Grâce au travail de 3 étudiantes en Master 2 Traduction et Interprétation qui ont proposé leurs services bénévoles à l’AFFA fin 2022, nous pouvons vous proposer ces 2 traductions d’articles qui abordent le sujet de l’allaitement chez les mères autistes.
Un grand merci à Marine R., Dounia L. et Aurianne D. pour l’excellent travail fourniVous trouverez 2 articles à la suite traduits entièrement dont :
- « Autistic mothers need better support to reach breastfeeding goals, research suggests » (« Selon une étude, les mères autistes ont besoin d’un meilleur accompagnement à l’allaitement ») paru sur www.learningdisabilitytoday.co.uk, rédigé par
- « Breast feeding is hard for autistic mums and here’s why » (« Pourquoi l’allaitement est-il difficile pour les mères autistes ? » sous forme de témoignage) paru sur www.walesonline.co.uk, rédigé par Will Hayward
Selon une étude, les mères autistes ont besoin d’un meilleur accompagnement à l’allaitement
Selon une nouvelle étude, les services relatifs à l’alimentation infantile devraient mettre en place de toute urgence des mesures d’accessibilité pour aider les femmes autistes à réussir leur allaitement.
Cette étude, publiée dans Autism, se base sur les témoignages de plus de 300 mères autistes ne se sentant pas assez épaulées lorsqu’elles rencontrent des difficultés pendant l’allaitement.
L’étude contient huit articles et identifie les multiples obstacles rencontrés pendant l’allaitement, notamment le traitement sensoriel, la douleur, la discrimination, le manque de compréhension de la part des proches et des professionnels de santé et le manque d’accessibilité dans les services relatifs à l’alimentation infantile.
Les problèmes sensoriels rendent l’allaitement difficile pour les femmes autistes
Malgré leurs connaissances du sujet et leur détermination à allaiter, beaucoup de femmes autistes affirment avoir rencontré des difficultés lorsqu’il a fallu passer de la théorie à la pratique.
Si un petit nombre d’entre elles voit l’allaitement comme une expérience positive, ce n’est pas le cas de la majorité. Des problèmes comme la douleur (pouvant être liée à la prise du sein ou à la morsure du bébé), l’hypersensibilité au toucher et des expériences sensorielles désagréables ont été signalés.
Ces différences intéroceptives peuvent provenir du fait que les femmes neurotypiques et les femmes autistes ne ressentent pas la douleur ou l’engorgement de la même manière.
Les mères autistes ne se sentent pas soutenues par les professionnels de santé
Bien que quelques études aient démontré le soutien de certains cliniciens envers les femmes autistes, la majorité d’entre eux ne comprennent pas ce qu’elles vivent au quotidien. Ils n’ont pas conscience des différences sensorielles et des différences de ressenti et d’expression de la douleur, ni des difficultés communicationnelles auxquelles elles font face.
Les retours sur les services de maternité étaient alors presque tous négatifs : les participantes se sentaient, pour la majorité, jugées et ignorées.
Beaucoup d’entre elles ont aussi déclaré avoir été touchées sans leur consentement et abordées comme une femme neurotypique, ce qui a pu entraîner des malentendus.
Ces expériences ont un effet négatif sur les mères autistes. Certaines se sont senties jugées, réticentes à révéler leur diagnostic ; d’autres avaient peur que leur bébé soit emmené par les services sociaux ; et la plupart ont dû camoufler leur autisme.
« Les services de santé doivent être mieux informés et organisés pour accueillir les mères autistes »
Au vu de ces témoignages, les auteurs de l’étude réclament un meilleur accompagnement des mères autistes, en particulier venant des professionnels de santé, ceux vers qui elles se tournent pour recevoir du soutien et des conseils.
Ils écrivent : « Les services de santé doivent être mieux informés et organisés pour accueillir les mères autistes, et les professionnels de santé doivent être en mesure de comprendre les différences entre les femmes autistes et les femmes neurotypiques, telles que les difficultés de traitement sensoriel, les différences d’expression de la douleur et les différences communicationnelles. »
Les chercheurs suggèrent les améliorations suivantes :
- La communication doit être claire, directe, spécifique, et suivie d’informations écrites.
- Les mères ne doivent pas être touchées sans leur consentement.
- Le personnel doit bénéficier d’une formation sur l’autisme, axée plus particulièrement sur l’alimentation infantile.
- Les mères autistes devraient bénéficier de soignants attitrés pour éviter de se répéter auprès d’autres membres du corps médical.
- Des conseils sur la communication et les besoins sensoriels doivent être inclus dans les maternités et dans les dossiers médicaux des enfants pour toutes les mères.
Ils ajoutent que ces améliorations, même si elles concernent les femmes autistes, peuvent contribuer de manière plus générale à rendre les services de maternité et d’alimentation infantile plus accessibles à toutes et à tous.
« C’est très important, compte tenu du nombre de femmes non diagnostiquées au moment de l’accouchement, de la stigmatisation et de la peur associées à la divulgation du diagnostic, poussant les femmes à le cacher aux professionnels de santé, et du manque de circulation de l’information entre les départements de la part des prestataires de soins. »
Ils suggèrent donc une amélioration générale plutôt que la création de services sur mesure distincts.
« Pourquoi l’allaitement est-il difficile pour les mères autistes ? »
Les femmes autistes ont besoin d’un meilleur accompagnement, surtout en ce qui concerne les soins pré- et postnataux.
Les nouveaux parents se rappellent toujours du moment où ils quittent l’hôpital, rentrent à la maison et réalisent subitement qu’ils sont seuls avec leur bébé, cette révélation soudaine qui leur fait se demander : « Maintenant, on fait quoi ? » Mais ces sentiments de confusion, d’isolation et parfois d’angoisse sont encore plus vifs chez les mères autistes alors qu’elles doivent affronter leur nouvelle vie.
Kathryn Williams se souvient même avoir trouvé la configuration du service de maternité angoissante. Puis quand elle a eu son premier enfant, sa mauvaise coordination a rendu les tâches qui incombent aux nouveaux parents (le changement de couche et l’allaitement) particulièrement difficiles.
« J’avais une très mauvaise coordination après avoir accouché. Toutes les choses qu’implique un nouveau-né peuvent être beaucoup plus difficiles pour une femme autiste que pour un nouveau parent ordinaire, je pense. Je trouvais même que changer les couches était difficile. »
L’allaitement aussi était compliqué. Elle éprouvait également des difficultés lorsque les sages-femmes ou les auxiliaires de puériculture lui décrivaient les différentes positions d’allaitement. « Je n’arrivais pas à me positionner comme on me le décrivait, et quand je disais ne pas pouvoir le faire, on me répondait que si. Mais je savais que je ferais tomber mon bébé. »
Ayant souvent lieu en groupe, les ateliers mamans-bébés peuvent représenter un défi pour les mères autistes, tout comme l’évolution de leur corps.
« Par exemple, on peut se rendre compte qu’on doit aller aux toilettes seulement à la dernière minute, explique Kathryn, les gens disent qu’on doit tout de même le sentir un peu, mais non, pas du tout. Je pense que le fait de ne pas être crue est donc un gros problème. Je suis quelqu’un d’incontestablement têtu et j’aime vraiment beaucoup prouver aux gens qu’ils ont tort, mais l’allaitement était un domaine dans lequel je ne pouvais pas faire ça. Je pense que la frustration de ne pas être crue est un grand déclencheur pour moi et pour beaucoup de personnes. Ça l’est pour la communauté autiste, particulièrement parce qu’on nous dit souvent que ce que l’on vit n’est pas possible. »
Kathryn, maintenant âgée de 36 ans, a découvert qu’elle était autiste seulement après avoir eu deux enfants. Elle étudie à l’Université de Cardiff et fait à présent partie du conseil d’administration d’Autistic UK, un groupe de défenses dirigé par des personnes autistes. Une recherche menée par l’Université de Swansea et Autistic UK, en collaboration avec l’Université du Kent, a montré que l’accompagnement à l’allaitement dont bénéficiaient les femmes autistes de la part des sages-femmes et des auxiliaires de puériculture ne répondait pas souvent à leurs besoins.
Au Royaume-Uni, l’autisme touche environ 1 personne sur 100. Puisqu’il s’agit d’un spectre, les besoins des personnes autistes sont variés et souvent complexes. Certaines personnes ont également un trouble d’apprentissage qui requiert une aide 24 heures sur 24, d’autres ont seulement besoin d’une communication claire et de petits ajustements à l’école ou au travail.
L’intéroception est l’un des défis principaux que la recherche a révélés être propres aux femmes autistes.
La Dr Aimee Grant du Centre for Lactation, Infant Feeding and Translational Research de l’Université de Swansea explique : « Chaque personne présente un certain niveau d’intéroception, qui correspond à la perception des sensations intérieures du corps. Si une personne ordinaire sent qu’elle doit aller aux toilettes une bonne demi-heure avant d’en avoir désespérément besoin, ce n’est pas le cas de certaines personnes autistes. Ces dernières ne savent qu’à la dernière minute qu’elles doivent aller aux toilettes, qu’elles sont affamées, ont faim, ou ont beaucoup trop chaud. »
« Ce genre de chose s’applique également à l’allaitement. Ainsi, une femme lambda sent quand son lait s’écoule, la sensation n’est pas très intense, mais elle le sent. En revanche, certaines personnes autistes n’ont pas conscience de l’écoulement de leur lait, tandis que d’autres le ressentent si intensément que c’en est désagréable. »
La Dr Grant ajoute : « L’environnement sensoriel, perçu assez intensément la plupart du temps, est un autre aspect majeur. La sensation du peau à peau, de la chaleur, des tortillements et de toutes ces choses que font les bébés peut être gênante. »
L’autisme varie selon les personnes, par conséquent l’accompagnement doit être adapté de sorte qu’une mère n’ait pas à répéter ce dont elle a besoin dès qu’elle a affaire à un nouveau professionnel de santé. Pour Kathryn, il y a une grande leçon à retenir : « Croyez les femmes quand elles vous disent quelque chose, car [en allaitant], je répétais que je ne pouvais pas le faire, que j’allais faire tomber le bébé, et on me répondait : “Faites plus d’efforts” ».
