Violences sexuelles et handicap : la société a-t-elle les yeux bandés ? (Tribune)


Tribune de Marie Rabatel
« Violences sexuelles et handicap : la société a-t-elle les yeux bandés ? »
La société a-t-elle envie de voir ce qui se passe derrière les murs d’une institution ou à domicile, dès qu’une personne handicapée est confrontée aux violences sexuelles ?


Violences sexuelles et handicap – Se cacher les yeux pour ne pas voir

Les violences sexuelles sur les personnes en situation de handicap ne datent pas d’aujourd’hui. Elles sont décrites dans le rapport de la commission d’enquête du Sénat de 2002 « Maltraitance envers les personnes handicapées : briser la loi du silence ».

Des associations alertent de longue date sur la double peine des femmes handicapées face aux violences sexistes et sexuelles, mais le néant de réaction sociétale est à déplorer.
Malgré ceux et celles qui ont tenté de nous dissuader de nous investir dans cette cause, nous ramons sans relâche pour que les bandeaux tombent.


Au début de ce quinquennat, avec le député Adrien Taquet, deux de nos amendements écrits à quatre mains pour protéger davantage les enfants et adultes handicapés en institution, ont été adoptés de façon transpartisane.
Puis, la délégation aux droits des femmes du Sénat présidée par Annick Billon a poursuivi avec la rédaction du rapport « Dénoncer et Agir – Les femmes en situation de handicap victimes de violences ».
Dans le milieu du sport, Roxana Maracineanu, Ministre chargée des sports, a pris en compte la spécificité du handicap dès la mise en oeuvre de la stratégie « Sport Responsable » destinée à lutter contre les violences sexuelles dans le sport.

Paradoxalement, à cette même époque, nous avions pu remarquer un manque de prise de conscience sur ce sujet par Sophie Cluzel, Secrétaire du handicap. Les choses, depuis, semblent changer progressivement. Cette position de départ de Mme Cluzel n’est malheureusement pas un cas isolé.

Membre de la CIIVISE (Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants), j’ai pu observer qu’en ses débuts, cette commission avait le plus grand mal à se débander les yeux. Mais à force de martèlement, a émergé un début de prise de conscience de l’importance des violences sexuelles subies par les enfants handicapés, mais encore loin de l’ampleur du problème de fond tel que la violence sexuelle en institution. Une prise de conscience timide puisque le site et les appels à témoignage ne sont pas accessibles pour tous. La sera-t-elle un jour ?


Aujourd’hui, je constate que cette dynamique semble être  enclenchée : par exemple, lors du Grenelle des violences conjugales, nos travaux pilotés par le CIH et en collaboration avec la DGCS, ont permis la mise en place d’une circulaire à destination des ESMS, des centres ressources régionaux à la vie intime, affective et santé sexuelle, des formations pour police et gendarmerie, etc. mais aussi, des modules auto-formatifs, des fiches Handiconnect, des outils créés par la Miprof.


Mais nous sommes encore confrontés à la caporalisation du monde associatif qui est un facteur important du maintien de l’omerta.

  • Un travail est à mener en ce qui concerne la déclaration de conflits d’intérêt et la protection des lanceurs d’alerte. Décoincer la parole institutionnelle est primordiale.
Aussi, comme nous l’avons rappelé lors de nos réflexions dans la préparation de la loi dite « Billon », l’état de vulnérabilité n’a pas d’âge et doit être un élément constitutif, et non une circonstance aggravante, de l’infraction d’agression sexuelle et de viol.

  • L’abus de vulnérabilité a encore de beaux jours si la loi ne progresse pas en ce sens. 

Agissons tous ensemble afin de libérer la parole institutionnelle pour libérer la parole des victimes trop longtemps bâillonnée par la règle tacite du silence.

Le #MetooHandicap verra alors peut-être le jour.
Marie Rabatel


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