pendant une demie-heure pour entrer dans la cantine. Je mangeais rapidement puis je me sauvais au calme dans la bibliothèque si elle était ouverte, sinon je m’isolais dans les couloirs.

J’avais décidé que je travaillerais en bibliothèque, je redoublais d’efforts pour avoir des notes convenables mais j’étais exténuée tous les jours. Je ne pouvais en parler à personne. J’étais convaincue d’être trop paresseuse, pas assez courageuse. Il m’était interdit d’accueillir des amis ou d’aller à l’extérieur. Je pensais donc que la différence que je ressentais vis à vis des autres au collège provenait de cette interdiction.

À la fin du collège, mes notes étaient trop basses, le redoublement n’a pas été évoqué, j’ai été dirigé vers un lycée professionnel pour passer un BEP de secrétaire.

J’ai encore tenté de faire de mon mieux (ce que personne ne croyait) et je n’ai obtenu qu’un CAP.

Vie professionnelle :  longue période chaotique avec un début de réparation du parcours scolaire

Mes parents étaient clients d’un notaire, ils lui ont demandé de me prendre en stage d’insertion. Pendant 6 mois, je me suis appliquée à faire des photocopies. Je ne parlais pas, je partais manger un sandwich dans un café calme tous les midis. Le dernier jour du contrat, j’ai dit « Au revoir » et je suis partie. Je reste persuadée que le notaire a dû croire que j’avais un retard mental.

Ensuite, j’ai continué pendant 15 ans à alterner les contrats aidés de l’Etat à mi-temps (de 6 mois à  1 an), les formations  et les périodes de chômage (également de 6 mois à 1 an).

Je pensais que j’apprendrais à côtoyer les autres au travail, que j’apprendrais à vivre en société et qu’avec le temps je serais « comme tout le monde ».

J’ai tenté de travailler dans divers univers dans l’espoir que dans l’un d’eux cela irait mieux. J’avais bien appris dans les livres les techniques de recrutement, les diverses questions et réponses lors des entretiens d’embauche. J’ai travaillé en école maternelle, en cuisine, en comptabilité, en bibliothèque en documentation, en peinture, en menuiserie, en vente… et j’ai constaté que j’avais toujours les mêmes difficultés, la même fatigue et que je « tenais » mieux dans le travail de bureau.

Vers la fin des années 90, j’ai obtenu le Diplôme d’Accès aux Études Universitaire (équivalent au Baccalauréat). J’ai suivi une formation à distance en percevant des allocations, j’ai donc pu travailler au calme chez moi et les épreuves étaient écrites.

Ensuite, toujours à la recherche de ce qui n’allait pas chez moi pour la communication avec les autres, j’ai été acceptée pour une formation rémunérée au Diplôme Universitaire Technologique d’information-communication. J’ai  « tenu » la première année, je suis passée en seconde année mais après j’étais trop épuisée, le rythme de travail devait être rapide, je n’ai pas eu le niveau suffisant pour obtenir mon diplôme.

Le diagnostic,  perspective d’amélioration sur le plan professionnel

Dans les années 2000, après plusieurs remplacements dans une collectivité, j’ai été embauchée sans faire de demande.

Mais je me sentais de plus en plus fatiguée sans en comprendre les raisons, ne sachant que faire, j’ai demandé à changer de service après un arrêt maladie de quelques mois. La fatigue a continué à s’accumuler jusqu’au jour où j’ai été incapable de me lever pour aller au travail.

Au bout d’un mois, je suis allée voir un psychiatre qui m’a dit  « Vous savez ce qu’est le syndrome d’asperger ? » Non, je ne savais pas. J’avais lu plein de livres mais il ne me serait jamais venu à l’esprit de consulter ceux sur les troubles autistiques.

Ce psychiatre m’a finalement diagnostiqué après une évaluation diagnostique.

J’ai dormi quasiment toutes mes journées pendant près d’un an. J’avais besoin de silence, de calme, de tranquillité.

J’ai repris le travail à temps partiel (j’ai la RQTH), avec comme aménagement une restriction concernant l’accueil du public (je ne fais pas d’accueil du public).Mes horaires sont réparties le mieux possible. J’ai la chance d’être dans un service où l’on ne se regroupe pas pour les pauses café.Quelques collègues savent que j’ai le syndrome d’Asperger, et depuis elles sont plus compréhensives. 

J’ai appris et je continue d’apprendre comment je fonctionne et comment fonctionnent les gens « normaux » comme si j’apprenais une langue étrangère pour mieux interagir et communiquer avec eux. Je suis toujours très fatiguée de mes journées de travail mais j’essaie d’organiser ma vie pour ne plus dépasser mes limites.”
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