Dr Grant affirme : « On s’accorde largement à dire que l’accompagnement à l’allaitement de la NHS est terriblement inadapté. À cause d’un sous-financement sévère et d’une pénurie de plus de 10 000 sages-femmes, il est impossible pour la plupart des mères de recevoir l’aide dont elles ont besoin pour l’allaitement. Nous savons qu’au Royaume-Uni les mères les plus jeunes issues de milieux précaires ont tendance à moins allaiter, mais les facteurs comme la neuro-divergence sont moins reconnus. Cette analyse a révélé qu’il était urgent que les services relatifs à la maternité et à l’alimentation infantile s’adaptent aux besoins des mères autistes. »
L’analyse se conclut avec des recommandations essentielles, à l’intention des professionnels de santé, qui préconisent notamment de communiquer clairement et de fournir ensuite des informations écrites, de ne pas toucher les mères et de former le personnel à l’autisme. Les mères ayant reçu un diagnostic d’autisme devraient avoir un seul professionnel de santé attitré (« continuité des soins ») dans le cadre de l’accompagnement relatif à la maternité et à l’alimentation infantile afin qu’elles n’aient pas à rappeler leurs besoins à d’autres membres du personnel.
Vous pouvez trouver plus d’informations sur Autistic UK. Vous pouvez également rejoindre le groupe Facebook Autistic Breastfeeding, Chestfeeding, and Bodyfeeding Parents si vous avez besoin de soutien. (note : ces sites sont en anglais).
Un porte-parole du gouvernement gallois a déclaré : « L’accompagnement à l’allaitement continue d’être une priorité dans le soutien fourni aux familles par les sages-femmes et pendant les visites médicales. Les conseils de santé devraient considérer la situation de chaque individu quand ils offrent un accompagnement. Par notre plan d’allaitement, nous exposons les façons dont nous allons aider les personnes à initier et à maintenir l’allaitement lorsque celui-ci a été choisi. »
Note de l’AFFA : en cliquant ici, vous trouverez une boîte à outils de prévention des violences spécifique à la vie intime affective et sexuelle avec des outils gratuits et téléchargeables pour les personnes concernées et les professionnelles de santé qui les accompagnent (consentement, gynéco, manipulation…). N’hésitez pas à vous en emparer !
Exact , j’ai su que j’étais autiste 15 ans après mon dernier enfant. Et j’ai galéré lors de tous mes allaitements. A en pleurer ! Aujourd’hui je suis auxiliaire de puériculture et je propose des accompagnements à la parentalité, dont l’allaitement pour les mères autistes entre autres !
On n’est pas encore assez de professionnels mais restons confiants cela va venir !
Merci pour cet article !
Nelly Hourcade
L’allaitement en France est un vaste sujet, autant que celui de l’autisme. Pour celles qui cherchent du soutien, il existe l’association La Leche League France, hautement compétente. Parmi les animatrices de l’association, plusieurs sont autistes et/ou sensibilisées au sujet. En vous orientant vers ces femmes, vous trouverez ce que vous cherchez.
Bonjour, merci pour votre message et ravie de savoir que vous avez trouvé du soutien 🙂
Nous tenons tout de même à rappeler l’origine de l’association LLL afin que les personnes fasse un choix en toute connaissance de cause et puissent être vigilante à toute forme de radicalisme/idéologie qu’il peut y avoir dans le milieu de l’allaitement (ce qui n’est pas forcément systématique bien entendu).
Selon un article de Libération de 1er mars 2010 (un peu ancien) qui titre « La Leche League : au nom du lait maternel », l’asso a été créée « aux Etats-Unis, en 1956, par des mères au foyer catholiques », le mouvement s’est radicalisé et aujourd’hui il « est soutenu par l’OMS et l’Unicef ».
Pour poser vos questions en ligne (sur l’allaitement ou toute autre chose concernant la santé sexuelle, la parentalité ou les violences), il existe le tchat du Planning familial ou bien le numéro d’appel gratuit disponibles sur ce site internet : https://ivg-contraception-sexualites.org/. Cordialement, l’équipe AFFA