Endométriose et TSA : le parcours chaotique de Poline


Dans le cadre de la 17e semaine européenne de prévention et d’information sur l’endométriose du 8 au 14 mars 2021, nous publions le  témoignage de Poline Grard, membre de l’AFFA et atteinte d’endométriose.

Un grand merci à elle de nous partager des bribes de son quotidien, de son parcours et de son rétablissement.

Je m’appelle Poline, j’ai 47 ans, je suis TSA et j’ai souffert d’endométriose pendant très longtemps.

Déjà très jeune, à mes premières règles à 12 ans, quelque chose n’allait pas. Porter des « Vania maxi nuit » comme ma mère, et les changer toutes les 2 heures, cela aurait dû me signaler d’emblée, mais non. J’ai consulté beaucoup de gynécologues, en ville et à l’hôpital, en disant que j’avais mal au ventre, très mal au ventre. La réponse était : antalgiques et c’est la vie, c’est dans la tête, ou « vous savez, vous ne perdez pas tant de sang que ça ». Anémie fréquente dans les analyses sanguines…

A l’âge de 23 ans je prends mon courage à deux mains et je consulte un nouveau gynéco à Montpellier, en disant que j’ai des douleurs pendant les rapports. Je me demande si c’est normal. Il m’examine, me répond que tout marche bien, que c’est dans la tête, car « à mon âge, un vagin, ça sert à avoir du plaisir ».

Je devais m’en souvenir quand, exactement 19 ans plus tard, le chirurgien me demandait de tenir un spéculum transparent dans mon vagin, pendant qu’il prenait des photos de mon vagin, dont les parois étaient très infiltrées par la maladie.

J’ai eu un enfant unique après une grossesse pathologique, à cause d’un utérus très contractile. J’ai accouché, déménagé, vu beaucoup de gynécologues, et même été admise deux fois aux urgences parce que la douleur était trop vive et irradiait dans tout mon bassin et mon dos.

J’ai divorcé en 2011. Les douleurs pendant les rapports étaient devenues intenses. Seules deux ou trois positions étaient possibles. Les douleurs dans la journée, en dehors des cycles, étaient aussi, avec le temps, devenu mon quotidien. Toujours pas de réponses des médecins. C’est dans la tête…

Ce qu’on ne dit pas assez avec l’endométriose, est que, sans traitement curatif, ça ne va jamais mieux avec le temps. Cela ne fait qu’empirer. Ce que vous ressentez à 25 ans n’est qu’un « avant-goût » des cauchemars que vous vivrez à 45 ans.

Mon enfant a été diagnostiqué TSA en 2012. Il a heureusement eu un suivi de qualité très vite. Sa psychologue, un jour de 2014, où je l’ai accueillie en larmes à la maison abattue par les douleurs physiques et la dépression, m’a suggéré de consulter une de ses amies psychiatre à Paris ; ce que j’ai fait, et ce qui m’a sauvé la vie.

J’ai doucement remonté la pente, grâce à la thérapie et aux médicaments. Ma psychiatre, le Dr S., m’a encouragée à insister auprès des médecins, à demander des examens complémentaires, ce que j’ai fait, même si ce n’était pas forcément dans les règles de l’art. J’ai littéralement explosé de rage quand la gynéco m’a dit que le petit kyste d’endométriose vu à l’échographie n’était pas grand-chose, que ça ne s’opérait même pas, et que mes douleurs cesseraient quand j’accepterais enfin la douleur de la Femme. J’ai insisté, crié, dénoncé et elle m’a fait un courrier pour le Pr Roman, qui était à l’époque chirurgien au centre expert de Rouen, près de chez moi.

Il m’a vue en consultation en 2015. C’est une chose très étrange que ce médecin soit capable de diagnostiquer une endométriose au toucher vaginal, et de toucher de ses doigts courts, en vous disant, « c’est ça », la lésion de 3 cm très inflammatoire qui, logée au bout du vagin, vous fait vivre des cauchemars depuis tant d’années et vous fait pleurer de douleur pendant cet examen diagnostique.

Suivie au CHU de Rouen, participante d’une étude clinique, j’ai été opérée d’une hystérectomie totale en janvier 2016, parce que les hormones ne suffisaient pas à soulager mes douleurs. Le Pr Roman m’a dit que l’utérus était très très abîmé, avec une adénomyose sévère qui avait été vue à l’IRM pelvienne. Il a enlevé l’utérus, et le col avec. Il a passé le plasma jet sur le rectum (shaving anal) et essayé de dégommer les petites lésions connexes.

Grâce à cette opération qui me permettait à nouveau de rester assise à ma chaise, à mon bureau, j’ai pu terminer ma thèse entamée en 2010. Je l’ai soutenue, assise bien droite sur ma chaise, en janvier 2017.

Pendant tout ce temps, ma psychiatre m’accompagnait, m’aidait à reprendre confiance en moi et à m’affirmer comme je suis. Quand j’ai commencé à envisager la perspective de peut-être travailler dans le supérieur, j’ai fait les démarches de diagnostic et j’ai été reconnue comme femme TSA SDI.

A présent, j’ai toujours de l’endométriose : un kyste de 1 cm niché au cœur de l’ovaire gauche. J’ai mes deux ovaires et j’attends la ménopause patiemment. L’hysterectomie m’a débarrassée des douleurs dans les jambes, les pieds, le bas du dos, le ventre etc. Je n’ai plus vraiment de douleurs à présent, même si je sens parfois les cycles. Je suis très heureuse de ne plus avoir de règles, d’être débarrassée de ce calvaire. J’ai repris une sexualité après 9 ans d’abstinence l’année dernière, en 2020. Sans douleurs pendant les rapports, je connais enfin ce qu’est le véritable plaisir sexuel.

Pour plus d’informations, le site de l’association EndoMind, le site de l’association EndoFrance

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Commentaire sur “Endométriose et TSA : le parcours chaotique de Poline

  • Aralia SPINOZA

    Un récit bouleversant et démonstratif. Les diagnostics tardifs ne sont pas seulement liés à l’évolution lente des connaissances, mais comme le démontre excellement bien Poline à l’incapacité d’un grand nombre de soignants à communiquer sur leurs limites. Chercher à inverser la situation en disqualifiant mentalement le patient leur permet soit de faire face à leur impuissance thérapeutique, soit de garder leur pouvoir dans une relation dissymétrique où ils devraient en tous cas être protecteurs et respectueux des personnes et de leurs plaintes, soit les deux…
    Les professionnels de la santé ne sont toujours pas formés à la psychologie et à la bonne communication ; beaucoup restent englués dans les modèles qui fonctionnent au prestige et se cachent derrière le manque de temps, Dire quand même à leur décharge que les objectifs de rentabilité financière des centres médicaux rendent leur travail de plus en plus ardu. Cependant, l’éducation à la santé est un métier à part entière qui nécessiterait des formations spécifiques et le temps nécessaire pour accompagner les patients à prévenir les complications et minimiser les méfaits des maladies chroniques. Petit à petit ça se met en place pour des maladies physiques comme le diabète ou les maladies rénales. Pus dificilement pour les troubles mentaux. Heureusement des outils de détection précoce deviennent disponibles et ils ne sont pas tous payants !

    Je serais très curieuse d’avoir un retour sur ‘ENDO ZIWIG health’ par quelqu’une de concernée.
    La plateforme gratuite qui améliore la prise en charge de l’endométriose pour bénéficier d’un pré-diagnostic détaillé et de suggestions personnalisées de prise en charge
    https://endo.ziwig.com/main/catalog/resources
    L’endométriose aujourd’hui : 10% des femmes sont touchées par l’endométriose
    7 ans en moyenne pour diagnostiquer la maladie
    2/3 des interventions chirurgicales ne sont pas nécessaires.