Les femmes handicapées, laissées pour compte dans les efforts d’inclusion


Anne Wafula Strike pour The gardian, 8 mars 2018 – Traduction : Nicole Dupont pour l’AFFA

Article original : Disabled women see #MeToo and think: what about us?

Anne Wafula Strike est une athlète britannique paralympique en fauteuil et une ambassadrice d’ADD International.

 

Lorsque l’on parle « d’inclusion » et de « diversité », on laisse souvent de côté le handicap. Le mouvement des femmes devrait être une opportunité de changer ce constat.

Les femmes handicapées continuent de se battre afin de trouver leur place au sein du mouvement des femmes. Des campagnes très médiatisées telles que #MeToo nous rappellent à quel point le chemin est encore long avant que nous puissions dire que nos voix sont entendues.

La plupart des choses que vivent les femmes handicapées demeurent entourées d’un tabou, et avant tout notre sexualité. Dans de nombreuses cultures africaines, en particulier, les femmes handicapées ne sont toujours pas respectées, même par leur famille, et prendre la succession ou hériter de biens familiaux est très problématique pour elles.

Je ne veux pas dénigrer le féminisme, ou le mouvement des femmes, ou celles qui font campagne à Hollywood ou ailleurs. Mais je veux que les militantes se penchent davantage sur les défis auxquels sont confrontées les femmes handicapées.

En tant que femme noire, handicapée, j’ai été méprisée et marginalisée dans ma région natale, au Kenya. Parce que je ne pouvais remplir les tâches  que l’on attend des femmes, comme aller chercher de l’eau et du bois pour le feu, j’étais disqualifiée et j’avais le sentiment de n’avoir pas droit au chapitre. Certaines personnes pensaient que mon handicap était le résultat d’une malédiction de Dieu, d’autres qu’il s’agissait de sorcellerie. De nombreuses personnes ont dit à mes parents que l’on ne pourrait rien faire de moi. J’estime avoir eu beaucoup de chance qu’ils aient souhaité ce qu’il y avait de mieux pour moi et qu’ils aient cru en moi en dépit de ce que disaient les amis et la famille.

Dans le monde entier, les femmes handicapées tentent d’aller de l’avant, comme je l’ai fait, mais c’est difficile lorsque les campagnes restent centrées sur les droits et les opportunités des femmes sans handicap. L’absence de femmes handicapées présentées comme modèles constitue un sérieux problème. Par exemple, lors des récentes commémorations du centenaire du droit de vote des femmes (ndlt : au Royaume-Uni), il n’a guère été fait mention de Rosa May Billinghurst, surnommée la « suffragette handicapée ». De même, lorsque nous parlons de genre et d’inégalités, par exemple de disparités salariales, on parle presque toujours de femmes sans handicap.

Pendant ce temps, les abus envers des femmes handicapées restent répandus en de nombreux endroits, y compris envers des femmes ayant des difficultés d’apprentissage et pour lesquelles il peut être malaisé de décrire leur expérience, ou que l’on ne croit pas lorsqu’elles tentent de le faire.

Au Royaume-Uni, la diversité doit être davantage et mieux représentée, tant en ce qui concerne les handicaps que les origines.

 

Actuellement, lorsque nous parlons de diversité, nous faisons principalement référence à l’origine ethnique et la sexualité, tandis que le handicap est laissé de côté.

Nous devrions nous servir du mouvement des femmes au Royaume-Uni pour redéfinir ce que signifie l’inclusion. Pour prendre l’exemple du secteur de la mode, combien de femmes handicapées ont-elles l’occasion de paraître  dans les magazines ou de défiler sur les podiums? « The Silent Child », un court métrage sur une enfant sourde, a remporté récemment un Oscar. Mais combien y a-t-il de films ou de biographies consacrés à des femmes handicapées? Dans une société véritablement inclusive, la norme serait que les femmes handicapées soient représentées et intégrées dans tous les domaines – les média, la politique, l’ingénierie, la médecine. Après tout, nous sommes aussi capables et battantes que les femmes sans handicap.

En tant que femmes handicapées, il nous faut constamment justifier notre existence, ce qui est frustrant et épuisant. C’est souvent comme si chaque case était cochée, sauf la nôtre, celle des femmes handicapées. Mais alors qu’il reste des personnes recherchant des raisons pour lesquelles l’inclusion ne serait pas possible, d’autres vont de l’avant pour en faire une réalité. Les attitudes commencent lentement à changer. Il se peut qu’il ne soit pas facile de redéfinir l’inclusion afin que les femmes handicapées puissent, elles aussi, trouver leur place dans le monde, mais si nous sommes sérieux dans notre aspiration à ne laisser personne en plan, cela doit être fait.

 

Anne Wafula Strike est une athlète britannique paralympique en fauteuil et une ambassadrice d’ADD International.

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