L’expérience de la maternité chez les femmes autistes et non autistes (résumé d’une étude)   Mise à jour récente !


Le texte qui suit est un résumé de l’article : « A comparative study of autistic and non-autistic women’s experience of motherhood »

Auteurs : A. L. Pohl1†, S. K. Crockford1*†, M. Blakemore2, C. Allison1 and S. Baron-Cohen1

Remerciements à Marine Vigneau et Angela Godoy pour la traduction, la synthèse et la relecture de cet article publié le 6 janvier 2020 dans la revue Molecular Autism.

L’étude suivante commandée par l’Organisation : « Autism Women Matter », a été menée en 2019 par une équipe de recherche scientifique de l’Université de Cambridge en Grande-Bretagne, plus précisément de la faculté de Psychiatrie et du Centre de recherche sur l’autisme. Elle a été financée par plusieurs organismes tels que le NIHR, CLAHRC…ainsi que des organismes liés à la question de l’autisme, tel que : The Autism Research Trust…

L’étude a pour but de différencier l’expérience de la maternité chez les femmes/mère autistes et celles qui ne le sont pas mais mères d’enfants porteurs d’autisme.
Pour démarrer l’étude, un panel de centaines de femmes de diverses nationalités a été constitué.

Elles ont été soumises à des questionnaires dont les questions n’impliquent dans un premiers temps que des réponses par « oui » ou « non », et par « je suis d’accord » ou « je ne suis pas d’accord. »

Constatant le peu d’études apportées au domaine scientifique sur la question de l’autisme et l’expérience de la maternité, cette recherche apporte un regard nouveau sur les femmes autistes et le rôle parental. Tout d’abord il faut noter que l’on ne peut pas estimer le nombre de femmes autistes étant mères. Seulement entre 17 et 23% de parents d’enfants autistes présentent des « symptômes autistiques » ce qui tend alors à expliquer la part génétique. De même que beaucoup de femmes seront diagnostiquées tardivement, bien après être devenues mères. Il y a plusieurs ouvrages sur la question de la place de l’enfant autiste dans la famille ou la « gestion » d’un enfant autiste au quotidien mais le sujet de l’expérience de la maternité chez les femmes autistes est encore aujourd’hui et malheureusement, un thème peu traité. De nos jours, seulement l’expérience de la grossesse, de l’accouchement et du post-partum ont été étudiés concernant les femmes autistes. Il reste donc toute une thématique de recherche à travailler sur cette question.

Pour cette étude, les chercheurs ont mis en place une méthode spécifique qui préconise un large panel pour de plus grands résultats, c’est la méthode PPI. Pour une telle méthode un panel spécifique de femmes de tout âge, de pays différents à été constitué (ex : plus précisément des pays de l’ouest comme la Grande-Bretagne, les USA, le Canada, la France ainsi que l’Australie ; et des pays comme la Suède, la Nouvelle Zélande, Israël…). Le panel regroupe à la fois des mères non autistes avec des enfants autistes, des mères autistes d’enfants non autistes et des mères autistes d’enfants autistes… . Le panel a été étudié par les chercheurs quatre fois. Un sondage en ligne a aussi été mis en place, ce qui permet au panel de pouvoir répondre plus facilement aux questions.

Ce même sondage pose plusieurs questions notamment des questions concernant la grossesse, l’accouchement, le post-partum, sa perception intra personnelle de la parentalité (ses forces et ses faiblesses), la communication avec les professionnels de santé notamment en relation avec l’enfant, et l’expérience sociale ou sociologique de la maternité comme la question de la reconnaissance du diagnostic d’autisme et son enjeu avec la maternité.

Un peu plus tard des questions ouvertes ont été posées notamment sur des thèmes comme : les aspects positifs ou négatifs de la maternité ou encore ce qui influence les femmes autistes à divulguer leur diagnostic à des professionnels de santé.

maternité, AFFA, femmes autistes

Les résultats de cette étude sont divisés en cinq parties :

L’expérience de la grossesse et les débuts de la parentalité
Selon le sondage, les mères autistes sont plus enclines que les mères non autistes à la dépression prénatale et postnatale. Ce premier résultat montre que les mères autistes ont eu l’impression d’être beaucoup moins bien renseignées sur la grossesse et l’accouchement que les mères non autistes.

Les difficultés d’allaitement chez les mères autistes ressortent aussi de cette partie du sondage,(la peur de ne pas produire suffisamment de lait autant en nombre que en qualité). Beaucoup de mères autistes ont fait remarquer qu’elles ont eu des difficultés pour donner le sein notamment pour le second enfant, ce qui n’est pas le cas avec les mères non autistes.

Ces problèmes concernant l’allaitement sont sûrement liés à la question sensorielle chez les femmes autistes, qui ressentent le « toucher » différemment.
Malgré les difficultés à l’allaitement, dans une majorité des cas, les mères autistes savent que l’allaitement est bon pour l’enfant et passent tant bien que mal au travers des difficultés. Mais elles rencontrent encore plus de difficultés pour allaiter le deuxième enfant quand il y en a un.

Des différences dans le style parental
Les mères autistes rapportent avoir beaucoup plus de difficultés que les mères non autistes dans la gestion quotidienne de la parentalité (le multitâches notamment). Elles rencontrent des problèmes pour gérer les tâches domestiques, la responsabilité domestique notamment quand elles doivent se sociabiliser pour le bien être de l’enfant. Par rapport aux mères non autistes, les mères autistes ne se sentent pas à la hauteur et ne se voient pas comme des mères organisées. En revanche, et c’est un point très important du sondage, il n’y a aucune différence entre les mères autistes et les mères non autistes concernant la priorité qu’elles accordent à leurs enfants. Toutes mères confondues font passer l’enfant avant toute autre chose et se soucient de la même manière de leur bien – être (notamment dans le développement de la confiance chez l’enfant.)
Au regard des résultats de cette partie du sondage, beaucoup de mères autistes ont rajouté qu’elles auraient aimé recevoir plus de soutien suite à la divulgation du diagnostic. Du moins que l’autisme soit pris en compte et qu’elles soient aidées dans ce sens. 41% des mères autistes ne se sont pas senties assez soutenues en tout cas de manière adéquate.

Communiquer avec des professionnels de santé
Pour une plus large compréhension ; les professionnels ainsi nommés sont en fait les docteurs, cliniciens, professeurs, pédiatres ou les travailleurs sociaux, toutes professions que les mères seront amenées à rencontrer.

De manière significative et contraire aux résultats des mères non autistes ; les mères autistes mettent en lumière de plus grandes difficultés de communication qu’elles rencontrent avec les professionnels. Ces difficultés de communication augmentent avec l’anxiété chronique des mères autistes quand il s’agit de rencontrer ces professionnels. 44% d’entre elles rapportent ce problème d’anxiété avant ou après la rencontre avec des professionnels. Les mères autistes ont aussi plus l’impression d’être incomprises par le corps médical et autre.

Selon toute vraisemblance, les mères autistes ont plus de difficultés à différencier et partager les informations importantes à communiquer aux professionnels.

Partager son diagnostic d’autisme avec les professionnels de santé
Dans cette partie, les mères ayant reçues un diagnostic officiel sont comparées avec celles qui se sont auto-diagnostiquées. Les mères avec un diagnostic officiel partagent « plus » cette spécificité que celles qui se sont auto-diagnostiquées.
En terme général, et suivant les résultats, il semble que les mères porteuses d’un diagnostic officiel ont tendance à partager rarement voir jamais le diagnostic.
80% d’entre-elles pensent que partager cette information avec des professionnels conduirait à ce que le comportement de ces professionnels change négativement à leur égard.

De plus, les deux groupes de femmes ont rapporté avoir rencontré, dans la majorité des cas, des professionnels de santé ne croyant pas au diagnostic des femmes partageant cette information.

L’expérience de la maternité
Les mères autistes, sont de manière significative, plus enclines à trouver que l’isolement est une conséquence de la maternité. Elles se sentent jugées dans leur rôle de parent et sont persuadées de ne pas bien faire les choses. Elles se trouvent en difficulté pour la communication et ne se savent pas demander de l’aide même quand elles en ont besoin.

Cependant et dans une majorité de cas, les mères autistes reconnaissent dans la maternité une expérience enrichissante et qui participe à leur bonheur.

Cette étude totalement unique sur le sujet, démontre que le milieu recherche se doit d’approfondir cette thématique car les résultats sont significatifs. L’étude démontre que, dans de nombreux cas, les mères autistes trouvent la maternité beaucoup plus difficile et ce, par bien des aspects, que les mères non autistes.

Les mères autistes trouvent qu’il est difficile de communiquer avec des professionnels de santé, elles ont aussi une perception plus négative de la maternité (problème avec l’allaitement…) Elles se sentent également plus jugées dans leur rôle parental et elles n’ont pas l’impression d’avoir toutes les clés en main pour être un bon parent ce qui amène beaucoup de doute et d’anxiété ainsi que dans une grande partie des cas : une dépression post-partum. Beaucoup d’entre elles se trouvent être le seul parent autiste dans le couple ce qui complique la communication avec les professionnels et ne les amènent pas à partager un diagnostic officiel ou un autodiagnostic. Alors qu’elles pourraient être prises en charge en conséquence, elles ne sentent pas rassurées et ne se sentent pas écoutées voir pire jugées par les professionnels, de peur d’être assimilées à des « mauvais parents ». Tous ces aspects conduisent les mères autistes à s’isoler. Elles se sentent souvent dépassées, et sont plus enclines à subir une dépression post-partum par rapport aux mères non autistes. Ces difficultés de communication avec les professionnels augmentent de manière significative les stigmates autistiques. Beaucoup d’entre elles vivent dans la peur de perdre l’enfant suite à la divulgation de leur diagnostic et craignent les services sociaux à l’enfance et tout autre organisme spécifique à cette thématique. Ce qui tend à prouver que la plupart des mères autistes font face à un manque de connaissance de la part des professionnels concernant l’autisme.

Cependant, il y a aussi des aspects positifs, dans la majorité des cas, la maternité représente dans la sphère privée un moment de bonheur et de grande reconnaissance. 96% des mères autistes sont capables de prioriser les besoins de leurs enfants avant toute chose. Malgré les difficultés qu’elles rencontrent elles sont capables de passer outre pour le bien de l’enfant. Elles essayent de se sociabiliser au maximum toujours dans l’intérêt de l’enfant.

L’étude conclue en précisant qu’il est urgent et important que la recherche sur l’autisme explore au mieux cette thématique dans le but de comprendre l’autisme au féminin et ses spécificités face à la maternité.

Source : Pohl, A.L., Crockford, S.K., Blakemore, M. et al. A comparative study of autistic and non-autistic women’s experience of motherhood. Molecular Autism 11, 3 (2020).

www.pdf24.org    Send article as PDF   

Répondre à Christine91 Annuler la réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

3 commentaires sur “L’expérience de la maternité chez les femmes autistes et non autistes (résumé d’une étude)

  • Elodie

    Merci !
    c’est exactement le reflet de ma propre expérience.
    Il y a vraiment beaucoup de boulot à faire pour la sensibilisation des professionnels autour de la maternité et de la petite enfance !
    Déjà de nombreuses femmes non autistes se sentent jugées et peu écoutées par le milieu médical dans ce cadre, et pour les femmes autistes c’est plus dramatique comme conséquences.
    J’ai fait partie d’une association autour de ces questions.
    Puissent d’autres études appuyer nos ressentis.