Depuis l’ONU, la présidente de l’AFFA appelle les États à agir contre la discrimination des femmes handicapées   Mise à jour récente !


Les femmes handicapées ne sont pas juste une « sous-catégorie » de victimes. Elles sont au centre des violences systémiques et elles doivent être au centre des politiques publiques.

Marie Rabatel, présidente de l’AFFA, aux Nations-Unies de New-York le 9 juin 2025


Marie Rabatel était au siège des Nations-Unies à New-York le 9 juin 2025 pour aborder les discriminations des femmes et des filles en situation de handicap. Elle s’est exprimée devant les États partis aux côtés de Michael Gort, Dr. A.H. Monjurul Kabir, Maryanel Garcia- Ramos Guadiana, Mara Gabrilli. À ce jour, 184 sur 193 États membres des Nations-Unies ont ratifié la Convention relative aux Droits des Personnes Handicapées.

Ci-dessous, la retranscription de son discours.

« Monsieur le Représentant permanent,

Mesdames les Membres du Comité,

Mesdames et Messieurs les directrices et les directeurs,

Mesdames et Messieurs,

C’est un honneur pour moi de participer à cet événement parallèle et je remercie les organisateurs, le Comité pour le droit des personnes handicapées, ONU Femmes et Women disabled international sur un thème qui me tient particulièrement à cœur : celui des formes multiples et intersectionnelles de discrimination et de stigmatisation à l’égard des femmes et des filles handicapées. Je m’appelle Marie Rabatel.

Je suis une femme autiste. Et je suis aussi une survivante de violences sexuelles.

J’ai été violée parce que certaines personnes estiment encore que le corps d’une femme handicapée n’a pas de valeur ni des droits. Les conséquences du viol mis à tort sur le dos du handicap invisibilise les violences, les banalise, les efface. Aucun lieu n’est épargné.

L’humanité nous abandonne. Comme si notre souffrance n’existait pas. Comme si le handicap suffisait à justifier les viols et à rendre notre histoire silencieuse. Les femmes handicapées sont 3 à 5 fois plus exposées aux violences que les autres femmes.

Et plus la dépendance est grande, pour se laver, s’habiller, se déplacer, communiquer, plus le risque augmente. Les femmes autistes sont encore plus invisibles. 88 % d’entre elles sont victimes de violences sexuelles. Et la moitié avant l’âge de 14 ans. On doute de notre parole, on ne nous croit pas. Et ce doute profite toujours aux agresseurs.

Il m’aura fallu 30 ans pour trouver un lieu de soin qui accepte pleinement mon handicap. Après 5 années en hôpital psychiatrique à me battre contre la mort, j’ai enfin pu mettre des mots sur ce que j’avais subi. Être reconnue comme victime m’a permis de devenir une survivante et d’agir pour que plus jamais d’autres femmes handicapées traversent ce que j’ai vécu.

En tant que présidente et co-fondatrice de l’Association Francophone de Femmes Autistes, je porte aussi les voix des enfants et des femmes rencontrées et soutenues grâce à l’association. Quand on est une femme handicapée, on ne subit pas seulement deux discriminations. On vit une injustice unique, née de leur intersection. Car aujourd’hui encore des femmes handicapées sont encore stérilisées sans réel consentement.
On leur retire le droit de disposer de leur corps, de devenir mères, d’avoir une vie intime. Comme si leur humanité était conditionnelle.

L’article 6 de la Convention des droits des personnes handicapées reconnaît cette double discrimination. Il oblige les États à agir.

Et pourtant, les réponses actuelles sont souvent pensées pour « les femmes » ou pour « les personnes handicapées », mais rarement pour celles qui sont les deux à la fois.

De nombreux combats restent à mener mais aujourd’hui, grâce à notre détermination pour que les politiques publiques travaillent en incluant les femmes handicapées, nous avons pu briser l’omerta des violences subies par les femmes handicapées quelque soit le lieu où elles vivent. Nous avons mis en place des outils de prévention, des formations envers les professionnels pour prévenir, repérer et accompagner par des modules autoformatifs que nous avons créé, mais aussi favoriser une meilleure connaissance de nos droits et l’accès aux soins gynécologiques.

Intervenant·es : Michael Gort, Ambassador Deputy Permanent Representative, Permanent Mission of Canada to the UN, New York ; Marie Rabatel, President of the French-speaking Association of Autistic Women ; Dr. A.H. Monjurul Kabir, Senior Adviser and Global Team Leader, Gender and Disability Inclusion, UN Women HQ ; Maryanel Garcia- Ramos Guadiana, Executive Director, Women Enabled International, Mara Gabrilli, Member, CRPD Committee
Modératrice : Gertrude Oforiwa Fefoame, Member, CRPD Committee

Il est indispensable qu’une vraie inclusion des femmes handicapées soit réelle dans les politiques publiques, dès leur conception ; que des lois existent contre les violences spécifiques liées au genre et au handicap, y compris la stérilisation forcée ; que les formations obligatoires soient systématiques pour les professionnel·le·s de la santé, de la justice et du social.

Il est urgent que la collecte systématique de données soit croisées : genre/handicap pour rendre visibles ces violences.

Ce ne sont pas des faveurs. Ce sont nos droits. Et les droits ne valent que s’ils sont protégés.

Aujourd’hui, la honte ne m’appartient plus, parce que chaque femme handicapée a le droit d’exister, de dire non, d’être libre et d’être crue.

Rien pour nous, sans nous. Et plus jamais sans entendre notre vérité.

Je vous remercie.

Marie Rabatel, le 9 juin 2025 à New-York (siège des Nations-Unies)

Poster de l’événement du 9 juin 2025 à New-York (Nations-Unies)
www.pdf24.org    Send article as PDF   

Laissez un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *